Je reviens à peine d'une magique échappée au cœur de la Toscane, dans le Chianti.A mi-chemin entre Sienne et Florence, le Chianti est célèbre non seulement pour le vin éponyme produit dans la région, mais aussi pour la beauté de ses villes et villages (dans chacun on trouve des choses à voir), l'art de vivre de ses habitants, le raffinement de sa cuisine (on dit que les meilleurs restaurants de la Toscane se trouvent entre Radda et Gaiole in Chianti), et la beauté de ses paysages.
Le contour des collines toscanes est la plénitude même; les angles sont arrondis, rien n'arrête le regard qui balaye, dans un va-et-vient incessant, les pentes couvertes de vignes et les sommets couronnés de forêts. J'ai l'impression d'avoir atterri sur une nappe verte et ondoyante secouée par deux mains puissantes: je roule telle une boule d'une colline à une autre avec toujours le même sentiment de beauté absolue.
Même les nuages sont différents dans le Chianti - ce sont de petits morceaux de Fior di latte bien compacts (mozzarella ou crème glacée, selon l'envie et l'heure de la journée), aux bords bien dessinés, qui semblent si lourds qu'ils devraient tomber - mais ils restent suspendus, imperturbables, au-dessus d'une colline. A Paris, les nuages brouillon et grisâtres recouvrent souvent des pans entiers du ciel; ici, la candeur des nuages ne fait que mettre en valeur sa teinte azurée.
J'oublie vite la "vie parisienne" et trouve délicieux de s'endormir à 11h du soir pour me réveiller, à 8h, en pensant à la tasse de cappuccino que je savourerai sur la place du village. Autour du cappuccino matinal, on discute de la crise en Géorgie - cela semble impossible tant l'endroit où l'on se trouve semble paisible. L'analyse d'Hélène Carrère d'Encausse n'en semble que plus lucide lorsqu'elle est négligemment posée sur le rebord de la terrasse et que se dessine derrière elle une terre de vignes qui n'est pas sans rappeler celles de la Géorgie.
En août, tout semble plus calme: c'est le "ferragosto" - une contraction exquise de "férié" et "août" - "Bon ferragosto, on est en vacances!" - peut-on lire sur les portes de boutiques fermées. Florence, certes, pullule de touristes attirés par l'air climatisé des musées, tandis que Sienne attire les badauds venus voir le fameux Palio (le 2 juillet et le 16 août). Mais la campagne et quelques villes mineures (comme Arezzo, sublime) gardent leur phlegme.
Comment parler de la Toscane à celui qui n'y a jamais séjourné? Tout geste quotidien y semble magnifié, tant la vie a de saveur. Le vent, le soleil, les couleurs, l'odeur de la truffe, l'attente du repas du midi, toujours sacré, le plaisir que l'on a, en fermant les yeux, savoir que se trouve, devant nous, un des paysages les plus beaux au monde... Pour moi, le pays de "luxe, calme et volupté", c'est la Toscane.
Le jour du départ, le matin, je me réveille bien tôt pour pouvoir, une dernière fois, flotter dans la piscine en contemplant les collines toscanes qui se balancent l'écho de la cloche de l'église du village voisin appelant à la messe dominicale. Je repousse le moment de sortir: je sens que lorsque, privé d'apesanteur, mon corps échouera tel un phoque sur les bords de la piscine, les vacances seront terminées. Je me décide, enfin, à poser les mains sur le rebord. Une fois dehors, plus rien n'est pareil. Pour la première fois, le cappuccino au café de Gaiole a le goût amer - le goût du départ.
