Dans le café de la jeunesse perdue de Patrick Modiano | Une Russe à Paris
Une Russe à Paris

samedi 15 décembre 2007

Dans le café de la jeunesse perdue de Patrick Modiano

En deux mots: un beau roman pour les nostalgiques d'une époque où les hommes étaient libres et les femmes, mystérieuses.

Un roman tissé par quatre voix qui s'unissent toutes au Condé, à côté de l'Odéon: Louki, une femme mystérieuse sans passé et sans avenir; un étudiant des Mines; Roland, l'amant de Louki, et Caisley, un détective privé menant une enquête qui ne finira pas comme prévu. Tous gravitent dans ce quartier qui "n'existe plus aujourd'hui que pour ceux qui y tiennent des boutiques de luxe et les riches étrangers qui y achètent des appartements... A l'époque, j'y trouvais encore des vestiges de mon enfance: les hôtels délabrés de la rue Dauphine, le hangar du catéchisme, le café du carrefour de l'Odéon où trafiquaient quelques déserteurs des bases américaines, l'escalier obscur du Vert-Galant, et cette inscription sur le mur crasseux de la rue Mazarine, que je lisais chaque fois que j'allais à l'école: NE TRAVAILLEZ JAMAIS."

C'est dans ce Paris hagard des années 60 que les personnages de Modiano se croisent, se perdent, cherchent, tous en quête d'une inconnue qui manque à leur existence sans but. Cela paraît impossible de nos jours: de jeunes gens qui ne ressentent pas la pression de devoir faire une carrière ou fonder une famille et qui vivent dans cette apesanteur étrange, dans cet entre-deux qui aujourd'hui n'est plus. Cette incertitude crée presque un malaise...

Pour ceux qui, comme moi, n'ont pas connu le Paris des années 60, une référence s'impose: Belle de jour (1967) de Louis Buñuel, qui, pour moi, évoque exactement la même période et dont certains personnages se ressemblent tellement. Louki, dont le vrai nom est Jacqueline, me rappelle tellement Séverine Serizy dans sa façon d'être mystérieuse, incomprise par les hommes qui gravitent autour d'elle, d'avancer dans sa vie au grès des rencontres fortuites, ne sachant où elles vont la mener. A voir avant ou après avoir lu le dernier Modiano!

Au final, un beau roman pour les nostalgiques d'une époque où les hommes étaient libres et les femmes, mystérieuses.

A lire sur ce sujet: une critique de Nathalie Crom dans Télérama; une critique de Douglas Kennedy.

Ed. Gallimard, 150 p., 14,50 €.