jeudi 26 mars 2009

De l'art d'aimer les navets, ou comment le cinéma s'invite dans la cuisine

Hier matin, j'écoutais Gilles Jacob (président du festival de Cannes) dans Les Matins de France Culture - il était invité à l'occasion de la sortie de son livre La Vie Passera Comme un Rêve. A un moment, il a dit: "Quelque part, il est délicieux de voir un navet, car dans n'importe quel film, aussi mauvais qu'il soit, il y a toujours une scène, un plan pour lequel cela valait la peine de voir le film".

Quel soulagement pour tous les cinéphiles, qui ont certainement avalé beaucoup plus de navets que de truffes lors de leurs expériences dans les salles obscures...C'est finalement ce que j'ai toujours pensé sans jamais le dire (évidemment, c'est pour ça que c'est Gilles Jacob qui sort le bouquin et pas moi). En sortant d'une séance de cinéma, j'ai toujours combattu les gens qui ne peuvent sortir qu'un "je me suis fait chier" ou un "c'était longuet" pour essayer d'attirer leur attention sur tel acteur, telle scène, tel moment inattendu. Finalement, même le plus grand navet de tous (attention, opinion subjective!) - "Un film parlé" de Manoel de Oliveira, valait la peine d'être vu car il est, depuis trois ans, LE pire film que j'aie vu, indétrônable, et il met en valeur tous les autres films que je vois.


On appelle communément les mauvais films un "navet" (légume réputé sans goût, son nom fut d'abord attribué à toute mauvaise œuvre d'art, puis s'est uniquement appliqué aux films). J'en suis venue à me remémorer tous les navets que j'ai vu, en essayant d'y trouver, comme disent les Américains, "a silver lining" (une doublure argentée, i.e. un bon côté). Et, apparemment, il suffirait de peu pour transformer n'importe quel navet en, disons, une succulente tarte tatin aux navets! (pour les intéressés, recettes ici et ici).

Les navets dans le monde

Connaissez-vous le "Turnip Prize" ("Prix du Navet")? Ce prix absolument génial récompense les œuvres d'art "volontairement mauvaises" et faites avec "un minimum d'effort". Vous pouvez voir les œuvres des participants ici (d'ailleurs, vous verrez, certaines ont été disqualifiées car ayant demandé trop d'efforts) et celle du gagnant 2008 ici. Fondé dans le Sommerset pour singer le célèbre Turner Prize, le Turnip Prize se matérialise en la figure... du navet (turnip voulant dire "navet" en anglais) - cf photo ci-dessous. Comme quoi, le navet serait international? Ce n'est pas pour rien que l'on dit, en russe, "plus facile que faire des navets vapeur".

Effectivement, il est parfois plus facile de fabriquer un navet que de l'apprécier ensuite! (ou bien j'espère que les grands studios ont autant souffert à faire "Les Passagers" que moi à le regarder). Mais, apparemment, les apprécier, ça s'apprend, et l'exemple de Gilles Jacob m'inspire pour continuer à prendre le risque dans les salles obscures. Le cinéma est mon casino...

Illustration:  le vainqueur 2007 du Turnip Prize contemplant amoureusement son prix.

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mardi 24 mars 2009

(Musique) Give Me That Slow Knowing Smile, le nouvel album de Lisa Ekdahl: une merveille!

Sept ans après son dernier album en anglais, l’excellent Heaven, Earth And Beyond, Lisa Ekdahl sort - enfin ! - un nouvel album. La France a le privilège de l’avoir une semaine avant tout le monde… profitons-en donc. On connaît Lisa Ekdahl pour ses formidables reprises de grands classiques du jazz, pour sa voix fruitée-acidulée qui n’est pas sans rappeler la feu Blossom Dearie, et ses arrangements aériens (et aussi, pour les tarifs faramineux de ses concerts, même quand elle joue en Scandinavie, mais passons).

Avec Give Me That Slow Knowing Smile, Lisa Ekdahl rompt avec l'atmosphère mi-jazz mi-bossa nova de ses albums précédents pour s'orienter vers la folk/pop (le genre qui a le vent en poupe depuis les débuts de Norah Jones). Un album dont elle signe à la fois la musique et les paroles - un véritable soleil musical et poétique sous lequel les fans de l'artiste ne manqueront pas de venir se réchauffer. Cet album lui gagnera sans doute de nouveaux fidèles (les derniers qui résistaient, et qui seront séduits par ces chansons dont - oh miracle! - on se souvient et qui donnent envie de danser.

Pour vous donner un avant-goût haut en couleurs, voici une vidéo de la chanson One Life, où Lisa Ekdahl révèle son profil de Catherine Deneuve et ses sourcils d’Emmanuelle Béart et nous rappelle que nous n'avons qu'une vie, qu'un seul visage...

