lundi 30 juin 2018

(De la Russie) En avion à Saint-Pétersbourg

femme russeJe suis en Russie à Saint-Pétersbourg pour quelques jours et, faute d’avoir vu des expos en avance pour pouvoir vous en faire des billets, je vous propose quelques comptes-rendus tantôt drôles tantôt nostalgiques sur la Russie ! Aux abonnés de la newsletter que cela n’intéressera pas je propose de m’écrire via la rubrique « Contact » et je suspendrai leur abonnement pour le temps de mon séjour ici.

Dans l’avion qui m’emmène à Saint-Pétersbourg, je prends le temps d’observer les gens. À ma gauche, un couple franco-russe correspond curieusement à un bon nombre de stéréotypes : lui, la quarantaine, ni beau ni moche, pas très bien habillé, petit bide et déjà une tonsure ; elle, une grande blonde aux ongles vernis (en rose babydoll). Il lit « Taras Boulba » de Gogol et le guide « Un Grand week-end à Saint-Pétersbourg » ; elle regarde le magazine Air France. Ils s’embrassent (pouah ! qu’est-ce que c’est désagréable quand ce n’est pas vous qui le faites !) et se sourient amoureusement. Le plateau repas arrive : le pain est dur comme fer (l’hôtesse de l’air s’excuse devant les cris indignés d’une dame), la salade doit contenir à peu près ma ration annuelle de mayonnaise, et le blanc de poulet me fait curieusement penser à « L’aile ou la cuisse » avec Louis de Funès. Mais les deux tourtereaux finiront toutes les petites barquettes du plateau ( à un moment, je me demande si dans sa folie dévoratrice il engloutira également le petit sachet de moutarde, mais non). C’est étrange, mais souvent les hommes français qui épousent les filles russes ont mauvais goût en termes de nourriture (probablement, les conséquences d’un célibat trop prolongé ponctué par des plateau-repas Joël Robuchon à réchauffer). Elle, je ne la blâme pas : les russes ont été trop habitués à ne jamais mépriser ce qui est donné gratuitement, et surtout pas la nourriture (je me souviens, quand je ne finissais pas mon assiette, ma grand-mère se mettait à découper un morceau de pain de la taille d’un carré 4x5cm pour me montrer la ration de pain qu’elle obtenait pendant la guerre, ça calme vite). Alors, frais ou pas frais, le pain, on le mange !
Plus loin dans le couloir, j’aperçois une dame de cinquante ans, elle est assise et la vue de son décolleté plongeant d’où dépasse un soutien-gorge en dentelles très coquet m’ébahit. Elle se lève, et je me rends compte qu’elle porte des chaussures à talons avec des plateformes compensées (ça doit la rendre à peu près 17cm plus grande, mais elle m’arrive à l’épaule) - les chaussures sont blanches et vernies, avec un petit trou pour le gros orteil, verni lui-aussi (et je pensais que de telles chaussures ne pourraient séduire qu’une femme facile du boulevard Saint-Denis…). Elle voyage avec sa fille qui a mon âge. Alors je me dis que je tiens là un specimen extraordinaire mais, plus tard, en me promenant dans les rues de Saint-Pétersbourg, je comprends que j’ai complètement oublié que presque toutes les femmes s’habillent comme ça ici… Cela me fascine tellement que je vous en ferai un petit billet illustré plus tard dans la semaine !

Pour l’instant, je vous laisse et m’en vais au concert d’Alfred Brendel qui fait cette année sa tournée d’adieu mondiale (il arrête le piano en décembre) - j’ai la chance de l’attraper à Saint-Pétersbourg… Et dire que ce sera la première fois que je l’entends en vrai !

Lire la suite...

mercredi 25 juin 2008

(Photo) 7 A.M. Saint-Pétersbourg de Morgan Ommer

© Morgan Ommer


Dans deux jours, je serai à Saint-Pétersbourg, aussi j'ai décidé de ressusciter la rubrique "La photo de la semaine" (que j'avais un peu laissée tomber en me disant "Il faut que je fasse un blog photo à part - tu parles, j'ai à peine le temps de maintenir celui-ci en vie!). Donc, aujourd'hui, je vous montre une photo de la place du Palais à Saint-Pétersbourg, faite par Morgan Ommer, un photographe français qui habite à Hong Kong. La photo a été faite il y a quelques années lors de son voyage en Russie.

