Sots art: art politique en Russie à la Maison Rouge | Une Russe à Paris
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lundi 26 novembre 2007

Sots art: art politique en Russie à la Maison Rouge

L'exposition Sots Art aura été connue avant d'avoir ouvert: on avait beaucoup parlé des 19 oeuvres censurées qui devaient faire partie de l'exposition au départ: dessins, photos, collages - montrent selon lui deux policiers en train de s'embrasser, des affiches liant nazisme et communisme et des masques de Vladimir Poutine. Le ministre russe de la Culture, Alexandre Sokolov, avait dénoncé la future "exposition comme une honte pour la Russie", tout en ajoutant qu'il s'agissait de "son avis personnel". "J'ai fait tout pour que l'exposition ne parte pas à Paris", avait-il ajouté. Tout cela a eu un effet inverse: j'ai eu très envie d'aller voir cette exposition. Compte-rendu.

Comme je l'expliquais ici, le Sots art est un hybride entre le sots-réalisme (sots=socialiste) et le pop art. Au lieu de reproduire à l'infini des images de conscience collective (Marilyn Monroe), le sots art reproduit les idéologies. Démonstration avec ce magnifique bronze "Trois mouettes marchant sur l'eau" de Kosolapov, représentant Lénine et Jésus Christ avec Mickey Mouse.


Artistiquement parlant, le sots art ne représente pratiquement aucun intérêt (sauf peut-être la curiosité de quelques clins d'oeil, comme cette sculpture illustrant la rencontre de Lénine avec l'Homme de Giacometti). C'est plutôt un phénomène sociologiquement intéressant, un peu comme les anecdotes que l'on racontait à l'époque soviétique, et que l'on ne pouvait pas ne pas raconter. C'est ainsi que, depuis 1972, presque tous les artistes en URSS avaient fait, à un moment de leur carrière, du sots art. Une de mes préférées, cette oeuvre "interactive" où l'on peut actionner Staline et Hitler détruisant le monde chacun à son tour (ci-dessous).




Il faut dire que la dernière partie de l'exposition (après les années 1990) est bien moins intéressante et cocasse; ça vire vers le crade, le gore, le scatologique... Certains y verront peut-être un intérêt, je n'en fait pas partie.

Quoi qu'il en soit, cette exposition est loin d'être destinée uniquement aux immig
rés russes (et sympathisants): une petite brochure explicative (très bien faite) relate non seulement l'histoire du sots art, mais donne également quelques commentaires artistiques sur les oeuv
res présentées et révèle le second (troisième, quatrième...) degré qu'elles renferment, comme par exemple cette photo où Komar et Melamid, les fondateurs du sots art, mangent la Pravda: il s'agit en fait d'une allégorie à la dénomination de ce quotidien soviétique comme de la "nourriture spirituelle "du peuple.

Certaines oeuvres restent actuelles, comme cet "Appareil pour définir la nationalité" (à droite): insérez-y votre nez, et l'appareil vous dira si vous êtes juif (en haut à gauche), russe (en haut à droite), géorgien, arménien... Tiens, je suis sure qu'un tel appareil pourrait bien servir aux policiers qui détiennent Kasparov en prison en ce moment...


A lire également: un article très complet sur le Sots Art sur le blog des éditions Cynthia 3000.
A écouter: Olivier Cena a visité Sots Art pour Télérama (podcast radio)

Sots Art. Art politique en Russie de 1972 à aujourd'hui
Jusqu'au 20 janvier
La Maison Rouge
10 bd de la Bastille 75012

Entrée: 6,50€; 4,50 € (tarif réduit).