(Ciné) Eden à l'Ouest de Costa-Gavras, ou un voyage à l'envers | Une Russe à Paris
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jeudi 5 mars 2009

(Ciné) Eden à l'Ouest de Costa-Gavras, ou un voyage à l'envers

Je me souviens du soir où j’ai vu Eden à l’Ouest, le dernier film de Costa-Gavras : ce soir-là, il fut le gagnant de ma short-list « Qu’est-ce qu’on va voir ce soir ? », triomphant sur Slumdog Millionnaire et Le Doute. Rien en commun entre ces trois films, sinon que, sur les axes légèreté/sérieux et fable/histoire vraie, les deux derniers se situant aux deux extrêmes, Eden à l’Ouest fut une promesse d’équilibre. Entre le monde rêvé et le monde réel, voici donc la réalité rêvée par Costa-Gavras. Elias, un immigré imaginaire aux allures d’Odyssée et au prénom biblique, monte à bord d’un bateau clandestin l’emmenant vers la terre non-promise. Costa-Gavras traite un sujet des plus sérieux avec, à la fois, de l’humour et de la compassion dans un rêve où son sens de l’observation certain laisse souvent la place au burlesque.

J'ai (re)découvert avec joie Riccardo Scamarcio, que l’on a pu déjà apercevoir dans les très bons films italiens comme La Meglio Gioventu,(Nos Meilleures Années), Romanzo Criminale, Mon frère est un fils unique mais aussi dans l’excellentissime GoGo Tales d’Abel Ferrara, malheureusement jamais sorti en France en dehors du festival de Cannes. Des choix qui le caractérisent plutôt bien ! Natif des Pouilles, Riccardo Scamarcio se glisse avec facilité dans la peau de cet immigré grec (d'avant la zone Schengen, donc) aux talents de mime indéniables. Je vous passe mes réflexions sur son nez comme sculpté d'après la copie du buste d'Appollon que j'avais chez moi lorsque j'étais petite. Si l'on veut voir plus loin que son nez, on verra aussi que Scamarcio est un acteur généreux qui se sentira bientôt à l'étroit dans le cinéma italien... mais qui aura du mal à en sortir, au-delà des rôles exploitant son accent.

Quant au film, on en ressort avec des sentiments mitigés: enthousiastes pour la première moitié du film (à peu près jusqu'au moment où les chemins d'Elias et des ouvriers allemands qui le prennent en autostop se séparent devant le panneau Paris / Hambourg). Mais la deuxième partie provoque davantage de lassitude, les scènes deviennent de plus en plus cliché (avec le point d'ébullition atteint dans la scène avec les tentes des enfants de Don Quichotte à Paris), on oscille entre le bon vieux français et le français raciste... pour finir, en coup de baguette magique: on reste bouche bée devant la non-fin de cette histoire se mange la langue. Car c'est le propre de ce voyage inversé qui aurait pu se dérouler à l'envers (d'ailleurs, on voit, dans le film, un vieux grec qui le fait à l'endroit).

Au final, si l'on s'en tient à la première moitié, quelques scènes fabuleuses (qu'elles soient drôles ou lyriques) valent absolument le détour. Passé l'indication pour Hambourg, éteignez. Ou alors, si, voyez la dernière minute du film. Juste pour la dernière phrase du magicien pour nous ramener à la réalité.