Intitulée "7 A.M. Saint-Petersburg", elle représente une place endormie que traversent deux marins. La place du Palais est absolument magique car on n'y trouve aucun café, aucune animation particulière, et même l'entrée du musée de l'Hermitage (à gauche sur la photo) se fait par le quai de la Néva, de l'autre côté. C'est donc un espace parfaitement vide qui n'est traversé par les saint-pétersbourgeois que par plaisir purement esthétique (ce n'est pas un endroit de passage ni un quelconque raccourci). A 7h du matin, avant que les cars ne déversent des touristes serrant leur appareils photo contre leur ventre, la place du Palais est l'image parfaite de l'esprit de Saint-Pétersbourg. Cet esprit, c'est avant tout l'espace (c'est pour cela que l'endroit qui me rappelle le plus Saint-Pétersbourg à Paris c'est l'esplanade des Invalides), mais aussi la géométrie (voire la symétrie dans certains cas). Au centre, la colonne Alexandre, érigée en l'honneur de la victoire sur Napoléon (désolée), personnifié ici par un serpent que l'ange piétine avec une croix. La colonne n'est fixée au sol que par son propre poids et, où quel que soit le point où l'on se trouve, c'est elle qui attire spontanément le regard, comme si son poids se transférait au-delà du périmètre de sa fondation. 7h du matin... trop tôt pour les pétersbourgeois. Mais c'est le seul moment où l'on sent enfin la ville respirer.

Comme d'habitude, voici quelques autres photos de Morgan Ommer que j'apprécie particulièrement, toutes faites avec un Leica (M6) (le légendaire Leica... voir à ce propos un très bel article dans le Washington Post ici). Dans chacune de ces photos, j'aime le travail sur la lumière, le mouvement, le flou et la profondeur qui n'est pas sans rappeler les grands maîtres de la photographie, mais aussi le grain si caractéristique des photos faites avec un Leica. La première photographie ("At a wedding") me rappelle Mère et Fils d'Alexandre Sokourov (qui, à son tour, rappelle la peinture romantique allemande) par son côté evanescent que donne ici une surexposition de la pellicule - le sépia en moins (cf à droite, une photo tirée du film).







© photos Morgan Ommer

Photos: 1) At a wedding; 2) Nichole; 3) 1. Hong Kong.

Vous pouvez également voir d'autres photos de Morgan Ommer ici.

Lire la suite...

lundi 23 juin 2008

(Livres) Me talk pretty one day de David Sedaris

Vous connaissez peut-être déjà l'aversion que j'éprouve envers la VF, qu'il s'agisse des films, des séries ou des livres (l'aversion qui n'est arrêtée que par les limites de mon anglais, bien évidemment). Je continue donc à vous parler de livres en anglais drôles et faciles à lire (après celui-ci et celui-là)! "Me talk pretty one day" ("Je parler français" en VF) est un recueil de nouvelles tordantes où l'histoire fait rire autant que le style.

David Sedaris est un humoriste et écrivain américain apparemment très connu (sans blagues, plus de 7 millions de livres vendus, et tout ça aux Américains qui ne sont censés lire que des BD, des self-help books et des biographies de Barack Obama!). Âgé de plus de 50 ans, il avait échoué dans plus d'un domaine (artistique ou non) et n'a été "découvert" qu'au début des années '90, lorsqu'il lisait des extraits de son journal privé dans un club de lecture. Le présentateur radio Ira Glass l'avait alors invité à participer à son émission et, depuis, le succès de David Sedaris n'a fait qu'amplifier. Le livre "Me talk pretty one day", écrit il y a huit ans lors de son séjour en France, a été salué par la critique, et David fut nommé "Humoriste de l'année" par le Time Magazine.

