Pomegranates (Les grenades) est une photo qui me fait penser à Matisse par sa façon de mettre en scène les fruits ainsi que par ses couleurs éclatantes de fraîcheur et de contraste. D'ailleurs, la couleur est un des dadas de l'auteur comme vous pouvez le voir sur la photo "Bees are eating meat" ("Les abeilles dévorent la viande") dont la couleur bleue me renvoie aux toitures de Sidi bou Said. Je trouve par ailleurs ses portraits absoluments magnifiques, elle parvient à capter une expression, un regard, une mimique sur des visages pas nécessairement beaux mais que son objectifs rend captivants. Mais même lorsqu'elle photographie un dos, celui-ci captive...
vendredi 29 août 2008
(Photo) Des couleurs et encore des couleurs
Pomegranates (Les grenades) est une photo qui me fait penser à Matisse par sa façon de mettre en scène les fruits ainsi que par ses couleurs éclatantes de fraîcheur et de contraste. D'ailleurs, la couleur est un des dadas de l'auteur comme vous pouvez le voir sur la photo "Bees are eating meat" ("Les abeilles dévorent la viande") dont la couleur bleue me renvoie aux toitures de Sidi bou Said. Je trouve par ailleurs ses portraits absoluments magnifiques, elle parvient à capter une expression, un regard, une mimique sur des visages pas nécessairement beaux mais que son objectifs rend captivants. Mais même lorsqu'elle photographie un dos, celui-ci captive...
jeudi 28 août 2008
(Resto) Tcham & Bang, un vrai coreen rue Falguiere
Dîner spontané chez Tcham & Bang hier - un restaurant coréen sympathique, bon et sans prétention. J'ai l'impression que le quartier autour du métro Falguière devient assez bien pourvu en restaurant - il y a notamment un autre coréen, L'Arbre du Sel (rue Vaugirard), mais aussi l'italien Croccante (juste à côté). Du coup, c'est un quartier qui convient parfaitement pour un dîner sur un coup de tête - si c'est complet, on peut toujours aller ailleurs. Pour le coup, Croccante se refaisait une beauté (à 21h30, ils sont bien travailleurs pour des italiens!), nous avons donc opté pour Tcham & Bang.
En entrée, des raviolis de boeuf succulents et croquants (avec un peu de verdure dans la farce), à peine trop huilés peut-être. C'est étrange, mais ce sont bien les raviolis coréens qui me rappellent le plus le goût des pelmenis russes (peut-être surtout la pâte). Ensuite, un bibimbap (légumes et oeuf) chaud que j'ai trouvé à peine fade comparé à mon barbecue coréen succulent, servi déjà préparé et parsemé de graines de sésame blanc. En accompagnement, une sélection de légumes marinés (dont les concombres que j'adore!! mais aussi des espèces de patates douces non identifiées qui étaient drôlement bonnes), une soupe aux algues et un bol de riz.
Une adresse fréquentée beaucoup par les coréens, sinon public du quartier essentiellement. L'ambiance est joyeuse mais pas bruyante, ce qui est un compromis agréable entre, disons, le froid glacial d'un restaurant bistrot-bobo et le brouhaha d'un As du falafel. Le service est affable et prévenant. Si je me souviens bien, c'est dans ce restaurant qu'un copain a déjà été prévenu par la serveuse de ne pas prendre un certain dessert mais de prendre plutôt un autre. Demandez conseil! :-)
Tcham&Bang
8 bis, Rue Falguière
mercredi 27 août 2008
(Voyages) Vienne, le voyage imaginaire... Mozart
Décidément, j'ai du mal à rentrer de vacances... A peine rentrée (et ayant épuisé mon lot de plaintes habituelles à propos de Paris, du métro, du temps qu'il fait et de la totale absence de collines toscanes à l'horizon), je me plonge déjà dans les pensées de mon futur voyage. Voyage, grand mot - ce sera un week-end à Vienne, où je n'ai encore jamais été.