--video--

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Des sonorités transparentes et poudrées surgit la voix toujours cristalline de Lisa Ekdahl: les arrangements sont encore meilleurs qu'avant, avec une belle conversation entre la voix et le piano, entre les choeurs et la guitare, et des touche d'électro-acoustique vintage par ci par là pour donner une couleur dominante à l'ensemble. Ces neuf ballades sont un parfait compagnon de voyage pour un road trip à l'intérieur des Etats-Unis, en printemps, à regarder l'éternité de la route et l'or des champs de maïs (transgénique, mais beau quand même).

Il y a, dans cet album, un côté rétro délicieux et en même temps différent de celui qui a toujours été associé à la voix de Lisa Ekdahl - cette fois-ci, peut-être parce qu'elle compose enfin elle-même, elle s'affranchit du fantôme de Blossom Dearie pour voler de ses propres ailes. Ses textes délicats dont les mots se détachent tels des perles d'un collier tombé sur un escalier de marbre, tombent parfaitement sur les mélodies pures devenues moins insouciantes qu'avant. On s'y regarde comme dans une boule de cristal et l'on s'y trouve beau.


Pour en savoir plus:
Ecouter l'album ici.
Acheter l'album ici.

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dimanche 22 mars 2009

(Expo) Bijoux Art déco et Avant-garde au Musée des Arts Décoratifs

"Les diamants sont les meilleurs amis de la femme", chantait Marylin Monroe dans Les Hommes préfèrent les blondes. Mais si une promenade place Vendôme reste un passe-temps superficiel (dans le sens où on l'on fait du lèche-vitrines sans jamais rentrer dans le magasin), l'exposition Bijoux Art déco et Avant-garde au Musée des Arts Décoratifs est une véritable balade... architecturale. Oui oui! Car, dans les années 1930, c'est une nouvelle ère de la joaillerie qui commence lorsque le Salon d'Automne refuse à Jean Desprès une trentaine de pièces sous prétexte qu'elles étaient "modernes". Les formes deviennent géométriques, et les bijoux font objet d'autant d'inventivité que l'architecture et la sculpture de l'époque. L'exposition permet alors de revoir les modèles aujourd'hui presque disparus des collections (car nous sommes, depuis le New Look de Dior, et encore plus aujourd'hui, revenus à la joaillerie ultra-féminine, où tout est rond, tout est ondulant, tout est fleurs).

Or, dans les années 1930, justement, tout est nouveau, et "tout est mathématiques" (des citations de Blaise Cendrars imprimées sur les murs vous permettront de briller en société même si vous n'arborez pas à votre poignet l'un des "amis" susmentionnés). Le grand hall abrite une rétrospective de l'oeuvre de Jean Desprès (une première!), des bijoux de ses débuts inspirés par l’esthétique industrielle (bielle, engrenage, roue dentée) ; les bijoux-glaces en argent et verre ; les bijoux-céramiques réalisés; mais aussi des objes liturgiques, des reliures et - ce que j'ai préféré de loin! - les pièces d'art de table (comprenez - fourchettes-couteaux-cuillères).

Si l'on n'est pas convaincu par les bijoux de Jean Desprès - sublimes, mais dont la majorité paraît importable - on est ravi par la deuxième partie de l'exposition où l'on découvre de nombreux créateurs. Des broches très mondrianesques de Jean Fouquet aux plus classiques maisons de Cartier, Boucheron ou Van Cleef & Arpels: ici, ne manquez pas les fameux "bracelets réversibles" (côté or ou côté diamants), ainsi que les bijoux modulables (la structure - collier, boucles d'oreille, bracelet - vous est fournie, ainsi que quatre clips de diamants que vous pouvez attacher à votre guise.

On airait aimé les notices moins arides et mieux disposées (commentant, par exemple, les pièces plutôt que l'oeuvre de tel ou tel joailler dont on ne se souviendra pas en sortant), mais l'ensemble des pièces est parfaitement exposé et éclairé si bien que les bijoux parlent d'eux-mêmes.

Catalogue de l'exposition: Bijou Art déco et avant-garde : Jean Desprès et les bijoutiers modernes

En pratique:
Musée des Arts Décoratifs (107, rue de Rivoli)
Jusqu'au 12 juillet 2009
NB: n'oubliez pas de demander le bon ticket à la caisse, sinon on vous vendra le ticket pour les trois musées (les caissières ne demandent pas ce que vous voulez quand vous dites "un ticket"). Si vous avez fait erreur, faites appel à l'un des gardes (ils sont aussi nombreux que les méchants dans James Bond, on penserait que c'est comme ça que le Musée des Arts Déco lutte contre le chômage - l'un vous prend le ticket, l'autre le déchire, le troisième le vérifie et vous envoie vers le quatrième qui se trouve dans la bonne entrée, celui-ci revérifie votre billet et vous renvoie vers l'ascensceur - le troisième vous rattrape en disant qu'il faut rester au rez-de-chaussée - "Mais votre collègue a dit qu'il faut monter au troisième..." - "Il a dit ça par rapport à votre billet" - finalement un autre court vous échanger le billet, un sixième le vérifie, un septième dit "C'est pas de ma faute", un huitième vous indique les toilettes, un neuvième vous renvoie vers les toilettes parce que, bien sûr, vous vous êtes perdus...) C'est utile d'avoir du personnel, mais n'exagérons rien.