Le livre, justement. Séparé en deux parties - la première relate ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, la deuxième, son séjour en France et son apprentissage du français - "Me talk pretty one day" est un curieux mélange qui parle toujours de la même personne: Sedaris lui-même. On le découvre tour à tour adolescent zozotant, jeune homme aux petits boulots, américain à Paris... Dans style très américain (grâce auquel il réussit à transformer un épisode des plus banals en une séance de rire hystérique dans le métro), Sedaris relate ses mésaventures avec un sens d'autodérision et d'observation rare. Il campe des personnages complètement loufoques qu'on arrive néanmoins à se représenter mentalement - ses parents (complètement cinglés), sa soeur (idem), ses profs (des incapables), ses collègues ("my friend the communist, my friend the schizophrenic, and my friend the murderer"), les habitants d'un village normand... Tous apparaissent comme des specimens pittoresques qui n'attendaient que Sedaris pour être immortalisés dans leur splendeur.

Pour vous donner une idée du style, voici quelques extraits d'une de mes nouvelles préférées, The Learning Curve, où Sedaris raconte comment il a dû remplacer au pied levé un professeur pour enseigner un atelier d'écriture pendant toute une année.

"A year after my graduation (...), a terrible mistake was made and I was offered a position teaching a writing workshop.

Like branding steers or embalming the dead, teaching was a profession I had never seriously considered. I was clearly unqualified, yet I accepted the job without hesitation, as it would allow me to wear a tie and go by the name of Mr.Sedaris.

I was given two weeks to prepare, a period I spent searching for a briefcase and standing before my full-length mirror, repeating the words "Hello, class, my name is Mr.Sedaris". When the day eventually came, my nerves kicked in and the true Mr.Sedaris revealed himself. In a voice reflecting doubt, fear and an unmistakable desire to be loved, I sounded like a high-strung twelve year-old girl."

I don't know who invented the template for the standard writing workshop, but whoever it was seems to have struck the perfect balance between sadism and masochism. Here is a system designed to eliminate pleasure for everyone involved. The idea is that a student turns in a story, which is then read and thoughtfully critiqued by everyone in class.[But in my case,] even if the papers were read out loud in class, the discussions were usually brief, as the combination of good manners and complete lack of interest kept most workshop participants from expressing their honest opinions."


Et si vous ne parlez pas anglais, "Je parler français" est toujours là pour vous!

Lire la suite...

jeudi 19 juin 2008

(Restos) Un brunch à la lueur des bougies

Parfois, il faut savoir déchiffrer les recommandations des amis à la manière des annonces des agences immobilières ("appartement adorable au volume original, à rafraîchir" = studio de 20m2 sous le toit à refaire du sol au plafond): c'est ainsi que, dimanche dernier, un "brunch pas cher et sympa dans une ambiance jazzy avec un concert live" s'est transformé en "brunch cheap dans le noir avec musique à la Bob Marley trop forte", ce qui, bien évidemment, cela ne m'a pas empêché de passer un très bon moments avec des amis et de faire quelques découvertes bien sympathiques dans le 11e ( non, hein, je veux dire vraiment sympathiques, pas comme dans l'annonce).

Apparemment, tout le monde a plus ou moins entendu parler du Réservoir. Pourtant, c'est étrange lorsque en arrivant, un à un, tous vos copains vous disent "Je pensais que c'était l'autre Réservoir!" (ça commence bien). En fait, je crois bien qu'il n'existe pas d'autre Réservoir (que celui qui veut se battre contre PagesJaunes et Google se manifeste dans les commentaires de ce post). L'ambiance est certes intéressante mais vous met un peu mal à l'aise: l'endroit est pratiquement plongé dans le noir (étrange pour un brunch), la musique est relativement forte (et pas live - la scène est vide), la déco est... euh... comment dire... originale mais de mauvais goût (un mélange de fauteuils-trônes en velvet rouge avec des fauteuils léopard, et, je crois, des élements de forgerie). L'endroit est vide (il est 11h30) mais on vous dit que tout est réservé (il est 11h30!!): on veut bien vous trouver une table pour quatre mais il faudra la libérer à 14h15. Aucun problème, qui veut passer plus d'une heure et demie dans le noir alors qu'il fait beau ne pleut pas dehors?