Ah, Vienne... C'est dans le livre de David Weiss sur Mozart (Sacred and Profane - malheureusement non traduit en français, mais disponible sur Internet en russe - "Возвышенное и Земное" pour les intéressés) que son existence a pris corps pour moi: depuis, le château du comte Colloredo, le palais de Marie-Thérèse dont les genoux potelés avaient, un jour, accueilli le petit Mozart déjà génial (cet épisode m'avait particulièrement marquée); les théâtres; la maison qu'il loua pour vivre avec Constance, puis toutes les autres jusqu'à celle ou il est mort - tout ça avait commencé à exister pour moi! Je lisais, les yeux brûlants, se roman historique passionnant (et imprécis - mais qu'est-ce qu'on s'en fiche à cet âge-là!): je comptais le nombre de chambres contenu dans chacune de ses résidences, m'imaginant sa femme dans une robe à froufrous bleus se promener dans le salon et lui, courbé au-dessus d'une petite table, éclairé d'une lumière dansante de la bougie, en train de noter - à l'encre (avec un vrai encrier - important, pas de gomme! moi qui venais de commencer la composition, j'étais ébahie!) - les notes de la sonate que j'étais justement en train d'apprendre. Quelle lecture fantastique pour enflammer l'imagination enfantine... jamais je n'aurais été capable de concevoir Mozart comme un vrai personnage si je n'avais pas lu ce livre. Et jamais Vienne n'aurait un mot aussi magique! Quel âge j'avais... peut-être dix ans? onze? Je venais à peine de fermer le livre, les yeux en larmes, que ma mère, rentrée du travail, sonna à la porte. "Que s'est-il passé?" - me demanda-t-elle, pâle d'effroi en voyant mon visage bouffi. "Mozart est mort", dis-je avec tout le sérieux d'un enfant qui vient de comprendre ce que la mort peut vouloir dire. Ma mère a bien rigolé, touchée, et moi j'aime Mozart aujourd'hui encore.
Souvent, je m'imaginais que des inventeurs avaient enfin trouvé comment fabriquer une machine à remonter le temps... machine que j'utiliserais pour aller dans le 18e siècle récupérer Mozart, l'amener dans notre époque et lui faire écouter toute l'histoire de la musique depuis... sa mort. J'étais toujours particulièrement curieuse de savoir deux choses: est-ce que Mozart aimerait les sonates de Prokofiev? Et comment lui expliquerai-je l'électricité? (je n'ai jamais été forte en physique). Probablement, cela n'arrivera que dans mes rêves, cette rencontre avec Mozart.
Et puis finalement, si, je vais le retrouver - mais pas dans le temps. Dans l'espace.
Je vais à Vienne!
PS je me rends compte qu'un post d'une russe à Paris sur Vienne, ça doit être catastrophique pour le référencement de ce blog... Et puis tant pis - et quoi encore, je devrais me faire dicter par Google quoi écrire?!
lundi 25 août 2008
(Livres) L'erreur est humaine de Woody Allen
Il n'y a pas longtemps, je vous parlais de mes lectures estivales. Eh bien, figurez-vous que, malgré le beau temps (j'étais pas à Paris), j'ai presque réussi à faire baisser ma pile de livres (et en plus, j'ai eu le temps de lire l'interview de Carla dans Vanity Fair, c'est fou ce qu'on peut faire en vacances). Je voulais donc vous parler de ce petit livre que l'on voit beaucoup dans le métro en ce moment - bon choix marketing de la couleur jaune bien reconnaissable pour la couverture - et qui représente un compromis idéal entre littérature de vacances et littérature. L'erreur est humaine (Mere Anarchy dans l'original) est un petit recueil de nouvelles de Woody Allen (dont je suis bien évidemment une grande fan - je suis souvent fan des acteurs qui lassent, aka Luchini).
Qui ne connaît pas le style Woody? Non, je recommence. Je ne connaissais pas le style de Woody, à part celui de ses scénarios. Et bien, prenez le côté farfelu de ses premiers scénarios (de Prends l'oseille et tire-toi à Un Songe d'une nuit d'été), ajoutez-y ses expériences personnelles (quelques comptes à rendre ou des travaux à faire à la maison), agrémentez d'une mécanique à faire rire bien huilée, et vous obtenez le Woody-écrivain. Pour vous donner un exemple, je n'ai qu'à citer le journal de bord (imaginaire) du tournage de Vicky Christina Barcelona (que vous pouvez consulter en français sur le blog d'Aurélien Ferenczi ou en anglais ici)
Les nouvelles partent toujours d'un événement réel (votre fils n'a pas été accepté dans la meilleure école maternelle de New York, ou bien vous avez besoin d'acheter un nouveau costume, ou avez une nouvelle nounou). Mais, une page après, ça dérape (c'est là que vous vous rendez compte qu'être dans la tête de Woody tout le temps, ça ne doit pas être marrant) - on vire dans l'absurde le plus pur. Je crois qu'il est aujourd'hui bien vu d'utiliser le mot "loufoque". Dans notre vie de parisiens bien rangés, "loufoque" indique une petite touche de folie très à la mode. Et bien, voilà ("Tu l'as voulu, George Dandin!" - dirait ma prof de grammaire) - ces nouvelles sont lou-fo-ques. Loufoquissimes (je viens de rentrer d'Italie). Parfois trop. Parfois ça agace. Parfois, plus elles sont loufoques, moins elles sont géniales. Et puis on se dit: on l'a bien cherché - on sait depuis la nuit des temps que Woody ne fait que ça.
