Le point sur Robert / Fabrice Luchini | Une Russe à Paris
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dimanche 6 janvier 2008

Le point sur Robert / Fabrice Luchini

Extase à Gaîté Montparnasse hier: Fabrice Luchini joue Le point sur Robert.
"Il n'existe pas d'être capable d'aimer un autre être tel qu'il est. On demande des modifications..." Cette phrase de Paul Valéry serait à l'origine de ce spectacle au succès phénoménal qui a déjà été accueilli par 6 théâtres (et que vous pourrez voir au Théâtre de la Renaissance à partir du 25 janvier). Sur ça, et beaucoup d'autres choses, Luchini réfléchit à l'aide de ses auteurs préférés.

Fabrice Luchini est un vrai conteur...
Vous avez peut-être vu déjà son spectacle sur Lafontaine, ou bien un autre, sur Céline. Il nous fait part de ses lectures préférées - Paul Valéry, donc, mais aussi Roland Barthes, Chrétien de Troyes, Arthur Rimbaud, un peu de Lafontaine, un peu de Molière, un peu d'Hugo... Je vois déjà des visages se décomposer: "La barbe!" Mais non, justement, car ces textes (parfois difficiles, j'en conviens, mais très beaux lorsqu'on en pénètre le sens) sont entrecoupés d'apartés les plus drôles qui soient, la signature de ces spectacles-rencontres que Luchini affectionne tant. Ces apartés sont des dialogues vrais - avec Hollande, Chirac, Johnny... ou imaginés - Sarkozy ("Combien de choses faut-il ignorer pour pouvoir agir..."), Ségolène ("Assieds-toi sur ma bite et causons" - ne vous effrayez pas, c'est du Genet!)... Mais aussi des histoires, des souvenirs, des caricatures (de jeunes de banlieue au "Maître Corbeau" en verlan, de l'accent pieds-noirs à Johnny...), et aussi beaucoup d'humour, de dialogues avec le public, très présent ce soir-là, y compris Robert.

Justement, qui est-il, ce Robert? Sans vouloir tout vous dévoiler (mais vous savez tout de même que Robert est le vrai prénom de Fabrice Luchini)... Robert est ce spectateur mâle mariée à ce que Luchini appelle une "culturelle" ou, mieux, une "guerrière": une femme qui a fait quatre expos dans la semaine, est abonnée à Télérama (ou les Inrocks, c'est selon) et qui a traîné son mari qui travaille à Levallois-Perret jusqu'au théâtre. Celui-ci, ahuri de voir tant de monde écouter du Chrétien de Troyes, compte les minutes et espère une petite récompense pour son effort... "Il y en a beaucoup, des Roberts... Mais on les aime! Ceux qui connaissent Roland Barthes sont acceptés, ceux qui ne le connaissent pas sont acceptés de même, c'est un spectacle citoyen!" Aussi, si vous avez un Robert sous le bras, n'hésitez pas à l'amener, il sera accueilli bras ouverts.

Quant à Luchini, que dire? Que sa diction (qui lui demande, depuis quarante ans, cinq heures de travail par jour), son intonation, son goût de la langue française son exemplaires, contagieux, qu'ils vous laissent bouche bée? Oui. Bien sûr, il faut aimer le personnage et savoir le prendre au second degré. Mais passé ce cap, on atteint la jouissance d'un auditeur comblé par la lumière d'un talent hors norme. Le Point sur Robert est, sans aucun doute, le meilleur spectacle que j'ai vu en 2007!

La plupart des hommes ont de la poésie une idée si vague que ce vague même de leur idée est pour eux la définition de la poésie. (Paul Valéry, encore et toujours...)

Le point sur Robert
Update 17/11/2008: le spectacle sera repris à l'Espace Cardin à Paris à partir du 20 décembre, ainsi qu'à Bordeaux, Vichy, Amiens et Lyon et Bruxelles (programme complet ici).

3 commentaires:

Nicolas a dit…

Je reviens du spectacle de F. Luchini et j'ai adoré ! C'est vrai qu'il y a des passages désopilants : la rencontre avec Barthes, la fable du mandarin interprétée par un jeune des banlieues, le récit de Perceval avec l'imitation d'Arielle Dombasle, etc, etc...

Une Russe à Paris a dit…

Ah oui, c'est vrai, j'avais oublié la fable du mandarin - elle est excellente! Merci pour ce souvenir :-)

Nicolas a dit…

Il y a aussi la réaction quand il entre pour la première fois dans l'appartement de Roland Barthes. "Que des bouquins de philo partout. Du Kant, Hegel. J'ai tout de suite compris qu'il était pas top branché meufs. Pas comme Genêt qui, lui, savait immédiatement mettre à l'aise les jeunes femmes qu'il invitait chez lui par un "Je vous en prie, Mademoiselle, asseyez-vous sur ma b... et causons" :-)