(Ciné) Les Noces Rebelles de Sam Mendes | Une Russe à Paris
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dimanche 25 janvier 2009

(Ciné) Les Noces Rebelles de Sam Mendes


 "Academy award nominee Kate Winslet... Academy Award nominee Leonardo DiCaprio..." Qui n'a pas vu la bande-annonce si prometteuse de Noces Rebelles (piètre traduction du titre original du film, Revolutionary road)? Ce film qui semble prolonger la thématique abordée par Sam Mendes dans American Beauty sur le terrain du couple, avait tout pour lui: une vraie histoire, un scénario bien écrit, un duo d'acteurs brillants et complexes... Mais, comme dans le couple de Frank et April, malgré ces apparences flatteuses, on s'aperçoit vite que quelque chose ne fonctionne pas. Mais commençons d'abord par ce qui fonctionne!

Amérique des années 1950. Un jeune couple se rencontre, se marie, se déchire, espère et se résigne. Loin des feux de la rampe auxquels rêve April, plus loin encore des rêves - si vagues - de Frank, les Wheelers déménagent dans une petite ville de banlieue aux pelouses parfaites, tombant sous le charme d'une petite maison juste à côté de la Revolutionary road. Juste à côté, mais pas sur la Revolutionary road - indice subtile ou coïncidence - mais l'on devine d'emblée le destin qui attend ces rebelles ratés.

Basé sur un roman archi-connu aux Etats-Unis (mais que je n'ai malheureusement pas lu), Les Noces Rebelles est donc un film anti-suspense - du moins, pour le public américain: il ne s'y passe rien, et c'est tant mieux car on peut se concentrer sur Kate Winslet et Leonardo DiCaprio auxquels Sam Mendes prête une attention presque obsessionnelle. J'ai toujours aimé Winslet et DiCaprio (et dans ce "et", ne cherchez pas le duo de Titanic mais simplement deux acteurs exceptionnels). Winslet fait pour moi partie des actrices dont le visage est si expressif, si à fleur de peau que l'on peut l'observer sans se lasser même lorsqu'il reste impassible (je pense aussi à Julianne Moore, ou par exemple à Fanny Valette, ou encore à Isabelle Huppert). Quant à DiCaprio, j'ai toujours admiré son jeu de caméléon - jamais un rôle ne rappelle un précédent! Mais voilà que, pour un public qui n'a pas lu le roman de Yates, l'histoire compte tout autant que les "award-winning performances" des deux acteurs.

Je pourrais écrire une critique d'un mètre de long au sujet de ce film (après tout, il est toujours plus facile de critiquer que d'encenser), mais je me limiterai à trois reproches fondamentaux à Sam Mendes. Tout d'abord, la réalisation est si lisse et parfaite qu'elle serait parfaite pour l'un des épisodes de Desperate Housewives. Chaque plan est si beau qu'il semble être tiré d'un livre dont on décore habituellement les tables basses. Rien n'accroche le regard, et cette attention maniaque au détail me fait penser à un cliché dont la trop grande profondeur de champ rend chaque plan à merveille, mais où l'ensemble finit par irriter.

Deuzio, et c'est probablement un pendant de mon premier point, on ne ressent dans ce film aucune énergie, aucun sentiment de la part du réalisateur qui semble garder ses distances en plongeant dans un académisme ennuyeux. Mais, comme le formule si bien Frédéric Ferney, "est classique ce qui donne envie d'être imité et ne peut l'être". En voulant imiter les classiques, Sam Mendes s'oublie, s'efface et livre un film que l'on a l'impression d'avoir vu quarante fois. Et, dans ce genre-là, il  en a eu des meilleurs (je pense, par exemple, à The Hours ou, encore plus, à Scènes de la vie conjugale de Bergman) et des pires (Little Children avec exactement la même Kate Winslet en pleine banlieue, un gosse et une crise de nerfs sur les bras).

Enfin, troisième reproche - toujours sur la forme. Chaque plan-séquence, chaque scène et, au final, le film tout entier ont les points sur leurs "i". Très souvent, on arrive, dans une scène, à un point où l'on pressent, où l'on devine ce qui va se passer où ce que ressent le personnage. Sam Mendes s'empresse alors de mettre le point sur le "i", de verser la goutte de trop, et enfonce le tout. En sortant du film, on se dit: "si seulement il avait terminé son film par..." ou "tu sais, dans la scène du petit-déjeuner, superbement interprétée par Kate Winslet, on sent déjà l'ombre d'un malheur planer au-dessus des oeufs brouillés, alors pourquoi fallait-il la faire exploser en sanglots au-dessus de l'évier? Ca rend les choses tellement évidentes!"

C'est peut-être cela qui nuit le plus au film: le manque de respect pour le public, accusé presque de manquer sinon de culture cinématographique, du moins d'intuition.

Au final, un bon film que l'on apprécie surtout pour les acteurs - et surtout les rôles secondaires, tous exceptionnels, dont l'extraordinaire Michael Shannon nominé aux Oscars pour sa performance dans le rôle du mathématicien fou. Les scènes avec Shannon sont les rares moments où Les Noces Rebelles sort de l'ordinaire; elles me rappellent, avec une pointe de nostalgie, l'époque d'American Beauty que l'on ferait bien de revoir.