C'est tout Woody, ça: il est loufoque et, surtout, il est inégal. Il peut faire le film le plus merdique de tous les temps, et puis vous pondre un chef-d'oeuvre après avoir bien fouillé au fond de son tiroir à scénarios. Ici aussi, la qualité des nouvelles est inégale, ce qui rend d'ailleurs impossible la lecture continue du recueil - on s'agace et on se lasse (selon les jours). Mais lorsqu'on tombe sur une perle (comme "Les jolies colonies de vacances "Coupez!"", la nouvelle responsable de mon achat d'impulsion), on est ravi. On rigole, on relit, on passe au voisin. Et on se dit, qu'au fond, on veut bien supporter tous les ratés de Woody pour, de temps en temps, lire une formule magique qui fait rire. On manque tellement de magiciens en ce moment.
Parmi mes préférées: Les jolies colonies de cacances "Coupez!", Recalé, Dentiste mystérieux à Manhattan, Prise de bec au procès Disney.
dimanche 24 août 2008
(Cine) Cinema muet: de l'inedit et du gratuit, qui dit mieux?
Je suis une grand fan du cinéma du début du siècle (c'est un blog personnel et je commence souvent mes phrases par "je", vous avez peut-être déjà remarqué). "Une grande fan" ne veut pas dire que je suis une folle furieuse de Max Linder (ceci dit, je dois avoir en ma possession tous les Charlie Chaplin sur le même DVD - invention des pirates russes - que je n'ai jamais regardé... Je ne sais pas pourquoi, mais parfois le fait d'acheter un livre ou un DVD me donne l'impression de l'avoir déjà lu) Je ne collectionne pas, mais de temps en temps j'aime bien regarder un film muet délicieusement désuet. C'est devenu encore plus facile avec le site Europa Film Treasures qui a mis en commun les fonds d'une quinzaine de cinémathèques européennes (dont celle de Moscou). Les films, dont la plupart sont inédits, sont accessibles gratuitement en streaming (et en bonne qualité).
Vous pouvez faire la recherche par genre (certains cliqueront sur "érotique", et auront raison - l'érotisme du début du siècle est absolument hilarant), ou bien par pays. Je me suis bien évidemment empressée de voir quels films le GosFilmFond de Moscou avait mis en ligne.
J'ai donc pu voir un petit documentaire sur l'usine de conserves de poisson d'Astrakhan (1908, pittoresque), et, au même moment que je rédige ce post, je regarde "Le malheur de Sarah" (1912), un drame adapté de la littérature yiddish, très populaire à l'époque (j'avais déjà mentionné ici le théâtre yiddish lorsque je parlais de La Corde et la pierre des frères Vaïner). Parmi les acteurs, Ivan Mosjoukhine, un russe blanc qui a fui la Russie en 1919 pour la France. Quant à Arkatov, le réalisateur du film, il fut nommé à la tête du MosKino par le comité bolchevique où il devait réaliser des films de propagande à l'adresse du public juif. En 1919, il part pout les Etats-Unis où il fera des films corporate.
Il y a aussi des documents rarissimes, comme la vidéo montrant Nicolas II en visite au Danemark (1901), ou bien un Max Linder coloré au pochoir (Les surprises de l'amour). Le site rassemble suffisamment d'informations sur chaque film pour le rendre intéressant et compréhensible aujourd'hui. Il est même tellement bien qu'il est aujourd'hui victime de son succès - avec tous ces gens qui se connectent sur le site aux heures du bureau (malins que vous êtes!), le visionnage est loin d'être fluide... En revanche, là, un dimanche à minuit, il n'y a aucun problème! Avis aux insomniques cinéphiles.
jeudi 21 août 2008
(Cine) La Fille de Monaco d'Anne Fontaine
Comme vous le savez peut-être, je suis une fan inconditionnelle de Fabrice Luchini. Depuis Molière, et surtout depuis que j'ai vu Le Point sur Robert, je vais voir presque tous les films où il apparaît (je l'ai notamment trouvé excellent dans Paris de Klapisch). Toujours sur ma lancée monomaniaque, je suis donc allée voir La Fille de Monaco d'Anne Fontaine, où Luchini reprend presque exactement le même rôle qu'il a tenu dans Paris - celui d'un homme dépassé et terrassé par la beauté et la jeunesse d'une femme trop belle pour lui. Même si, comme toujours pour moi, la présence de Luchini sauve le film de la déconfitude, elle ne suffit pas pour masquer la faiblesse du scénario et les disfonctionnements du trio des protagonistes.