La table: c'est self service (ça je le savais) avec une formule unique à 23€. En boissons, nous avons: deux bidons avec un petit robinet en bas, identifiés plus tard comme "café" et "eau bouillante" (+ sachés de thé Lipton, Twinnings Mandarine et Twinnings menthe), ainsi que des dizaines de petits pichets remplis de boisson couleur orange(atre), faite avec du concentré de jus d'orange où l'on a ajouté trop d'eau (mais pas assez pour faire passer l'arrière-goût du concentré). Pour la nourriture, ce sera salade de pâtes, chickens wings (enfin, pas wings, mais les petites pattes, vous voyez), pommes de terre, oeufs brouillés, légumes (bons mais baignants dans l'huile), bacon et petites saucisses, ainsi que des gros dés de saumon (fumé, pensais-je, mais non, le saumon était cru) et, bien évidemment, des viennoiseries (froides). En dessert, on a eu le choix entre brownie, un dessert non-identifié avec une crème au chocolat, pancakes (froids) avec du maple syrup (dans un gros flacon "format Lidl famille nombreuse"), un énorme bol de yaourt qui plus tard sera identifié (mais ce sera trop tard) comme de la crème fraiche 70% de matière grasse. Voilà voilà voilà.

Quant au fameux "concert jazz live", à 13h, un jeune homme aux airs de Bob Marley sort sur la scène gratouiller la guitare (mais on n'entend pas ce qu'il chante, le micro ne marche pas), puis part, puis revient faire encore quelques notes... A 13h15, quand on se dit qu'on ne tient plus et qu'on a trop envie d'aller se promener, le concert n'a toujours pas commencé.

En revanche, en sortant, nous sommes tombés sur un charmant jeune homme qui nous a invités à monter voir les ateliers situés à l'étage - c'était la fête des artisans de la rue ce jour-là. Nous sommes montés et avons découvert des espaces d'atelier fantastiques (avec quelques jolies choses à voir)! En parlant avec une fille qui y fait de la tapisserie, nous avons appris que la rue de la Forge Royale et le 11e arrondissement en général avaient été auparavant des quartiers d'artisans (menuisiers, tapissiers, etc.) qui, devant la montée des prix de l'immobilier, ont dû vendre leurs magasins à des marques de vêtements (entre autres) et ce sont retrouvés coincés dans les étages, sans pignon sur rue. Ils sont pourtant bien là, mais n'ont plus aucun moyen d'attirer des gens qui pourraient apprécier leur travail. Cette fête était donc organisée par la petite association fondée il y a deux ans pour promouvoir le travail des artisans du coin. Si vous y passez (dans le coin), n'hésitez pas à monter, c'est toujours ouvert (l'entrée des ateliers que nous avons visités se trouve juste à gauche du Réservoir, mais il paraît qu'il y en a plein d'autres!).

Une autre découverte, c'est un bar-restaurant (fermé dimanche matin, mais qu'on a bien vu de l'extérieur) qui s'appelle "La machine à écrire" (80, rue de Charonne) - quelques anciennes machines à écrire décorent l'intérieur, et l'ambiance paraît géniale même quand c'est vide (c'est rare). Renseignements pris, ce serait un ancien atelier de machines à écrire devenu un café littéraire, ambiance papier peint créé par deux artistes berlinois et mobilier récup. (voir les avis sur Cityvox). Il paraît qu'ils organisent aussi des expos. Si vous l'avez essayé, dites-moi ce que vous en avez pensé!

Sinon, j'ai trouvé quelques autres bonnes adresses brunch/bar dans le 11 que vous pouvez consulter ici.

Lire la suite...

mercredi 18 juin 2008

(Ciné) Sparrow de Johnnie To: un bijou de l'humour asiatique

D'habitude, on attend des films asiatiques des règlements de comptes sanglants ou bien des histoires d'amour délicates et comme suspendues dans le temps. Si on peut contester l'exaustivité de cette mini-liste, on peut en revanche affirmer avec plus de certitude ce qu'on attend le moins d'un film asiatique: de l'humour. Sparrow, le dernier film de Johnnie To est en ce sens un vrai ovni du cinéma asiatique, un film léger et drôle où les comptes se règlent sans verser une goutte de sang et où la seule vraie histoire d'amour, c'est celle entre Johnnie To et la ville de Hong Kong, embrumée et pluvieuse - tout le reste n'est qu'une partie de poker menteur.