Si vous avez une demi-heure de plus, passez voir l'exposition consacrée à Sonia Rykiel (à l'occasion des 40 ans de la maison) - beaucoup de modèles ont perdu de leur fraîcheur, d'autres sont très mal exposés (une robe noires en dentelle sur un mannequin noir dans une vitrine noire non éclairée), mais l'on s'amuse toujours à découvrir la veste en cheveux roux de Rykiel (comme quoi, Martin Margiela n'a rien inventé) et plein plein d'autres robes qui prouvent que Sonia Rykiel avait autant de talent que d'humour.

(jusqu'au 19 avril 2009)

Illustrations:

1) Brigitte Helm habillée par Jacques Manuel, parée par Raymond Templier; Archive de la maison Templier © D.R.
2) Jean Després, bague, 1937 (platine, or, diamants, aigue-marine)© Les Arts Décoratifs, photo Jean Tholance;
3) Sonia Rykiel - Campagne publicitaire de la collection Printemps/Eté 1986 © Dominique Issermann

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vendredi 20 mars 2009

Du plaisir d'écrire dans les cafés

Il est étonnant à quel point j'aime travailler dans les cafés. Oui, on connaît bien l’histoire des écrivains et des cafés célèbres, de Simone de Beauvoir à J.K.Rowling (pardon, je ne pouvais pas passer à côté de celle-là), qui écrivaient dans des cafés. Une atmosphère inspirante, le fait d’observer des gens, le regard qui se perd au loin, à travers la fenêtre du café, dans la rue où les gens se dépêchent pour aller au travail… Après tout, j’ai une amie écrivain qui a écrit un recueil entier de nouvelles dans des cafés : ses nouvelles portent des titres mystérieux : 5.45, 8.38, 2.30… Le montant de l’addition pour chaque nouvelle. La musique de fond et les bruits lointains des tasses s'entrechoquant dans les mains fatiguées du barman vous isolent, vous protègent et vous aident à vous concentrer sur votre écriture (sur l’impossibilité de procrastination dans un café, voir ce post ; sur l’inspiration que cela apporte, lire ici).

Rien ne m'empêche de travailler chez moi - de la lumière, de la place, du calme, il y en a ! Mais, curieusement, il est bien plus facile de regarder Carrie Bradshaw pianoter sur son clavier Mac habillée d'une robe légère mais élégante et sirotant, toujours élégamment, un smoothie ou autre jus d'orange, que de faire de même chez soi. Car, à la maison, on écrit un mot, on vérifie un mail, on va se faire un thé ou chercher des gâteaux, on passe un coup de fil, on lit un blog, on se dit qu’on a oublié de changer l’eau des fleurs, et qu’il est déjà tard, ce n’est probablement plus la peine de se mettre sérieusement à écrire car il faudra sortir dans une demi-heure… And I couldn't help but wonder - why can't I pull out a Carrie Bradshaw?

Et puis un jour, j’ai aperçu mon propre reflet dans l’écran de mon ordinateur, en train de regarder un épisode de SATC : le regard fasciné et vide, les cheveux défaits, le genre de photo que personne n’aimerait avoir de soi. Et j'ai compris la différence entre Carrie et moi travaillant à la maison (à part que mes articles et ma vie, eux, sont bien réels): elle est observée lorsqu’elle écrit. Arrêtons de rêver: aucun écrivain n'écrit dans un appartement bien rangé, habillé de ses meilleurs vêtements et étalant ses habitudes gastronomiques des plus saines. Alors, comment le fait-elle? Elle est observée. C'est nous qui l'observons. Et elle - actrice et productrice - le sait bien. C'est banal, mais il faut bien se rendre à l'évidence: lorsqu’elle écrit devant sa fenêtre (aka notre écran) c’est un peu comme ces prostituées qui, dans les années 1990, ornaient les vitrines des quartiers rouges de Liège. Aucune ne passe sa vraie journée de la sorte. Carrie Bradshaw écrivant devant sa fenêtre, le rideau bougeant sous la brise légère, c'est l’idée que nous aimons nous faire d’un journaliste ou d’un écrivain.