L'histoire: Luchini, brillant avocat parisien, va à Monaco pour défendre une femme septuagénaire ayant tué son jeune amant russe. Les frères du jeune homme (des mafieux russes bien évidemment) arrivent eux aussi à Monaco, ce qui fournit aux scénaristes le prétexte d'affubler Luchini d'un "agent de protection rapprochée" taciturne (Roschdy Zem). Lors d'une interview télévisée, Luchini tombe sur la miss Météo monégasque (Louise Bourgoin, l'ex miss Météo de Canal+) aussi blonde que sotte. S'en sort un triangle amoureux dont je vous laisse imaginer le manque de crédibilité.
Les acteurs. Ce trio-là manque surtout de charisme: on ne ressent guère cette attirance aveugle que doivent, selon le scénario, éprouver les deux hommes pour cette idiote. Elle a certainement un corps de rêve et enlève sa culotte si gracieusement qu'on pourrait la regarder le faire éternellement, ce dont, d'ailleurs, les scénaristes profitent pour alléger au maximum les dialogues. Le problème, c'est que, loin d'être une femme fatale, elle n'est - comme le dit d'ailleurs Roschdy Zem à un moment - qu'un très bon coup. Et pour un bon coup, on a du mal à imaginer que deux hommes intelligents puissent à ce point perdre la tête. Roschdy Zem a beaucoup de présence à l'écran, mais son rôle manque de profondeur, tout autant que celui de Fabrice Luchini.
Les dialogues sont même - déception ultime - pas particulièrement drôles, à l'exception d'une ou deux scènes (on ne peut pas être drôle avec une bimbo, l'humour de Fabrice Luchini face à Louise Bourgouin, c'est pire que jouer au tennis face à un mur - à la différence du mur, Louise Bourgoin, elle, ne relance jamais). Entre parenthèses, en réalité, c'est Fabrice Luchini qui a rencontré Louis Bourgoin chez Canal+ et qui a suggéré son nom à Anne Fontaine. Et ça, pour le coup, c'est une histoire bien plus crédible que le scénario qui en est sorti.
Au final, ce qu'on aimerait le plus, c'est de voir le déroulement de ce fameux procès dont on ne voit dans le film que des bribes et qui ne sert ici que de prétexte (d'ailleurs, les fameux "frères russes" - les Dachev, mais quel nom ridicule, les 20 premières minutes du film je pensais que c'étaient des roumains! - ne frappent jamais, et la présence du garde du corps s'avère inutile, comme tout ce qui fait tenir le scénario). Oui, si on ne gardait que le procès, ce ne serait pas une comédie. Mais je préfère toujours un bon drame à une mauvaise comédie. Les plaidoiries de Fabrice Luchini sont si brillantes que je ne rêve que de le voir, vêtu de sa robe d'avocat, articuler encore et encore le mot "alcoolique" devant les jurés. Dommage que ce ne soit pas le film d'Anne Fontaine qui m'en donnera l'occasion.
lundi 18 août 2008
(Voyages) Le Chianti, un paradis terrestre
Je reviens à peine d'une magique échappée au cœur de la Toscane, dans le Chianti.A mi-chemin entre Sienne et Florence, le Chianti est célèbre non seulement pour le vin éponyme produit dans la région, mais aussi pour la beauté de ses villes et villages (dans chacun on trouve des choses à voir), l'art de vivre de ses habitants, le raffinement de sa cuisine (on dit que les meilleurs restaurants de la Toscane se trouvent entre Radda et Gaiole in Chianti), et la beauté de ses paysages.
Le contour des collines toscanes est la plénitude même; les angles sont arrondis, rien n'arrête le regard qui balaye, dans un va-et-vient incessant, les pentes couvertes de vignes et les sommets couronnés de forêts. J'ai l'impression d'avoir atterri sur une nappe verte et ondoyante secouée par deux mains puissantes: je roule telle une boule d'une colline à une autre avec toujours le même sentiment de beauté absolue.
