Les Citronniers d'Eran Riklis | Une Russe à Paris
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lundi 28 avril 2008

Les Citronniers d'Eran Riklis

En deux mots: "It's too much blood, and too much politics, and there is a lemon orchard growing between us". Une fable au bon goût de la limonade sur le droit de la terre en Israël, portée par deux actrices d'exception.

Décidément, depuis deux-trois ans, le cinéma israëlien est plus dynamique que jamais: après les excellents Les Méduses et The Bubble l'année dernière (les grands gagnants de mon palmarès ciné 2007), le Désengagement d'Amos Gitaï il y a quelques semaines, et enfin My Father, My Lord (que j'espère voir très bientôt). Cette fois-ci, Eran Riklis (le réalisateur de La Fiancée Syrienne) nous séduit avec une histoire touchante mais pas niaise sur la société israélienne.

L'histoire: En Cisjordanie, une veuve palestinienne au visage de madone essaye de sauver son verger soudainement devenu une menace pour son nouveau voisin, le ministre de la Défense.

Dis comme ça, le scénario a l'air manichéen; cependant aucune des deux parties n'est caricaturée (ni en bien, ni en mal), et cette structure narrative simplifiée sert de fondement à une fable épurée au rythme oriental. Le film penche davantage vers le portrait que vers le film politique (si on le compare aux films de Gitaï, par exemple): ici, l'histoire est un arrière-plan pour les relations humaines qui se nouent et évoluent devant nos yeux. La complicité entre Salma et Mira, la femme du ministre (Rona Lipaz-Michael, une actrice intéressante, parfaite inconnue de Google, Allociné et autres imdb.com), le sentiment naissant entre Salma et son avocat, les relations entre Mira et son mari, Salma et les amis de son mari défunt nous deviennent plus importants que les "trois pauvres citrons" autour desquels ils se battent.



Acteurs. Ce film n'existerait pas sans les deux protagonistes, Salma et Mira, qui transcendent les faiblesses du scénario pour nous faire entrer dans une dimension plus psychologique. Hiam Abbass (Salma) est une actrice à la filmographie impressionnante; on la verra, entre autres, dans le prochain Jim Jarmush (The limits of control, au casting de rêve réunissant, entre autres, Bill Murray, Tilda Swinton et Gabriel Garcia Bernal, sortie prévue début 2009). Son visage m'avait déjà accroché dans Désengagement (c'est elle qui joue la femme qui échange un baiser avec Liron Levo dans le train au tout début du film), j'avais trouvé que ce moment était un des plus fascinants dans le film... Ici, son visage est de tous les plans, austère, beau, avare de sourires et de mimiques - et pourtant, on a du mal à s'en détacher, tellement son regard est lourd de sens; et l'on retrouve dans ses traits l'histoire de ses ancêtres.
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Faut-il voir ce film? Je ne le classerais pas dans les must-see, ni du point de vue cinématographique, ni du point de vue de l'histoire (en matière d'illustration du conflit israélo-palestinien,on a déjà fait mieux). Cependant, ce sera certainement un très bon film à découvrir en DVD, surtout pour Hiam Abbass à qui Eran Riklis offre ici un vrai grand rôle.

6 commentaires:

Sarah a dit…

Merci de cette riche critique pour ce film que je vais aller voir très bientôt (mais je saute sur "my father my lord" avant qui n'est que dans 2 salles, de mémoire, à l'arlequin et au MK2 bbg... décidément les films et même les meilleurs ont vraiment du souci à se faire !!).
Je voulais te recommander, dans cette excellente série israelienne, "la visite de la fanfare". Ce film est tout ce que j'aime : humour, grace, densité, décalage... Un bijou discret.
Merci pour tout le reste, ton blog doit te prendre un temps infini, mais c'est génial à lire !

Une Russe à Paris a dit…

Je crois que "My Father, my Lord" est aussi à l'affiche aux Sept Parnassiens :-) Mais c'est tout à fait ça, trois salles! Moi j'irai le voir la semaine prochaine lors d'une projection privée, donc je souffle un peu - au moins celui-là, je ne le raterai pas!

Tu fais bien de me rappeler "La visite de la fanfare" que j'ai complètement oubliée dans ma critique, mais que j'avais pourtant vu et critiqué il y a quelques mois (ma critique ici: http://littlepita.blogspot.com/2008/01/la-visite-de-la-fanfare-eran-kolirin.html )

Le blog prend un temps fou, que je n'ai absolument pas, mais pour l'instant je m'accroche et j'adore. Et puis des fois, les gens laissent des commentaires comme le tien, et cela m'encourage de continuer! Merci!

Une Russe à Paris a dit…

Pardon, voici le lien vers ma critique de "La visite de la fanfare" qui n'est pas passé dans mon message précédent!

Cristophe a dit…

J'ai l'intention d'aller le voir donc : je ne lis pas, je lirai après (si je vais au bout de mon intention...).

tiusha a dit…

je l'ai vu lundi, justement!

j'ai bien aimé, si je trouve le temps je ferai un billet dessus. Pour ma part je trouve que ce serait dommage d'attendre qu'il sorte en DVD, on y perdra en intensité (les gros plans sur les visages...)

allez au ciné c'est quand même mieux :)

Une Russe à Paris a dit…

Tiusha: C'est vrai, tu as peut-être raison sur ce coup-là!