Mais puisque notre attention l'aide tant à se concentrer, faisons pareil... et allons travailler dans un café. Dur d'y aller en pantoufles et peignoir, dur de s'y distraire... Car le regard des gens autour vous guette. « Qu'écrit-elle? » « Qu'est-ce que ça doit être génial d'être écrivain... » « Ou alors est-elle étudiante? Ah, ça me manque, les années étudiantes... » Quoi que l'on pense de vous, vous, vous continuez à travailler, souriant en sourdine car vous seul savez ce que vous faites... Un mélange d'intimité et d'exposition que seul un café permet d'obtenir. Exposition, car le café EST l'endroit pour voir et être vu, il suffit de regarder tous ces gens qui prennent leur café sans lire ni parler au téléphone... Que pensez-vous qu'ils font? (et, dans une bibliothèque, personne ne vous observe, les gens sont là pour travailler). Intimité, car personne - ou presque personne - n'aurait l'idée ni serait en droit de venir vous demander ce que vous faites.

Et non, contrairement à ce qu'ils prétendent dans SATC (comme quoi, ils n'ont pas toujours raison), les gens qui écrivent dans les cafés ne le font pas pour échapper à la promiscuité de leur appartement. Pour ceux qui travaillent seuls, le café, c'est leur bureau, c'est leur caméra café, c'est leur salle de réunion et c'est aussi le fauteuil dans lequel ils se vautrent pour réfléchir... en attendant que l'on leur apporte un grand crème à la mousse beige tendre.

Il y en a qui me disent que je ne me dévoile pas assez dans mon blog, d’autres, qu’avoir un blog, c’est déjà se dévoiler. Mais, comme a dit un jour Catherine Deneuve (le maître ès apparences trompeuses), « C'est pas parce qu'on s'expose qu'on doit être lapidé ». Finalement, j’écris, vous lisez, le reste n’est qu’interprétation… Yeees, that’s all there iiiis….

Illustrations : Anne Hathaway dans Becoming Jane de Julian Jarrold ; la deuxième, je crois que vous avez compris; la troisième - deux photos de Saul Leiter, faites à Paris (et visibles, jusqu'au 31 mars, à l'exposition Paris en couleurs, des frères Lumière à Martin Parr, à l'Hôtel de Ville)

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mardi 17 mars 2009

(Photo) Une journée de pluie

Cela faisait longtemps que je gardais mes trouvailles photographiques pour moi. Et puis, finalement, c’est un vrai plaisir que de tomber, par hasard, non sur une belle photo - mais sur une photo évocatrice. Car, au-delà d’une composition parfaite ou de couleurs harmonieuses, de lignes dynamiques, de la règle des tiers ou de son dépassement, ce que l’on apprécie dans une photo, ce sont les sensations qu’elle fait naître en nous. Sensations qui apparaissent grâce à une myriade de petits échos envoyés par nos propres souvenirs, voire bien moins que ça - des odeurs, une lumière particulière, une goutte d’eau sur la vitre que l’on observait à la campagne lorsque, enfant, on restait bien au chaud en attendant que la pluie cesse et nous laisse seul maître de notre terrain de jeux.

La goutte d’eau était ainsi presque animée, au même titre que les fleurs dans le jardin, l’herbe, les insectes et toutes les petites choses que le regard d’un enfant parvient à arracher à la réalité des adultes. Glissera-t-elle, ne glissera pas ? Souvenez-vous de ces journées où l’on avait le temps de se poser cette question en fixant la vitre couverte de larmes de pluie ? On avait de grosses chaussettes en laine aux pieds (« Ne marche pas pieds nus, tu attraperas froid »), un mug de thé chaud à la main (à la confiture de cerises, si on avait de la chance et qu’on avait été sage), et les jouets prêts à sortir dès que le soleil aura pointé son nez. Puis, au bout d’un moment, on se rendait compte que la goutte ne glisserait pas, et que, probablement, on aurait à passer la journée à l’intérieur. Alors, alors… on  embête un peu les parents (« Occupe-toi ! »), on joue un peu et puis on va voler un gâteau à la cuisine et, à pas de loup, on revient dans la chambre, se glisse sous la couette, ouvre un livre et enfonce les dents dans la chair délicate du gâteau.

Voici l’histoire que je me raconte en regardant cette magnifique photo de Rémy Weite (www.weiter.fr) - prise dans Les Bayards, en Suisse, elle évoque une journée pluvieuse sans fin où l’on est heureux de se rester à la maison en attendant avec impatience de pouvoir revêtir les bottes en caoutchouc pour sortir, respirer l’air encore humide et sentir l’herbe mouillée se plier sous nos pas. Le fait de limiter la zone de netteté aux seules gouttes d’eau est, pour moi, ce qui rend cette photo si universelle - les gouttes, elles se ressemblent tant, que l’on soit en Russie, en France ou au Japon. On dit bien « comme deux gouttes d’eau »…même si la douceur des couleurs et ce vert-gris sont très particuliers des paysages suisses. Le vignetage, quant à lui, est fort bienvenu pour évoquer cette vision "de l'intérieur", à travers une longue-vue...