Même les nuages sont différents dans le Chianti - ce sont de petits morceaux de Fior di latte bien compacts (mozzarella ou crème glacée, selon l'envie et l'heure de la journée), aux bords bien dessinés, qui semblent si lourds qu'ils devraient tomber - mais ils restent suspendus, imperturbables, au-dessus d'une colline. A Paris, les nuages brouillon et grisâtres recouvrent souvent des pans entiers du ciel; ici, la candeur des nuages ne fait que mettre en valeur sa teinte azurée.
J'oublie vite la "vie parisienne" et trouve délicieux de s'endormir à 11h du soir pour me réveiller, à 8h, en pensant à la tasse de cappuccino que je savourerai sur la place du village. Autour du cappuccino matinal, on discute de la crise en Géorgie - cela semble impossible tant l'endroit où l'on se trouve semble paisible. L'analyse d'Hélène Carrère d'Encausse n'en semble que plus lucide lorsqu'elle est négligemment posée sur le rebord de la terrasse et que se dessine derrière elle une terre de vignes qui n'est pas sans rappeler celles de la Géorgie.
En août, tout semble plus calme: c'est le "ferragosto" - une contraction exquise de "férié" et "août" - "Bon ferragosto, on est en vacances!" - peut-on lire sur les portes de boutiques fermées. Florence, certes, pullule de touristes attirés par l'air climatisé des musées, tandis que Sienne attire les badauds venus voir le fameux Palio (le 2 juillet et le 16 août). Mais la campagne et quelques villes mineures (comme Arezzo, sublime) gardent leur phlegme.
Comment parler de la Toscane à celui qui n'y a jamais séjourné? Tout geste quotidien y semble magnifié, tant la vie a de saveur. Le vent, le soleil, les couleurs, l'odeur de la truffe, l'attente du repas du midi, toujours sacré, le plaisir que l'on a, en fermant les yeux, savoir que se trouve, devant nous, un des paysages les plus beaux au monde... Pour moi, le pays de "luxe, calme et volupté", c'est la Toscane.
Le jour du départ, le matin, je me réveille bien tôt pour pouvoir, une dernière fois, flotter dans la piscine en contemplant les collines toscanes qui se balancent l'écho de la cloche de l'église du village voisin appelant à la messe dominicale. Je repousse le moment de sortir: je sens que lorsque, privé d'apesanteur, mon corps échouera tel un phoque sur les bords de la piscine, les vacances seront terminées. Je me décide, enfin, à poser les mains sur le rebord. Une fois dehors, plus rien n'est pareil. Pour la première fois, le cappuccino au café de Gaiole a le goût amer - le goût du départ.
Arrivée à Paris, je ferme les yeux dans le taxi, essayant d'imaginer d'être encore en Toscane. A la maison, un moment pour déballer (ce sera encore plus dur le lendemain), mettre les pâtes aux truffes dans le placard, mordre dans un morceau de pêche un brin défraîchi mais toujours toscan, jeter un coup d'œil sur le portable oublié à Paris (un seul appel manqué). Je m'endors, et me retrouve tout à coup dans une voiture, en train de descendre sur une petite route sinueuse comme il y en a tant en Toscane. La descente semble interminable, et je finis par me réveiller. Je pense aux angoisses parisiennes, aux dossiers qui reprennent, aux incertitudes, à la nécessité d'affronter des changements... Je repense à mon voyage, je reviens sans cesse vers les endroits que je viens de quitter. Puis je me dis que jamais je ne m'endormirai si je ne parviens pas à trouver une phrase finale, celle qui n'appelle pas de questions. Je choisis alors "They lived happily ever after", au goût toscan de l'achevé et de la perfection.
Ce n'est qu'à ce moment-là que la voiture quitte la petite route et, en prenant la bretelle de l'inconscient, s'engouffre sur l'autoroute du sommeil.
Au réveil, j'étais à Paris.
En pratique:
Y aller:
En avion jusqu'à Pise, Rome ou Florence, puis voiture de location.
Y séjourner:
A Gaiole in Chianti: l'hôtel La Fonte del Cieco (La fontaine de l'aveugle).
A San Felice: très (trop?) luxueux, un entier village toscan transformé en hôtel.
