(Danse) Picasso et la danse - quatre ballets | Une Russe à Paris
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dimanche 26 octobre 2008

(Danse) Picasso et la danse - quatre ballets

Décidément, la nouvelle saison culturelle nous est servie à la sauce Picasso - trois expositions, et voilà donc qu'on nous le remet avec la danse! Pour ne rien faire comme tout le monde (doux leurre, car je finis quand même par voir du Picasso), j'ai commencé par le ballet. Le programme "Picasso et la danse" inclut quatre ballets auxquels collabora Picasso entre 1917 et 1924: Parade, le plus connu, mais aussi Pulcinella, Mercure et Cuadro Flamenco. Je vous avais déjà parlé des célèbres Ballets Russes (ici), les voici enfin sur scène, avec la compagnie Europa Danse.

Ce qu'il y a d'extraordinaire dans les Ballets Russes, c'est qu'ils ont, au font, donné naissance à toute la danse contemporaine (le vénéreux Balanchine que les Américains mettent tout le temps sur le piédestal comme le père de la chorégraphie américaine est tout de même issu des Ballets Russes). Imaginez: jusqu'au tout début du XXe siècle, la danse n'était que tutus, pointes et en-dehors. Ce n'est qu'avec les Ballets Russes que l'on commença, avec grand scandale, à "déconstruire" la danse classique, à inventer une nouvelle plastique et de nouveaux langages. Mais le phénomène des Ballets Russes est intéressant aussi à d'autres titres: c'est la parfaite illustration de l'effervescence artistique de l'époque, où les meilleurs créateurs de tous les domaines travaillaient sur des projets communs - comme, justement, le ballet Parade, écrit sur la musique d'Eric Satie, d'après un argument de Jean Cocteau, avec rideau, décor et costumes de Picasso et, enfin, la chorégraphie de Massine. A l'époque, la notation chorégraphique à l'époque était loin d'être parfaite; aussi les créations des Ballets Russes sont extrêmement difficiles à reconstruire (certaines, comme L'après-midi d'un faune, ne le sont souvent que d'après des photos et des descriptions orales, c'est dire leur exactitude). Ceci dit, tout ce qui peut nous rapprocher de cette époque magique est bon à prendre... Et à ce titre, le programme "Picasso et la danse" concocté par Europa Danse est précieux!

Europa Danse regroupe des danseurs de six pays différents et a été fondé par Jean-Albert Cartier, ancien directeur de l'Opéra de Paris. Je dois avouer que cette troupe manque cruellement de formation en danse classique, cela se voit surtout dans Parade (où l'on se demande si certains ont vraiment fait des pointes ou s'ils l'ont appris pour l'occasion) - et d'ailleurs, leurs corps ne sont pas ceux de danseurs classiques (cuisses trop "volumineuses" et trop de seins pour les filles, des fesses trop rebondies pour les garçons, et un port de tête pas toujours idéal pour tous - attention, quand je dis "trop", c'est par rapport aux "canons" de la danse classique). Les ensembles présentent souvent des décalages, ce qui gâche souvent l'effet escompté par le chorégraphe (surtout si l'on garde en tête que presque tous les danseurs des Ballets Russes étaient bel et bien issus de la danse classique). Cependant, il faut dire qu'ils compensent leurs défauts techniques par leur fougue et leur joie de danser - certains ont l'air d'avoir seize ans! Bon, allez, dix-huit. Le dernier ballet, Cuadro Flamenco, emploie de danseurs de flamenco professionnels - que je ne saurai juger faute de connaissances mais qui m'ont plutôt plu.

Malgré ses quelques couacs dans l'interprétation, quelle joie de découvrir enfin ces ballets! Les décors et les costumes somptueux et drôlissimes de Parade, le raffinement de ceux de Mercure, l'explosion du tempérament espagnol dans Cuadro Flamenco... Finalement les deux ballets pour lesquels on a créé de nouvelles chorégraphies (Ana Maria Stekelman pour Pulcinella, et Thierry Malandain pour Mercure) sont ceux qui satisfont le plus du point de vue de la danse: cela reste toujours dans le néo-classique très doux mais très vivant, et l'on se plaît à regarder les petits clins d'oeil de Thierry Maladin à Jérôme Robbins. Quelques petits détails: Mercure a en fait été créé pour une compagnie concurrente des Ballets Russes, Les Soirées de Paris du Comte de Beaumont, qui n'a pas fait long feu et dont le plus grand apport restera probablement le décor de Mercure... Quant à Cuadro Flamenco, Picasso y évinça Juan Gris qui devait initialement réaliser le décor: le temps que Juan Gris arrive à Monte Carlo où siégeaient les Ballets Russes, Picasso avait déjà eu le temps de répandre la rumeur sur une grave maladie ayant frappé Juan Gris, et avait donc pris sa place avec beaucoup de naturel. Sacré caractère!

Mais alors, où voir ce ballet? C'est bien là le problème. La seule chose que je sais, c'est qu'ils sont en ce moment en tournée en France et à l'étranger jusqu'en décembre. Mais ils n'ont pas de site Internet, et une communication de m* - impossible de trouver les lieux et les dates de passage! Si quelqu'un veut bien nous les communiquer... (Le programme de la soirée au Théâtre des Champs Elysées ici)