Arrivée à Paris, je ferme les yeux dans le taxi, essayant d'imaginer d'être encore en Toscane. A la maison, un moment pour déballer (ce sera encore plus dur le lendemain), mettre les pâtes aux truffes dans le placard, mordre dans un morceau de pêche un brin défraîchi mais toujours toscan, jeter un coup d'œil sur le portable oublié à Paris (un seul appel manqué). Je m'endors, et me retrouve tout à coup dans une voiture, en train de descendre sur une petite route sinueuse comme il y en a tant en Toscane. La descente semble interminable, et je finis par me réveiller. Je pense aux angoisses parisiennes, aux dossiers qui reprennent, aux incertitudes, à la nécessité d'affronter des changements... Je repense à mon voyage, je reviens sans cesse vers les endroits que je viens de quitter. Puis je me dis que jamais je ne m'endormirai si je ne parviens pas à trouver une phrase finale, celle qui n'appelle pas de questions. Je choisis alors "They lived happily ever after", au goût toscan de l'achevé et de la perfection.
Ce n'est qu'à ce moment-là que la voiture quitte la petite route et, en prenant la bretelle de l'inconscient, s'engouffre sur l'autoroute du sommeil.
Au réveil, j'étais à Paris.
En pratique:
Y aller:
En avion jusqu'à Pise, Rome ou Florence, puis voiture de location.
Y séjourner:
A Gaiole in Chianti: l'hôtel La Fonte del Cieco (La fontaine de l'aveugle).
A San Felice: très (trop?) luxueux, un entier village toscan transformé en hôtel.
Se restaurer:
Fernanda fait les meilleurs gnocchis, mais aussi d'excellents raviolis tartufati et des glaces maison (le restaurant sur la place centrale de Gaiole, Lo Spizio bianco). Toujours à Gaiole, la Romita - pour les pizzas et leurs pâtes à la sauce tomate. Carloni, pour la rapidité du service, la Bistecca alla Fiorentina et le Millefoglie (ne pas confondre avec le millefeuille, la crème est très différente et beaucoup plus légère).
A Castello di Meleto (restaurant Fornace di Meleto), pour les gnocchis à la truffe et les antipastis. A San Sano (le seul restaurant du village, juste à côté de la fontaine à la grenouille), pour les Fettuccine al tartufo et la Tagliata al tartufo. A San Donato (un château juste après Vertine), pour la vue et la viande.
Visiter:
Ne manquez pas Arezzo et Siena, deux villes moins prisées par les touristes que Florence. A Arezzo, ne ratez pas la maison de Vasari, très jolie et peu visitée. San Felice et San Gusme, deux villages ravissants. Les villages de Castagnoli et de Vertine, mais aussi Radda in Chianti, un peu plus peuplée. Plus loin, San Gimignano (venez tôt le matin) et Lucca.
5 commentaires:
Bonjour
Merci pour ce texte lumineux...
Bon retour sur terre ;-)
c'est si bien décrit!
à chaque fois que j'y reviens je me demande pourquoi je suis partie (soupir...)
iRemMerci merci!! Le plus drôle, c'est qu'après avoir écrit le post, je me suis effectivement sentie mieux, Paris ne me fait presque plus déprimer :-) Oui, même avec le temps qu'il fait!
Tiusha: ah, toi aussi tu as ce sentiment! Quand je suis là-bas, j'ai envie de ne repartir qu'en novembre, voir d'y fêter Noël... Histoire de tester la cheminée et de voir les collines sous la neige (ça doit bien indiquer quelque chose, tous ces panneaux danger "In caso di neve" sur les routes).
Et toi, dans quel coin as-tu été?
Une idée d'un restaurant à Paris où l'on pourrait déguster ces gnocchis et millefoglie ?
( juste pour info : j'ai mis mon profil à jour > je ne l'avais pas complété et je me suis aperçu que j'étais une femme :-))
Hummm Pour l'instant, je ne connais aucun restaurant à Paris qui ferait de la cuisine toscane à proprement parler... Désolée! Si quelqu'un a une idée, n'hésitez pas à nous en faire part!
Parmi les italiens tout court, le meilleur pour moi est Swann et Vincent. Et aussi Casa Bini.
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