Se restaurer:
Fernanda fait les meilleurs gnocchis, mais aussi d'excellents raviolis tartufati et des glaces maison (le restaurant sur la place centrale de Gaiole, Lo Spizio bianco). Toujours à Gaiole, la Romita - pour les pizzas et leurs pâtes à la sauce tomate. Carloni, pour la rapidité du service, la Bistecca alla Fiorentina et le Millefoglie (ne pas confondre avec le millefeuille, la crème est très différente et beaucoup plus légère).
A Castello di Meleto (restaurant Fornace di Meleto), pour les gnocchis à la truffe et les antipastis. A San Sano (le seul restaurant du village, juste à côté de la fontaine à la grenouille), pour les Fettuccine al tartufo et la Tagliata al tartufo. A San Donato (un château juste après Vertine), pour la vue et la viande.
Visiter:
Ne manquez pas Arezzo et Siena, deux villes moins prisées par les touristes que Florence. A Arezzo, ne ratez pas la maison de Vasari, très jolie et peu visitée. San Felice et San Gusme, deux villages ravissants. Les villages de Castagnoli et de Vertine, mais aussi Radda in Chianti, un peu plus peuplée. Plus loin, San Gimignano (venez tôt le matin) et Lucca.
jeudi 7 août 2008
(Livres) Une Autobiographie d'Agatha Christie
Comme je le disais il y a quelques jours ici, l'été, c'est sacré et je refuse de m'obliger à ne lire que des livres récents. Même si, au final, j'emporte en vacances quelques livres à paraître en septembre (travail, quand tu nous tiens), je tiens tout de même, avant de m'envoler pour la Toscane, de vous parler d'un livre tout sauf récent qui parle des temps que les moins de 100 ans ne peuvent pas connaître... L'autobiographie d'Agatha Christie.
Tout le monde connaît Agatha Christie (1890-1976) pour ses romans policiers, du Le crime de l'Orient-Express à la Mort sur le Nil. Mais elle est aussi connue pour sa vie passionnante, son humour et sa joie de vivre. Deux qualités qui lui ont permis de traverser bien des épreuves (un divorce dans les années 1920, un fait bien moins commun qu'aujourd'hui), sans compter le lot habituel de morts (son père, mortlorsqu'elle avait 11 ans, son frère, le mari de sa fille, tous morts très jeunes) et les deux guerres mondiales. Mais elle fut surtout, pour moi, une grande voyageuse.
Elle voyage dès l'enfance: au début, avec sa famille (excellent moyen de faire des économies - louer sa maison avec le personnel à de riches américains et partir dans le Sud de la France; ou alors économiser en faisant ses bals de débutant au Caire plutôt qu'à Londres). Puis, avec son premier mari, elle fait un voyage autour du monde pendant plus d'un an. En 1926, elle se sépare de son mari et part, seule, au Moyen-Orient au bord de l'Orient-Express. C'est en visitant les fouilles archéologiques de Ur - à l'époque, on pensait que ce fut la capitale de la Mésopotamie - qu'elle rencontre Max Mallowan, éminent archéologue de quatorze ans son cadet qui deviendra plus tard son second mari. Depuis cette rencontre, elle n'arrêtera pas de voyager, et deviendra peu à peu une spécialiste du Moyen Orient, et notamment de la Syrie et de l'Irak.
Lire les descriptions de Bagdad, de Nimrud - des villes qui, aujourd'hui, ont perdu de leur superbe - c'est déjà faire un voyage. Epoque bénie où il n'y avait besoin ni de visas, ni de beaucoup d'argent pour voyager (NB un voyage en Orient-Express jusqu'à Venise coûte aujourd'hui 1850€, alors pensez à Agatha Christie qui fit un Londres - Bagdad...). Epoque bénie où les archéologues ne faisaient que découvrir les toutes premières couches des civilisations aujourd'hui disparues. Epoque bénie où l'on pouvait, en n'ayant que l'écriture pour toute source de revenus, avoir pour hobby d'acheter et de redécorer des maisons (Agatha Christie en avait huit avant la Seconde Guerre Mondiale). Epoque bénie où l'on ne connaissait guère le culte de la jeunesse: "Comme j'ai bien fait d'épouser un archéologue : plus je vieillis, et plus il me trouve intéressante."
Un voyage plein de nostalgie, mais aussi d'humour: un peu ironique, un peu amer, mais toujours irrésistible. A consommer sans modération pour voyager dans ces pays que nous ne verrons jamais ("À ceux qui descendent dans les mêmes fleuves surviennent toujours d’autres et d’autres eaux. " disait Héraclite).
Sur ce, je m'en vais, moi, dans un vrai voyage - en Toscane. Le blog est officiellement en vacances jusqu'au 18 août!
