(Expo) Jean Fabre au Musée du Louvre | Une Russe à Paris
Une Russe à Paris

vendredi 23 mai 2008

(Expo) Jean Fabre au Musée du Louvre

Il y a quelques jours, j'avais profité de ma grande matinée à l'exposition Babylone au musée du Louvre pour voir les installations de Jan Fabre. Vous voyez de quoi je parle, cette affiche toute mignonne avec un petit agneau (ou biche ou un autre cétartiodactyle, corrigez-moi si vous ne savez plus) que l'on voit partout dans le métro en ce moment? Et bien, détrompez-vous: l'exposition "L'ange de la métamorphose" de Jan Fabre est tout sauf mignonne. Au contraire, les objets exposés furent pour moi probablement les plus répugnants que j'aie jamais vus dans un musée. Explications en images.

Attirés par le petit chevreau doré, les visiteurs rentrent dans l'exposition. Ils y sont accueillis par une installation somme toute inoffensive, une sorte d'armure désarticulée dont les différentes parties ont été suspendues en l'air. Ils font un pas de plus. Et là...


Vous rentrez dans un univers bien différent (qui ne surprendra pas ceux qui connaissaient déjà l'oeuvre de Jan Fabre; pour ma part, ce fut une découverte). Déjà, son "animal" fétiche c'est le scarabée. Pas le scarabée égyptien, hein! Le bousier. Jan Fabre est fasciné par le pourri, le macabre, le serpentant - bref, par tout ce envers quoi nous éprouvons, de par notre éducation occidentale judéo-chrétienne, une répulsion profonde et inexplicable. Sur la photo de droite, un vers rampant à travers les tombes de peintres (grandeur nature, ça doit bien faire 10m x 5m avec du vrai marbre et un gros faux ver en silicone). Comme si cela ne suffisait pas, le ver siffle (en néerlandais) quelque chose comme "je veux sortir de l'étau de l'histoire". Conceptuellement, je trouve ça intéressant, il n'en est pas moins que je commence déjà à avoir des doutes sur les conséquences de la suite de l'exposition sur mes plans déjeuner.

Même le communiqué de presse du Louvre se montre avare de photos: les photos publiées sont prises d'un point de vue qui cache preque toujours la totalité de l'oeuvre. Comme sur la photo ci-dessous, où l'on voit un joli paon, et on se dit: mais qu'est-ce qu'elle raconte, Une Russe à Paris, ça a l'air plutôt joli! Ce que vous ne voyez pas, c'est qu'il s'agit d'un cercueil en écailles de bousier, avec une tête de Paon, quatre petites pattes de paon et une queue...

Suivent donc des cerveaux, des têtes de mort serrant dans leurs dents des rats morts (ou autres rongeurs, j'avoue que je n'ai pas osé lever les yeux une deuxième fois), divers objets en bousier (pardon, scarabée), têtes d'hibous avec des yeux-prothèses humains... Après avoir vu l'exposition, le ver sur les tombes me semble presque sympathique, c'est un peu comme si vous tombiez, dans une exposition de Bacon, sur une oeuvre de Fragonard. La seule oeuvre que j'ai bien aimée, ce sont les pigeons et les rats (dont vous pouvez avoir un aperçu ici) envahissant une des balustrades du Louvre. Ce qui est bien, c'est que déjà, j'ai pu fixer l'oeuvre plus de 5 secondes. Même au-delà de 15 secondes de scrutation intense, je n'étais toujours pas parvenue à trouver les rats. Et tous seuls, les pigeons en verre de Murano colorés par l'encre de Bic, même déféquant sur la balustrade, sont presque délicieux. Au final, les crottes de pigeon font partie du quotidien de tout parisien, c'est peut-être pour ça que j'étais moins choquée. Plus sérieusement, passez-y juste pour voir cette balustrade souillée par le verre de Murano, pour moi c'est la seule oeuvre qui vaille le coup d'être vue par les âmes (trop) sensibles.

Faut-il aller la voir? Dans la mesure où l'expo n'est pas payante et que, de toute façon, il faut absolument que vous alliez au Louvre voir l'expo Babylone, passez-y! Histoire de mesurer votre réaction artistique sur des oeuvres hors normes. Osons voir Ailleurs !. Si certaines oeuvres ne vous paraissent pas dégueulasses, lisez le carton d'accompagnement avec le titre et les matériaux dont c'est fait. En revanche, si, comme moi, ce que vous vouliez, c'est voir les maîtres flamands (en fait, j'avais complètement oublié cette histoire de Jan Fabre et avais entraîné une amie néophyte à la découverte des grands peintres flamands), passez votre chemin, car vous ne pourrez même pas lever les yeux sur les oeuvres accrochées aux murs, de peur de croiser le regard d'un hibou-garou vous fixant d'une prothèse oculaire moqueuese.