D’autres photos me racontent d’autres histoire : celle-ci, qui me rappelle « Parc de la Pépinière » chanté par Chiara Mastroiani dans « Les Chansons d’Amour », celle-là, les moments quand on refait la vie sur une terrasse de café, une autre, pour les promenades à la tombée du jour près du cimetière de Montparnasse, une autre encore, pour me faire penser à un appartement à New York que j’avais tant aimé, ou bien celle-ci, pour les matins brumeux.
Et une autre encore : cette fois-ci, pour sa beauté géométrique, tout simplement. Car on n’a pas toujours besoin d’une histoire pour ressentir un instant de beauté.

A lire aussi: Paris sous la pluie, de Christophe Jacrot, et Pluie et vent d'Abbas Kiarostami.

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dimanche 15 mars 2009

(Livres) Le roman des voyageuses françaises de Françoise Lapeyre

Le vrai voyage, c'est d'y aller. 
Une fois arrivé, le voyage est fini. 
Aujourd'hui les gens commencent par la fin. 
Hugo Verlomme

Ce livre, je vous en avais parlé il y a longtemps, dans mon billet sur les lectures estivales. Je l'ai lu il y a des mois et des mois et, si ça vous prend autant de temps pour lire ce billet que pour moi de l'écrire, je m'y prends juste à temps pour vous conseiller une belle lecture pour votre prochain voyage d'été.

Dans les librairies, le rayon "récits de voyages" est l'un de mes préférés, il me fait voyager bien plus que les beaux livres (genre "Patagonie" sur papier glacé) ou les guides (même celui de la Molvanie). Des escapades dans les pays lointains au Grand Tour européen, de "Paris-Saïgon : 16 000 km en 2CV dans l'esprit de Larigaudie" - atrocement mal écrit, mais lu, en pestant, jusqu'à la fin (car allez trouver un livre en français lorsque vous êtes au fin fond du Vietnam... Et puis finalement je l'ai échangé contre un autre livre dans un petit troc de livres à Hue) - à l'excellentissime Lettres de Russie de Marquis de Custine, ces livres nous font triplement voyager. Triplement, car, comme disait Hugo, "lire, c'est voyager", mais, comme disait Homère, chaque voyage est aussi un voyage à l'intérieur de soi. Nous voyageons donc par procuration en lisant, mais nous voyageons surtout dans les méandres de l'âme de ces personnages étonnants.

En puisant dans les récits de voyage de dizaines de femmes françaises qui ont exloré les pays lointains au XIXe siècle, Françoise Lapeyre tisse un récit passionnant ponctué un chapitrage pertinent: on y parle des globe-trotteuses, des aventurières, des femmes de sciences et des femmes de rang, de leurs maris et des costumes, des curiosités et de la foi coloniale, des coquettes et de la condition féminine, de "celles qui regardent le monde et [de] celles qui se regardent dans le monde, offrant le spectacle de leur gracieuse personne à ceux qui ont le privilège de les rencontrer"... Si l'on a du mal, parfois, à retenir les noms de ces voyageuses et à se souvenir de la personnalité de chacune, c'est surtout leur esprit "collectif" qui en ressort gagnant: en insérant leurs propos dans un contexte historique, en confrontant les opinions des unes et des autres, Françoise Lapeyre parvient à faire vivre cette petite élite d'explorateurs qui ont tant contribué à notre connaissance du monde.

Les moeurs de certaines nous font sourire, comme cette adorable Mme Durand-Fardel qui, visitant un temple à Tokyo, "ne peut s'empêcher de détacher de la boiserie une petite fleur de lotus en bois doré: "Notre bonze conducteur marchant à côté de nous me gênait beaucoup car j'avais envie d'emporter un petit souvenir de ce lieu de recueillement", se plaint-elle avec beaucoup de candeur, tandis que son mari recueille, à Shanghai, la tête d'un pirate chinois que l'on devait pendre "et qui l'avait bien mérité". Il obtient l'autorisation d'emporter la tête du pendu, la prépare et la met dans un petit baril d'alcool "destiné à la Société d'anthropologie qui lui avait demandé un crâne et un cerveau de Chinois".

Les femmes voient souvent plus, sinon différemment que les hommes: ainsi, elles sont les seuls à pouvoir pénétrer dans les harems... "Jane Dieulafoy, avec quatre harems à visiter, n'arrive que péniblement au bout de ses devoirs: "J'avais dans mes diverses visites absorbé sans sourciller huit ou dix tasses de thé et de café, des confitures au miel, des bonbons en plâtre, des citrons doux. J'avais prêté mon casque, ma veste, mes souliers eux-mêmes, prédit à mon hôtesse la naissance d'un héritier, je méritais bien quelque repos." Si beaucoup sont insensibles aux malheures des esclaves, toutes s'intéressent à la condition féminine des pays qu'elles traversent. Olympe Audouard s'exclame ainsi: "C'est du Nord que nous vient la lumière, et c'est à la Russie que revient la gloire d'avoir la première accordé à la femme égalité dans les lois, droit à l'instruction et à toutes les sciences, et droit au travail."