Des photos d'Agatha Christie ici
mardi 5 août 2008
(Livres) Lectures estivales
Les lectures d'été, c'est très particulier. Cela doit être une réminiscence de ces jours heureux où j'avais trois mois de vacances en été pendant lesquels je pouvais me plonger dans la lecture... Encore aujourd'hui, c'est à mes lectures que je sens que l'été arrive.
A la plupart des gens, "lectures d'été" évoque la "chick lit" (les livres du genre "La shopping addict attend un enfant" et autres manuscrits aux titres aussi accrocheurs qu'une pub Narta), des cahiers de vacances pour adultes (encore un signe de l'infantilisation de notre société...), des polars - bref, de la lecture facile. Ne vous méprenez pas: ce côté futile ne m'est absolument pas étranger. Je le satisfais pleinement en lisant des magazines - au bord de la piscine, je fais d'un coup mes quotas annuels de tests psychologiques. Mais, à côté, j'aime aussi et surtout avoir le temps de me plonger dans des livres volumineux ou trop prenants pour être lus pendant l'année.
Je m'explique: c'est en été que j'avais lu Crime et Châtiment (il y a douze ans, mais qu'est-ce que je suis vieille adulte!); c'est en été également que j'avais lu Du côté de chez Swann. Les lire en été, lorsque je n'étais pas dérangée par le quotidien ou inquiétée par des pensées extérieures au livre, était le seul moyen possible pour "tomber en amour" (comme dirait Céline Dion) avec ces auteurs. Face à ces monstres de la littérature mondiale, je n'ai pas honte pas de me plonger, le temps d'un soir, dans un petit polar ou un roman à l'oh! de rose (de préférence écrit par une bonne femme à la vie dure et au style corrosif, sinon j'ai du mal) - on trouve la justification dans la nécessité de "faire reposer son cerveau entre deux chefs-d'oeuvre".
Depuis, cette théorie oh combien intéressante est devenue surtout un prétexte pour mettre de côté tout livre de plus de 600 pages (dont Jonathan Littel, sur mon étagère "à lire" depuis deux ans) - en attendant l'été. On est clairement en été (c'est Paris Plage). J'ai donc décidé d'ouvrir mon placard (les anglais disent "chacun a des squelettes dans son placard" - les miens sont surtout littéraires). Il faut AU MOINS que je lise les livres que j'ai achetés cette année et qui gisent sur mes table de nuit/table basse du salon/le bar/par terre et même au bureau.
Cet été, par un concours de circonstances et d'envies littéraires, sera placé sous le signe du voyage. Je vous parlerai donc très bientôt de:
Une autobiographie d'Agatha Christie
Le roman des voyageuses françaises : (1800-1900)
Eloge des voyages insensés : Ou L'île de Vassili Golovanov
Mais aussi de:
Vivre en Russe de Georges Nivat
L'erreur est humaine de Woody Allen
Samedi de McEwan, si je trouve le temps de le lire... On m'a dit que c'est génial, et le nouveau qui arrive à la rentrée est, paraît-il, encore mieux. Encore mieux que génial, qui dit mieux?
Et vous, comment choisissez-vous vos lectures d'été?
dimanche 3 août 2008
(Expo) Traces du Sacre au Centre Pompidou - derniers jours
Premier dimanche du mois et un des derniers jours de l'exposition "Traces du sacré" dont on a entendu tant de bien - comment ne pas en profiter? Ce matin, mue par un élan culturel qui n'a de mesure que le temps hideux qu'il fait à Paris en ce moment, j'ai fait face à une déconfitude complète et totale de mon plan (souvent, les intellos manquent de sens pratique).
Tout d'abord, j'avais oublié la baisse du pouvoir d'achat (si si, ça a un rapport avec l'expo): les gens ne partent plus. L'année dernière, le premier dimanche du mois d'août, il n'y avait que ma mère et moi à Beaubourg. Aujourd'hui, ma mère n'était pas là, mais tous les parisiens, si. Les gens restent à Paris, et non seulement ils restent, ils décident fermement de ne dépenser leurs sous que quand ils ont un couteau sous la gorge (pratique peu courue des muséologues).
