Les Méduses de Etgar Keret | Une Russe à Paris
Une Russe à Paris

lundi 1 octobre 2007

Les Méduses de Etgar Keret

Cela fait tellement de temps que j'ai envie de voir Les Méduses (depuis le festival de Cannes, en fait, où je n'avais pas eu le temps de le voir...), que j'ai l'impression que j'en parle depuis des années! J'ai fini par le voir - un parfait film de vendredi soir (ça rend mon week-end encore plus beau)...

Les Méduses (Meduzot), le premier film d'Etgar Keret (un écrivain israélien assez connu) et Shira Geffen, a donc reçu La Caméra d'Or au festival de Cannes, le prix qui récompense le meilleur premier film parmi tous les films montrés à Cannes... C'est peu dire que c'est mérité.

J’ai envie de dire que nous tenons là un Lelouch israélien : le film raconte plusieurs histoires qui s’entrecroisent sans pour autant se toucher vraiment. Les Méduses, c’est plein de personnages attachants, vrais, un peu bizarres, un peu fous, qui, parfois, font d’un rien un drame, et qu’un rien peut faire rire. Comme nous. C’est Batya, fille perdue, qui travaille comme serveuse dans des réceptions de mariage, aux cheveux mal coiffés d’une fausse couronne, qui ne s’entend plus ni avec sa mère ni avec son père qui, à leur tour, ne s’entendent plus depuis longtemps. C’est aussi une photographe de mariage qui ne prend pas en photo les mariés souriants, mais une petite vieille abandonnée dans un coin, ou une petite fille qui grimpe pour toucher le gâteau : la petite fille aux cheveux mouillés qui va se baigner toute seule à la mer et qui ne dit mot… C’est une nouvelle mariée à la jambe cassée pour qui rien ne va plus. C’est une vieille dame irascible qui n’ose pas dire sa fierté et son amour à sa fille ; c’est une philippine qui vient dans pays si étranger (« Israël, ça n’existe pas ! - lui dit son fils au téléphone) pour pouvoir acheter à son fils le plus beau bateau du monde. C’est surtout l’histoire de nos souvenirs et de ce qu’ils deviennent quand on grandit.

Et c’est un vieux marchand de glace (joué par le père d’Etgar Keret), dont vos parents vous ont dit « il va revenir » et qui n’est jamais revenu, vous laissant une envie inassouvie. Les souvenirs ne meurent jamais… Et trente ans après, cette glace jamais obtenue, vous la voulez encore.

Les Méduses chante la beauté d’un monde ordinaire, la beauté des élans de cœur qui nous submergent parfois, malgré nous, la beauté d’une ville, la beauté d’une mer… L’image est sublime, avec un grain reposant pour l’œil lassé des images lisses du Hollywood. Les histoires s’entrecroisent sans encombre, sans faire fausse route, sans forcer la main à notre imagination (c’est bien là l’œuvre d’un écrivain). C’est un film qui respire, animé d’un souffle étrange, et qui vous porte dans une direction inconnue que vous savez douce.

Faut-il y aller ? Oui ! Sauf si vous n’aimez pas les films « bizarres » (encore, celui-ci n’est peut-être qu’un dixième aussi bizarre qu’un Gondry), bien sûr. Mais le film n’est ni « fleur bleue » ni tire-larmes. Il est tout simplement parfait.