En passant, on découvres des milliers de petites choses - par exemple, comment les premiers guides de voyage (Thomas Cook, Baedeker) apparus à l'époque ont tracé les circuits touristiques que l'on sillonne encore aujourd'hui. Le livre mérite son titre de "roman" - car il ne s'agit pas d'extraits de journaux intimes juxtaposés, mais d'une vraie saga polyphonique, facile et agréable à lire grâce à l'écriture enlevée de l'auteur.

Le roman des voyageuses françaises est un vrai livre de voyage - emportez-le avec vous lorsque vous partirez dans un pays lointain (ou "exotique", comme on dit aujourd'hui): non pas pour comparer vos impressions, mais pour vous donner une idée des mille et une façons de voyager, et ainsi trouver la vôtre. Certaines des réactions de ces voyageuses vous offusqueront, et puis tout à coup vous ferez la parallèle avec ce que avez dit la veille au sujet d'un mendiant sale qui vous a poursuivi pendant dix minutes. D'autres s'extasieront sur un coucher de soleil magnifique qui vous fera, à vous aussi, oublier les difficultés du voyage pendant quelques instants... Autant de manières de renouer non pas avec nos ancêtres les voyageurs, dont nous avons encore tant à apprendre.

A lire sur le web: l'Afrique vue par les voyageuses françaises au XIXe siècle ici.

L'emprunter à la bibliothèque ou l'acheter sur Internet (cliquez sur la fiche du livre sur Amazon sur la droite).

Images utilisées: portrait de Jane Dieulafoy dans le costume qu'elle a choisi pour traverser la Perse; portrait de Léonie d'Aunet.

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mercredi 11 mars 2009

(Livres) De livres et de vétilles

Il y a quelques jours, je suis tombée sur un projet intéressant du Time Out de Moscou, qui est allé poser un certains nombre de questions à des écrivains et des hommes de lettres afin de "dessiner la carte de la littérature contemporaine".

Après avoir parcouru les réponses, j'en ai parlé à une amie écrivain qui m'a retourné la question: "Et toi, tu aurais répondu comment?" Comme j'adore que l'on me demande mon avis, il ne m'en fallait pas plus pour me lancer...




1. Quel est le livre du XXe siècle le moins apprécié à sa juste valeur?

La Quatrième Vologda de Varlam Chalamov (en Russie), et tout Chalamov en France.

2. Le livre le plus surestimé? (XXe siècle)

Ah, j'aurais aimé les avoir tous lus pour pouvoir répondre à cette question!

3. Si, dans le programme scolaire, on ne devait laisser qu'un seul livre, lequel choisiriez-vous? 

Crime et Châtiment

4. Quel livre reflète le mieux , à vos yeux, le monde contemporain?

Le géographe a bu son globe d'Ivanov (pour le monde contemporain russe)

5. Quelle votre plus forte impression littéraire de l'année passée? 

Eloge des voyages insensés de Golovanov

6. De quel livre vous souvenez-vous comme d'un livre très drôle? 

The Pickwick Papers de Charles Dickens

7. Quel écrivain a, pour vous, le meilleur sens de l'humour? 

P.G. Wodehouse, Oscar Wilde

8. Quel livre vous a fait pleurer?

Sacred and profane de David Weiss, lorsque j'étais plus jeune. Et Enterrez-moi sous le carrelage
de Sanaïev - pas plus tard que ce soir.

9. L'exemple le plus éclatant de manque de talent chez un écrivain

Paulo Coelho (à propos de Coelho, voir le billet et la discussion enflammée sur les dealbreakers littéraires)

11. A qui décerneriez-vous le prix Nobel (peu importe si l'écrivain est encore vivant ou non) 

A Milan Kundera

12. De quel livre pouvez-vous dire que c'est votre préféré?

Ah, il y en a beaucoup... J'aime beaucoup The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman, et Laurence Sterne en général

13. Votre citation préférée (pas nécessairement littéraire). 

"I took a speed reading course and read 'War and Peace' in twenty minutes. It involves Russia."(Woody Allen)

14. Le meilleur livre pour enfants. 

Seacrow Island (Tjorven på Saltkråkan) d'Astrid Lindgren, une écrivain suédoise pas connue en France et à qui les enfants russes vouent un culte sans limites. Dans L'Île de Saltroka, elle raconte les aventures de quelques enfants en vacances sur un fjord. Je suis sincèrement persuadée que le sens de l'humour des Russes doit beaucoup à celui d'Astrid Lindren...


