Shoji Ueda, une ligne subtile | Une Russe à Paris
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dimanche 30 mars 2008

Shoji Ueda, une ligne subtile

© Shoji Ueda


Encore une expo, et encore une expo de photo. Je suis monomaniaque cette semaine! Je sais que je m'y prends un peu tard, à vous parler de Shoji Ueda (1913-2000), alors que l'exposition qui lui est consacrée (et qui tourne dans le monde entier depuis 2006) vient de se terminer à la Maison Européenne de la Photographie. Je suis grave dans l'actualité... Mais que voulez-vous? Un coup de cœur, ça vaut la peine d'en parler. Et Shoji Ueda en est un.

Déjà, lorsque j'avais aperçu quelques photos dans des revues, j'avais ressenti quelque chose. Vues pour de vrai, elles feraient presque mal aux yeux tellement elles sont belles. Après plusieurs forces surnaturelles m'ayant empêché de voir cette exposition à temps (dont un oubli de portable et une livraison foireuse de courses faites sur Internet), je me suis levée ce matin à 8h30 (et je vous rappelle qu'on est dimanche et qu'on vient de perdre une heure de sommeil, ça fait donc 7h30) - et je ne suis pas du matin. C'est vous dire mon enthousiasme.

Deux choses à dire sur Shoji Ueda: son originalité et sa sensibilité. “J’aime introduire dans des paysages naturels des éléments artificiels. J’aime bien que l’on sente une légère intervention du photographe”, disait Ueda. Non content d'être photographe, il est aussi un magnifique "metteur en scène" de ses propres photos: il crée ses compositions de toutes pièces (comme ce "Fil de fer amoureux" ou un paysage au chapeau-melon tout à fait magrittesque); c'est surtout sa famille et ses amis qui sont les sujets de ses premières photos (cf photo à gauche).

Mais c'est surtout sa sensibilité, sa capacité à voir dans un paysage neutre voire inintéressant quelque chose qui vous interpelle, vous arrête, vous appelle. De tous les paysages, il préfère les dunes, mais aussi la neige et la mer - les choses parmi les plus difficiles à photographier. “Les dunes, c’est mon studio. On ne peut pas trouver d’arrière-plan plus parfait, car l’horizon est étirable à l’infini. Je dirais que la dune est un paysage presque naturellement photographique. C’est la nature, mais réduite à un fond unique.” C'est cette attention unique pour les étendues de sable ou de neige qui donnent cet aspect si particulier à ses photos, une sorte de grain "poudré". Les contrastes n'en sont que plus forts, et les personnages, expressifs. Shoji Ueda se sert de ces arrière-plans uniformes pour dessiner dessus: son style est à la photographie ce que la calligraphie est à l'écriture - une perfection. Son "Nu dans les dunes" (à droite) est à pleurer de bonheur - c'est tellement rare de ressentir quelque chose qui ressemble autant à une douleur mais est provoqué par une ligne épurée, une mélodie, un timbre de voix...

Né à Tottori, une petite ville au Japon, Shoji Ueda n'a pratiquement jamais quitté sa région natale, à part un voyage en Europe dans les années 1970. Son monde, il le construit à partir de ce qu'il a sous la main: objets du quotidiens, revues photographiques occidentales... Ce cheminement spirituel dénué de superflu, de choses matérielles, de recherche de célébrité même, ça a un côté


Sessions de rattrapage:

  • Vous pouvez déjà, pour commencer, voir quelques photos en bonne résolution ici.
  • Un photo-poche consacré à Shoji Ueda sortira le 15 avril aux éditions Actes Sud (le précommander ici)
  • Pour les New-Yorkais, les clichés de Shoji Ueda sont présentés à l'exposition Photographers of Japanese Descent, Howard Greenberg Gallery, New York. Jusqu'au 3 mai 2008.