Les parisiens sont donc tous venus ce matin à 11h faire la queue devant Beaubourg pour y entrer gratuitement. Il est vrai que 25 minutes de queue (alors qu'il NE PLEUVAIT MÊME PAS - quelle joie) ce n'est absolument rien face au ridicule dont je fus couverte à l'intérieur: mais bien évidemment, l'expo est payante, seul le musée est gratuit! ("Mais vous pouvez aller voir toutes les autres expos aussi", me dit joyeusement le caissier). Mais voyons, je ne suis pas radine - je voulais la voir de toute façon, l'expo. Allons-y donc. Mais c'est la que la déconfitude sus-mentionnée battit son plein.
Comme je l'avais déjà mentionné ici, je ne suis pas férue d'art contemporain. Plus particulièrement, dans l'art contemporain, je ne suis proche que du figuratif (tout ce qui, de loin ou de près, ressemble à un petit bonhomme me réconcilie immédiatement avec la peinture). Comme, sur l'affiche, il y avait une petite patte poilue, je me suis dit "Bingo! C'est du figuratif!" (pauvre fille). En fait, non (et non): le premier "non", car, de la peinture figurative, ne sont présents à l'exposition que des peintres inconnus ("inédits", disent-ils - et on comprend pourquoi), dont les oeuvres ne sont intéressantes que dans la mesure où elles illustrent les commentaires qui les accompagnent. Le deuxième "non", car 70% de l'exposition ne sont pas vraiment figuratifs, ce sont surtout des installations pour comprendre lesquelles il aurait fallu avoir en poche un DEA de Philosophie couplé avec quelques années à l'Ecole du Louvre et quelques stages en galeries d'art contemporain. J'exagère, bien évidemment. Les commentaires (surtout les écritaux qui annoncent les thèmes qui jalonnent l'expo - l'absolu, les dieux enfuis, etc.), c'est ce qu'il y a de plus intéressant. Vous me direz: "T'avais qu'à lire les critiques". Mais tout à fait - simplement, je n'aime pas que l'on me raconte une expo avant que je ne l'aie vue (un non-sens total vu l'orientation de ce blog)...
Je pensais naïvement avoir compris ce qu'allait être l'expo: en unissant les collections du Beaubourg, du Louvre et du Musée du quai Branly, ils allaient faire une recherche de "traces du sacré" (de toutes les religions au déisme) dans la peinture, la sculpture et l'art tribal toutes époques confondues, recherchant des correspondances entre les créateurs et les époques (un peu à la manière du nouvel accrochage du Beaubourg). En réalité, il s'agit davantage d'un parcours historique à partir de la toute fin du 19e siècle (illustrée uniquement par les romantiques allemands) jusqu'à nos jours, où chaque décennie donne naissance à de nouvelles modes et de recherches para-religieuses. Oui, ce sont des traces du sacré qui réunissent ces oeuvres, mais j'ai tout de même un sacré sacré doute quant à la qualité intrinsèque des oeuvres en elles-mêmes. Il y a un Chagall, un ou deux Kandinsky, des Paul Klee, un ou deux Malévitch, mais rien de particulièrement frappant (vous savez, le grand public est avide de "stars", on veut bien faire semblant d'être intello, mais il faut nous donner quelque chose!!!). Il y a une belle installation de Bill Viola. Et ce qui m'a frappée le plus, c'est cette vidéo de Mary Wigman qui danse, je trouve cela absolument fantastique et, pour le coup, totalement révélateur de l'exposition que j'aurais aimé voir:
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Faut-il voir cette expo? Oui, si vous avez la possibilité de venir accompagné(e) d'un étudiant en philo (les meilleurs de ce monde viendront accompagnés de Raphaël Enthoven). Oui, si vous êtes un étudiant en philo (ou Raphaël Enthoven, mais je suis sûre qu'il a autre chose à faire en ce mois d'août que de lire ce blog d'une auditrice de France Culture frustrée par son absence). Oui, si vous aimez l'art contemporain. Non, si seulement le thème des religions vous intéresse: il ne s'agit aucunément des "religions", mais de théorèmes assez sombres quant à la nature du sacré. Non, si vous avez tendance à vous endormir facilement (ce n'est presque pas éclairé, un peu façon "quai Branly"). Et non, si vous avez mal à la tête (cela ne fera que l'aggraver).
Que faire après? Allez prendre un peu d'air frais, installez-vous en terrasse (couverte) place Tinguely. Respirez. Si cela ne suffit pas pour vous remettre en selle, allez jusqu'à la place des Vosges. Etalez-vous sur l'herbe. Inspirez.
Paris. Un ciel haut. Du vent sur vos joues. Un air baroque venant d'une des galleries. Votre mal de tête s'évapore.
C'est divin. Pas besoin de théories.