15. La meilleure adaptation cinématographique d'une oeuvre littéraire

Guerre et Paix de Sergueï Bondartchouk

16. La pire adaptation.

Ha ha. Guerre et Paix de Woody Allen, sans aucun doute! Mais je crois que c'était voulu de sa part :-)


Comme de coutume dans ce genre de billets - et même si tout le monde a l'air de détester ça - je vais quand même tagguer des gens! Ce qui veut dire, tout simplement, que je suis curieuse de savoir ce que Lavinie et Elsa répondraient à ces questions.

Pour les Russophones, les résultats complets du sondage sont publiés le 12 mars dans le Time Out Moscou, et seront disponibles dans une semaine sur leur site Internet. Pour les autres... il restera toujours Google translate...

PS: le dessin utilisé en haut est de Simon Letch

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vendredi 6 mars 2009

(Resto) L'Opportun, un bouchon lyonnais à essayer!

L'Opportun est - paraît-il - un incontournable du quartier Montparnasse depuis que Jacques Chirac avait privatisé le restaurant pour un dîner avec Aznar. Mais qu'importe, les présidents passent, et les restaurants restent... Aussi, aujourd'hui, on ne se souvient que très peu de cette histoire - mais chacun vous dira que, pour déguster un onglet de veau, tous les chemins mènent à l'Opportun.Voici donc un Bouchon Lyonnais des plus recommandables pour les grandes faims!

Le décor est sommaire mais réconfortant: deux salles, les murs peints en jaune, quelques photos et diplômes sur les murs, les serviettes à carreaux rouges. Un carton nous rappelle pourquoi nous sommes venus: "manger, ripaille, festoyer, se taper la cloche, croquer, mangeotter, mastiquer..." et plein d'autres encore - c'est un dictionnaire de synonymes des plus joyeux qui vous met en appétit! (cliquez sur la photo pour l'agrandir et lire le reste).

En entrée, un saumon mariné sur lentilles (avec des morceaux d'oignons frais) est bon mais bien trop copieux pour une entrée. Car, préparez-vous, lorsque les plats arriveront, vous regretterez d'avoir déjeuné! Les onglets sont servis avec une purée maison et quelque chose qui rappelle des choux frits (très bons); l'onglet de veau est tendrissime (mon couteau s'y enfonce comme dans une plaque de beurre) et - c'est le cas de le dire - fond dans la bouche. Cuisson réussie tant pour le boeuf que pour le veau! Pour accompagner le repas, une bouteille de Chiroubles pas mal du tout. Finalement pour la viande, ce qui compte avant tout, c'est la qualité - bien avant la finesse de la préparation - et ici, elle est excellente!


En pratique:

L'Opportun (photos et carte ici)
62 bd Quinet
75014 Paris
Tel. 01 43 20 26 89

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jeudi 5 mars 2009

(Ciné) Eden à l'Ouest de Costa-Gavras, ou un voyage à l'envers

Je me souviens du soir où j’ai vu Eden à l’Ouest, le dernier film de Costa-Gavras : ce soir-là, il fut le gagnant de ma short-list « Qu’est-ce qu’on va voir ce soir ? », triomphant sur Slumdog Millionnaire et Le Doute. Rien en commun entre ces trois films, sinon que, sur les axes légèreté/sérieux et fable/histoire vraie, les deux derniers se situant aux deux extrêmes, Eden à l’Ouest fut une promesse d’équilibre. Entre le monde rêvé et le monde réel, voici donc la réalité rêvée par Costa-Gavras. Elias, un immigré imaginaire aux allures d’Odyssée et au prénom biblique, monte à bord d’un bateau clandestin l’emmenant vers la terre non-promise. Costa-Gavras traite un sujet des plus sérieux avec, à la fois, de l’humour et de la compassion dans un rêve où son sens de l’observation certain laisse souvent la place au burlesque.

J'ai (re)découvert avec joie Riccardo Scamarcio, que l’on a pu déjà apercevoir dans les très bons films italiens comme La Meglio Gioventu,(Nos Meilleures Années), Romanzo Criminale, Mon frère est un fils unique mais aussi dans l’excellentissime GoGo Tales d’Abel Ferrara, malheureusement jamais sorti en France en dehors du festival de Cannes. Des choix qui le caractérisent plutôt bien ! Natif des Pouilles, Riccardo Scamarcio se glisse avec facilité dans la peau de cet immigré grec (d'avant la zone Schengen, donc) aux talents de mime indéniables. Je vous passe mes réflexions sur son nez comme sculpté d'après la copie du buste d'Appollon que j'avais chez moi lorsque j'étais petite. Si l'on veut voir plus loin que son nez, on verra aussi que Scamarcio est un acteur généreux qui se sentira bientôt à l'étroit dans le cinéma italien... mais qui aura du mal à en sortir, au-delà des rôles exploitant son accent.

