Hitchcock meets Warhol, ou Sommes-nous assez superficiels? | Une Russe à Paris
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mercredi 13 mai 2009

Hitchcock meets Warhol, ou Sommes-nous assez superficiels?

"Death by bananas" (Morte de bananes) est une extraordinaire photo de Daniela Edburg, très "Hitchock rencontre Warhol", sur laquelle je suis tombée aujourd'hui et qui, au gré de mes diverses lectures, m'amène à me poser la question suivante: la société de consommation a-t-elle un fond?

Daniela Edburg (née en 1975) est une photographe américaine née à Houston qui a grandi au Mexique. Sa série "Drop Dead Gorgeous" (une sorte de "Chic Raide Mort", si l'on veut) est une réflexion surprenante sur le rapport ambigü que les femmes entretiennent avec la nourriture (plus spécifiquement, avec les aliments dénommés "les cochonneries", also known as "les bombes caloriques") et les produits de beauté.

"Je pense que je suis quelqu'un de compulsif. Ce qui me fait plaisir devient, un instant plus tard,la cause d'un sentiment de culpabilité. Je suis surprise de voir à quel point j'aime les produits que je consomme, mais, si on arrête d'y penser pendant une seconde, c'est absurde. Mais on ne peut pas arrêter. Il ne s'agit que de notre propre côté obscur. La faute n'est pas au gâteau. Il ne s'agit pas de produits, mais de la relation d'amour-haine que l'on entretient avec eux. Lorsque vous regardez un paquet d'Oreos, tout neuf, brillant et séduisant, tout n'est que promesse de douceur et de plaisir, et puis vous l'ouvrez et le mangez, et vous restez avec un mal de ventre, des miettes et un emballage froissé bon pour la poubelle." (lire l'interview dans son intégralité ici (en anglais)).

Ses premiers travaux lui ont été inspirés par ses tableaux préférés (comme "Death by shampoo", une reconstitution de la Mort de Marat, ou « Death by Bananas » ci-dessus, inspirée par « Les Oiseaux » de Hitchcock), puis Daniela Edburg s'est orientée vers la pure mise en scène.Si, à la longue, cette passion morbide pour la mort peut lasser, on ne peut lui nier l'intérêt de sa démarche... d'autant plus que la photographe nous cite Jean Baudrillard: "Je crois que Baudrillard a dit que l'on séduisait avec nos faiblesses. Et quand sommes-nous plus faibles que lorsque nous sommes en train de perdre la vie?"(il dit en effet que l'on séduit en étant fragilisé, jamais en envoyant des signes d'un pouvoir fort: "Séduire c'est défaillir").

Ce qu’a apporté Baudrillard au concept de la séduction, c’est surtout le concept d’abîme superficiel : « Baudrillard utilise le mot « superficiel » pour accentuer le fait que la séduction fonctionne le mieux lorsqu’elle fait intervenir l’apparence, la surface, le saillant. Ce qui séduit, en d’autres termes, ce serait le clinquant, le brillant le luisant, l’étincelant (…) , cet « abîme superficiel » porteur d’une sorte de magie et d’amusement. L’abîme superficiel évoque le face-à-face des miroirs dont les reflets se renvoient à l’infini. Abîme, parce qu’il n’y a pas de fond, parce qu’on n’arrive jamais à une réalité ou à une vérité qui tiendrait lieu de socle, de point d’appui. » (dans "Enseigner et séduire" de Gauthier Clermont)


Et voici que je tombe sur la publicité du prochain débat public "Télérama" au Théâtre du Rond-Point sur le thème "Sommes-nous assez superficiels?" où des personnalités aussi ambigües comme Arielle Dombasle ou Catherine Millet accompagnées d'un psy (il faut bien) tenteront de répondre à la question qui est de savoir si elles sont, oui ou non, assez superficielles. La superficialité serait-elle plus profonde qu'il n'y paraît - et, finalement, est-ce que Jeannot (pas d'Ormesson, Baudrillard, hein) avait raison? Et, encore plus loin, BHL a-t-il eu raison en voyant autre chose dans Arielle Dombasle que l'incarnation de la superficialité? Arielle Dombasle qui, jeune, fut un talent prometteur, à défaut de devenir quelqu'un, est devenue quelque chose: BHL a-t-il été philosophe jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à avoir épousé un concept?


Illustrations:
1) Death by Bananas, 2005 (Morte de Bananes)
2) Death by Cotton Candy, 2006 (Morte de Barbe à Papa)
3) Death by Oreo, 2006 (Morte d'Oreos)