Exposition Chaïm Soutine à la Pinacothèque | Une Russe à Paris
Une Russe à Paris

lundi 10 décembre 2007

Exposition Chaïm Soutine à la Pinacothèque

Chaïm Soutine fait partie des quelques 500 peintres juifs venus d'Europe de l'Est au début du XXe siècle et qui ont constitué en large partie ce que l'on appelle communément "L'École de Paris". Parmi eux, Chagall, Zadkine, Lipshitz, Kikoine... C'est l'âge d'or de "La Ruche", l'atelier de la rue Dantzig qui abrite des artistes venus du monde entier. C'est l'âge d'or de la solidarité entre les peintres, tous fauchés - Modigliani, ami de Soutine, lui donnait 1 franc par jour pour subsister... C'est aussi l'époque où Hemingway sans un sou passe ses heures dans les cafés parisiens, dans ce Paris qui est une fête malgré la misère. C'est là que naissent les oeuvres si sauvages, si expressives, si intenses de Soutine.

Soutine est relativement peu connu comparé à ses contemporains Chagall ou Modigliani, et pourtant, ses oeuvres s'estiment en millions d'euros - plus de 7 millions d'euros pour Le Pâtissier de Cagnes chez Christie's il y a quelques années; ce pâtissier même qui le rendait célèbre en 1922: "un pâtissier inouï, fascinant, réel, truculent, affligé d'une oreille immense et superbe, inattendue et juste, un chef-d'œuvre", le décrivait Zborowski, le marchand d'art qui a révélé Soutine au marché de l'art .

Une exposition consacrée à Soutine est une rareté, et non seulement à Paris. C'est avec d'autant plus de plaisir que je suis allée voir l'exposition organisée par La Pinacothèque. Certes, l'espace n'est guère adapté (un sous-sol assez glauque avec des murs d'un bleu indigo un peu oppressant), les lumières guère satisfaisantes, les explications parfois incongrues. Mais le choix des oeuvres reste tout à fait défendable, surtout pour la première période de la vie de Soutine. Affamé, méconnu, maladivement timide, il peignait à n'en plus tenir debout, en détruisant et en repeignant ses oeuvres encore et encore... Des paysages du Sud, des natures mortes aux couleurs et aux formes si violentes qu'elles en paraissent vivantes, des morceaux de boeuf ensanglantés, les premiers portraits "défigurés"...

A une personne ne connaissant pas la vie de Soutine, tout cela peut paraître une folie pure. Et pourtant, la seconde partie de l'exposition rassure: le style est plus posé, les sujets, plus bucoliques... Mais toujours ces couleurs endiablées, des rouges hypnotisants, des bleus, des verts, des oranges, des explosions! Dans cet hiver parisien, c'est bien ce qu'il nous faut, une explosion!

Les peintures de Soutine vous transpercent autant que l'histoire de sa vie, ensuite, à chacun de trouver son approche pour apprécier son oeuvre. Soutine remonte sur la surface de ses tableaux quelque chose de si profond, quelque chose de la bête humaine qui nous dérange et fascine à la fois. Tout comme ce personnage passionné, tourmenté, reconnu mais si seul, qui meurt si tôt, ne pouvant être soigné pendant l'occupation. Derrière son cercueil ne marchait qu'une seule personne. C'était Picasso.

Faut-il aller la voir? Courez-y! Que vous connaissiez ou non Soutine, les occasions - et les oeuvres présentées, venant presque toutes des collections privées- sont si rares!

La Pinacothèque
28, place de la Madeleine
75 008 Paris
Tlj 10h30-18h

Jusqu'au 2 mars 2007
Tarif: 9 euros, 7 euros (réduit)
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