Les indispensables | Une Russe à Paris
Une Russe à Paris

jeudi 31 janvier 2008

Les indispensables


Je prends un petit moment pour réfléchir sur la question aussi vieille que l'homme ou, du moins, la société de consommation: "De quoi a-t-on vraiment besoin?"

Qu'est-ce qui me prend tout à coup? Ce week-end, je feuilletais le Figaro Magazine, et je suis tombée sur la page "Art de vivre - Les indispensables". Tiens, tiens! Eh bien, selon les auteurs de cette rubrique (Marie-Ange Horlaville pour ne pas la nommer), j'aurais donc besoin (ah non, pardon, cette section était destinée aux hommes) de ce magnifique "plateau carré en lapin" (photo) pour protéger "montres et pierres précieuses des chocs qui se produisent lorsqu'on les pose directement sur le marbre ou le rebord du lavabo". 240 euros.

Youpi! Enfin, quelqu'un a inventé cette chose en effet indispensable! La prochaine fois que je dépose mes pierres précieuses sur du marbre, je penserai absolument à l'acheter. Vraiment, je ne sais pas comment je n'y avais pas pensé avant! Franchement, quand je vois mes pierres précieuses tout abîmées parce qu'elles ont subies tant de chocs avec mon lavabo en marbre, ça me fait mal au coeur!

Non, ce n'est pas le prix qui m'indigne (ni d'autres objets présentés sur la même page, du genre un trois-quarts en chinchilla pour une somme à 5 chiffres, etc. etc.). Je suis sure qu'un certain pourcentage du 1% de la population qui peut se les permettre sera certainement intéressé par cette page. Non, mon indignation est purement linguistique! J'ai l'impression qu'il y a, en ce moment, une vraie dérive de l'utilisation du mot "indispensable" par les journalistes. Avant, j'avais l'impression que seules les publications comme ELLE en étaient touchées. Mais maintenant, je remarque que Le Figaro s'y est mis aussi... Bon, je sais qu'ils sont estampillés de droite, mais quand même ce n'est pas une raison, et puis j'aimais bien ce journal depuis Sciences Po et n'avais pas l'intention d'en changer, surtout pour une histoire de plateau en lapin...

Le changement de sens ressemble un peu à celui qui s'est opéré pour le mot "terrible" qui aujourd'hui veut dire son contraire. Ce genre d'objets (que j'appelle "les dispensables" et dont Bernard Shaw avait si bien dit: "Je peux vivre sans avoir le nécessaire. Mais je ne peux pas me passer du superflu") me faisait hurler de rire à une époque, puis j'ai commencé à me questionner... Maintenant je me mets en colère! Que l'on vive dans une société de consommation, soit, mais qu'elle s'immisce jusque dans la langue que l'on utilise, déforme nos mots, nos concepts, et qu'on ne le remarque plus, ça sent le Matrix à plein nez.

Et vous, avez vous des "indispensables"?