(Ciné) My Father, My Lord de David Volach | Une Russe à Paris
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mardi 13 mai 2008

(Ciné) My Father, My Lord de David Volach

My father, My lord est un premier film de David Volach très remarqué par la critique et le public des festivals (et pas mal boudé par les exploitants - il est à l'affiche de 4 salles parisiennes cette semaine). Un épisode biblique hors du temps rejoué dans la Jérusalem d'aujourd'hui, My Father, My Lord est un premier travail sensible mais encore imparfait.

L'histoire: David Volach revisite l'histoire du sacrifice d'Abraham autour de la question centrale: "faut-il continuer à servir un Dieu qui dévore ses enfants à l'instant même où on l'adore, ou se résoudre au vide des cieux ?"

Le réalisateur. Puisqu'il s'agit d'un premier film en partie autobiographique (ou, du moins, relevant d'un questionnement très personnel), disons quelques mots sur David Volach. Il grandit dans une famille ultra-orthodoxe de la communauté haredi de Jérusalem (une des plus religieuses du pays), avec 19 frères et soeurs. D'abord étudiant dans la prestigieuse Yeshiva de Ponevezh (école talmudique), il décide de quitter la communauté religieuse à 25 ans et commence des études de cinéma à Tel Aviv.
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Le film. Si l'histoire peut sembler lente et quasi non-existente (vous n'y serez peut-être pas sensible si vous n'avez pas vécu/ne vivez pas un questionnement d'ordre religieux), la réalisation, elle, est superbe. David Volach a une façon de filmer les visages qui fait penser aux tableaux des scènes bibliques ou des grands drames de l'histoire antique: comme dans Derniers jours de Pompéï de Brullov ou le Sacrifice d'Abraham de Rembrandt, notre regard est happé par les visages, si expressifs, si poignants dans leur douleur, dans leur incrédulité devant le malheur, envahis par la peur et la résignation.

My Father, My Lord reprend donc le rythme et le souffle des tragédies grecques (ou des récits bibliques, comme on préfère) pour raconter une histoire lancinante simple en apparence. Les couleurs et la douceur de la photographie ne sont pas sans rappeler les premiers films de Sokourov: on y perçoit parfois le même sépia velouté fragile.
La caméra de David Volach saisit le monde de l'enfance tel que le voit Menachem, petit garçon curieux et vif. Un nid de colombe, un chien qui tente de suivre son maître malade dans la voiture du Samu, un poisson qui ne survit pas dans l'eau salée de la Mer Morte... Tout l'intéresse, tout l'attire. Son père, en revanche, est plongé dans le monde de la religion et fait de la vie un commentaire talmudique plus qu'une découverte spontanée. Une friction entre les deux visions finira en tragédie antique.

Faut-il aller voir ce film? Oui, si vous vous intéressez au cinéma israëlien et voulez découvrir un nouveau réalisateur à suivre. Je suis certaine qu'il fera, un jour, un grand film. Pour l'instant, My Father, My Lord est pour moi une étude - lumineuse et pleine de promesses, mais encore inaboutie, tel un travail de fin d'études. Si ce film éveille votre curiosité mais vous n'avez pas le temps d'aller le voir, lisez au moins cette interview de David Volach pour en savoir un peu plus (voir ici).