Quant au film, on en ressort avec des sentiments mitigés: enthousiastes pour la première moitié du film (à peu près jusqu'au moment où les chemins d'Elias et des ouvriers allemands qui le prennent en autostop se séparent devant le panneau Paris / Hambourg). Mais la deuxième partie provoque davantage de lassitude, les scènes deviennent de plus en plus cliché (avec le point d'ébullition atteint dans la scène avec les tentes des enfants de Don Quichotte à Paris), on oscille entre le bon vieux français et le français raciste... pour finir, en coup de baguette magique: on reste bouche bée devant la non-fin de cette histoire se mange la langue. Car c'est le propre de ce voyage inversé qui aurait pu se dérouler à l'envers (d'ailleurs, on voit, dans le film, un vieux grec qui le fait à l'endroit).

Au final, si l'on s'en tient à la première moitié, quelques scènes fabuleuses (qu'elles soient drôles ou lyriques) valent absolument le détour. Passé l'indication pour Hambourg, éteignez. Ou alors, si, voyez la dernière minute du film. Juste pour la dernière phrase du magicien pour nous ramener à la réalité.

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mardi 3 mars 2009

(Photo) Guy Tillim à la Fondation Cartier-Bresson

« La terre où je suis né m’est devenue étrangère à mesure que je la découvrais.
Le désir de photographier cette scène est moins lié à la volonté d’en poser le décor que de m’y situer moi-même. » 
Guy Tillim

La fondation Cartier-Bresson est probablement l’un de mes musées (ou, plutôt, de lieux d’exposition) préférés à Paris, autant par son espace (d’un vrai génie architectural) que par ses expositions (pour l’instant, c’est le seul lieu à ne m’avoir jamais déçue, c’est dire !). Aussi suis-je allée « les yeux fermés » voir l’exposition du photographe sud-africain Guy Tillim dont je ne savais… absolument rien sur des sujets qui ne me disaient… absolument rien. J’ai découvert Guy Tillim est sa façon inimitable d’appréhender la réalité, de la transformer et de la présenter à travers une photographie.

Des tons sourds, des couleurs souvent ternes - la photo de Guy Tillim se situe à la frontière entre le noir et blanc et la couleur. Parfois, une couleur flamboyante explose la grisaille du cliché, attire le regard et modifie l’espace. C’est curieux, car j’avais toujours les stéréotypes de l’Afrique comme d’un pays aux couleurs explosives - mais Johannesbourg a autant de couleurs que n’importe quelle banlieue parisienne ou lyonnaise… Voire même, les couleurs sont comme délavées, brûlées par le soleil. Mais ces couleurs fades ne font que mieux ressortir la texture (des murs, des routes, de la poussière…), la géométrie des lieux et la dynamique des lignes. On peut ainsi rester des minutes entières à contempler les craquelures du béton ou à s’abandonner dans cette grande baie du Grande Hotel vidé par ses hôtes luxueux.


Ne ratez surtout pas les photos de reportage exposées en vitrines - certains portraits sont absolument sublimes, comme cette version africaine de la « sainte famille » ou ce portrait d’un fumeur au regard pénetrant. Cette photo-là, avec le hall du Grande Hotel, est probablement ma préférée de toute l’exposition.

J’ai un peu moins apprécié Jo’burg, sans que je sache exactement pourquoi, aussi je m’abstiendrai de tout commentaire et je vous inviterai, en revanche, de publier les vôtres !

Une exposition à ne pas manquer si vous vous intéressez à la photographie… ou à l’Afrique. Cela m’a aussi donné envie de voir les photographies de David Goldblatt, le maître de Guy Tillim, de trente ans son aîné, qui travailla sur des sujets semblables mais privilégia pendant très longtemps le noir et blanc.

En pratique :

Guy Tillim. Jo'burg et Avenue Patrice Lumumba
Fondation Cartier-Bresson
Jusqu’au 19 avril
Tarif : 6 euros, 3 euros (tarif réduit), gratuit le mercredi de 18h30 à 20h30

Si vous n’avez pas le temps d’aller voir l’exposition, vous pouvez voir une partie de la série « Avenue Patrice Lumumba » ici (mais ne vous gâchez pas le plaisir de la découverte si vous comptez y aller !), la série Jo’Burg ici et la série « Pétros village » ici.

Photos utilisées dans ce billet :
1) Administration office, Department of Commerce, Antsiranana, Madagascar, 2007 (série Avenue Patrice Lumumba)
2) Grande Hotel, Beira, Mozambique, 2008 (série Avenue Patrice Lumumba)
3) Chimombo Chikwahira. Petros Village, Malawi, 2006 (Série Petros Village)
4) Emily, Alefa, Gloria Banda and Muyeso Makawa. Petros Village, Malawi, 2006 (série Petros Village)

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