(Théâtre) Je t'ai épousée par allégresse au Théâtre de la Madeleine | Une Russe à Paris
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vendredi 13 février 2009

(Théâtre) Je t'ai épousée par allégresse au Théâtre de la Madeleine

Je t'ai épousée par allégresse - voilà un titre délicat comme de l'organza et pétillant comme du spumante, qui, à lui seul, donne envie de voir la nouvelle pièce à l'affiche au théâtre de la Madeleine. Écrite en 1965 par Natalia Ginzburg, Je t'ai épousée par allégresse est une de ces comédies pas si comiques que ça dont regorge le cinéma italien des années 1960-70 (je pense à C'eravamo tanto amati (Nous nous sommes tant aimés), en moins tragique mais avec le même fond de désespoir). Ici, le désespoir est en sourdine, et l'allégresse est le voile qui le recouvre: soit deux âmes dépareillées qui se rencontrent sans savoir pourquoi ("Je t'ai épousée par allégresse"... lui dit-il, et elle de répondre: "Et moi, je t'ai épousé pour ton argent!"

Un quintette composé Giuliana et Pietro qui se sont mariés trois semaines après s'être rencontrés dans une soirée "de peintres", Vittoria, la domestique un peu sauvage, la mère de Pietro, persuadée que son fils n'ait épousé cette fille que pour lui faire de la peine, et la sœur de Pietro ("ma sœur, c'est une dingue", prévient-il Giuliana). Plus quelques personnages dont on parle mais que l'on ne voit pas, des anciens amours, des connaissances, un médecin et deux poulets fermiers. Dans une mise en scène légère et efficace de Marie-Louise Bischofberger, Je t'ai épousée par allégresse se laisse regarder - comme vivent ses personnages - sans déplaisir.

Le texte de Natalia Ginzburg - bien écrit, dynamique mais parfois s'égarant dans des digressions ou des répétitions inutiles qui cassent le rythme - est servi par une distribution plutôt réussie bien que inégale. Stéphane Freiss (dont je vous avais déjà parlé ici à propos de la pièce de Lars Noren) est, comme toujours, superbe: une maîtrise du phrasé sans fautes, un effet comique précis comme le scalpel, des silences calculés à la milliseconde, un sens de repartie inné face aux femmes désemparées ou hystériques (tout comme chez Lars Noren, en somme). Face à lui Valéria Bruni-Tedeschi est un mystère: elle possède à la fois les gestes et les intonations italiens des plus pittoresques, mais sa voir est si monocorde et son phrasé si étrange que l'on décroche vite de ses monologues lassant. Au fond, elle joue toujours le même personnage, une femme qui, au mieux, n'a pas de prise sur sa vie, au pire, une femme désespérée. Et pourtant, elle possède un je-ne-sais-quoi qui fait que, à chaque fois, je tombe dans le piège et j'ai envie de la revoir. Finalement, c'est dans la scène de la danse finale, où toute l'assemblée se lâche sur les motifs de Felicità... que l'on se sent enahi par le charme et la présence de Bruni-Tedeschi sur scène et que l'on se dit: oui, c'est une femme allègre!
Edith Scobb dans le rôle de la mère est le pendant de la Valéria Bruni-Tedeschi pour ce qui est des intonations dans le sens où elle n'en a qu'une (celle d'une vieille bourgeoise irritée, ou plutôt la caricature de cette dernière) - et elle en use et en abuse tant qu'au bout de dix minutes de sa présence sur scène, on n'en peut plus. Armelle Bérangier dans le rôle de la sœur ne manque pas de piquant et justement, relève le niveau avec le peu de paroles que son rôle lui donne à prononcer. Enfin, Marie Vialle est juste ce qu'il faut dans le rôle de Vittoria - la domestique indomptable mais si séduisante de désobéissance et de désinvolture, mais on l'aurait appréciée encore plus si elle forçait moins son jeu.



Au final, une pièce très italienne que l'on apprécie davantage pour le texte que pour son interprétation, et qui gagnera peut-être en qualité au fur et à mesure. Pour l'instant, profitez du fait que la salle soit presque vide pour passer au kiosque de la Madeleine (ou de Montparnasse) pour y prendre des billets à moitié prix.

En pratique:

Théâtre de la Madeleine
De mardi à samedi à 21h, samedi 18h30, dimanche 15h
Jusqu'au mois d'avril
Tarifs: de 18,5€ à 42€

A lire aussi: la critique sur le blog des Trois coups.
A voir: quelques extraits du film italien avec Monica Vitti: ici et ici.
(C) photos: Pascal Gély