(Cri du coeur) Le trop-plein de palmarès | Une Russe à Paris
Une Russe à Paris

lundi 26 mai 2008

(Cri du coeur) Le trop-plein de palmarès

« Reducing adults to children, the new kitsch made masses easier to manipulate by reducing their cultural needs to the easy gratification offered by Disney cartoons, pulp literature, and romance novels » (Binkley)

Week-end chargé en palmarès
. En écoutant France Cultures ce matin (car, vous le savez, je ne fais confiance qu'à deux sources d'information - Télérama et France Cultures. Et non, ce n'est pas du tout réducteur!)... En écoutant donc la revue de presse internationale ce matin, j'ai senti qu'un clivage s'était formé: la presse mondiale avait concentré son attention sur deux événements majeurs - les résultats d'Eurovision et la Palme d'Or. La ligne de partage se situerait quelque part autour du Rhin, avec la presse est-européenne louant la victoire de la Russie à l'Eurovision, la presse "occidentale" saluant la Palme d'Or courageuse. Alors, qu'est-ce? Une bataille entre la culture populaire et les intellos, entre le kitsch et le bon goût, entre l'Est et l'Ouest?

Au-delà du jugement bon goût/mauvais goût (si on est sûr du mauvais goût de l'Eurovision, on n'est pas toujours certain de celui du festival de Cannes), il conviendrait de se demander ce qui est en jeu ici. Un sentiment nationaliste triomphant d'un côté, un film franco-français choisi par un jury on ne peut plus international de l'autre. Apparemment, malgré les années qui se sont écoulées depuis l'effondrement de l'URSS, une chanson peut encore souder les épaves de l'empire qui autrement se détestent (pour certaines)! C'est tout de même étrange que dans certains pays européens (disons, Europe de l'Est + la Grèce) l'Eurovision est suivi religieusement et constitue une affaire de fierté nationale! Ce matin, l'Echo de Moscou (la dernière radio d'opposition de Russie - bien qu'elle appartienne, elle aussi, à Gazprom) se demandait quelle influence la victoire de la Russie à l'Eurovision pourrait avoir sur la politique internationale et l'attitude des pays occidentaux envers la Russie. Faut le faire quand même... A Cannes, un film français n'avait pas reçu la Palme d'Or depuis 21 ans. Evénement. Fierté nationale. Comme quoi, même quand l'éducation nationale est en berne, on peut en faire un objet de fierté. Quels malins!

Je dois dire que la performance de Dima Bilan, le gagnant russe de l'Eurovision, est probablement une des vidéos les plus kitchissimes que j'aie vues ces derniers temps. Si vous avez un moment, regardez au-delà de la deuxième minute, parce que là, ça devient tout bonnement excellent: le chanteur est accompagné d'un patineur (Pluschenko, un des meilleurs il y a quelques années) et d'un violoniste, tout deux vêtus de blanc. Les trois se déchaînent sur un rond d'un diamètre de 3m. Un condensé du mauvais goût du show business russe. Si je vous dis que le violoniste, en plus, joue sur un Stradivarius... *sigh*

Mais où va la culture?! signé: mamie.

Believe de Dima Bilan, gagnant de l'Eurovision 2008:



Entre les murs (bande-annonce):



Il y a 2 ans, je n'étais pas arrivée à finir le livre de François Bégaudeau (il avait eu le prix France Cultures, et, fidèle au couple Télérama-FC, je m'étais mise à le lire), tellement j'étais folle de rage en le lisant. Je n'aurais jamais pensé que les choses allaient si mal à l'école. Mais au final, après mure réflexion, je préfère bouillonner de rage devant l'autodérision à la française, plutôt que devant cette farce musicale d'un "chanteur en moins" sans le moindre recul. Adorno disait "Dans le Kitsch est peut-être même le vrai progrès de l'art." Mais il dit bien "peut-être".