L'histoire. Si on veut la résumer en deux mots, c'est celle de l'arroseur arrosé. Quatre frères-pickpockets travaillent paisiblement dans un quartier de Hong Kong quand, tout à coup, leur vie est perturbée par l'apparition d'une très jolie jeune fille qui leur demande de l'aider. S'en suit une aventure succulente à la limite de l'absurde. Qui escroque qui?

--bande-annonce--


--

La réalisation, très stylisée, donne de l'élan à cette histoire inhabituelle pour le cinéma asiatique mais bien connue du cinéma occidental (voir "L'arroseur arrosé" des frères Lumières (1896) ici, sans parler des films de Lubitsch, par exemple). La mise en scène rétro, ponctuée par des photos noir&blanc à nous rendre nostalgiques, est tout simplement brillante. Découvrir Hong Kong à vélo, à la poursuite d'une jolie fille, un appareil photo à la main, qu'y a-t-il de plus réjouissant?

Le casting est particulièrement réussi, avec quatre personnages très différents et attachants (dont Simon Yam, un habitué des films de Johnnie To). On y retrouve aussi Kelly Lin (que vous avez peut-être aperçue dans Boarding Gate d'Olivier Assayas), parfaite! Cela fait longtemps qu'on n'a pas vu une fille courir dans la rue avec autant de sens. (oui oui, j'ai bien dit ce que je voulais dire).


La bande-son est la pierre angulaire qui fait tenir l'ensemble de l'édifice (très bien monté par ailleurs). Créée par un compositeur français, Xavier Jamaux (né en 1968), elle se veut ancrée dans les comédies américaines des années 1960, et se base sur la mélodique chinoise à la fois bien jazzy à l'européenne - "easy chic" comme la qualifie l'auteur. En tout cas, elle accompagne le film avec un naturel et un humour que l'on a vite envie de retrouver à la sortie de la salle! Vous pouvez en entendre quelques morceaux sur le site d'Amazon (cliquez sur l'image à droite, puis, dans la tracklist, sur "Ecouter tous les morceaux).

Faut-il aller voir ce film? Absolument! Non seulement parce qu'il n'y a pratiquement plus rien à voir parmi les nouvelles sorties, mais simplement parce que c'est un très bon film qui vous fera découvrir une nouvelle facette du cinéma asiatique. Au fait, "sparrow", ça veut dire "moineau".

Lire la suite...

mardi 17 juin 2008

(Théâtre) Figaro divorce à la Comédie Française

Soirée spontanée et spectaculaire hier à la Comédie Française où j'ai vu la pièce "Figaro divorce" d'Ödön von Horváth (oui, je sais). Comme quoi, on n'est pas obligé d'attendre le samedi soir pour aller au théâtre - non mais, franchement, dites-moi: qu'avez-vous fait hier soir de si particulier et qui vous a empêché d'aller au théâtre? Et bien voilà, hier, mue par l'absence de réponse valable à cette question et après avoir pris un verre avec un copain place Colette, je passe à la caisse de la Comédie Française où le guichetier me file allègrement deux billets à 5 euros (il était au téléphone et n'avait absolument pas entendu les protestations dudit copain qui comptait me planter et aller végéter tranquillement chez lui devant la téloche). Bref, nous voilà avec deux billets pour le divorce de Figaro, 10 minutes avant le début de la représentation. Que diable, pourquoi pas? Une sortie au théâtre, ça n'a jamais tué personne, et puis, pour cinq euros, si jamais c'est mauvais, on peut toujours se barrer et aller regarder le match Pologne-Croatie (trop cool).

Qu'en est-il de la pièce justement? Comme vous l'avez peut-être deviné (ou entendu chez Claire Chazal), il s'agit d'un sequel de Figaro (après le Barbier de Séville où le comte Almaviva épouse Rosine, et le Mariage de Figaro où Figaro épouse Susanne) - mais, cette fois-ci, ce n'est pas de Beaumarchais, mais d'Ödön von Horváth, et personne n'épouse personne. Ici, je ne peux pas m'empêcher de raconter le destin tragique de von Horvath. Né en Croatie, de nationalité hongroise, élevé entre Belgrade, Budapest, Bratislava et Munich, écrivant et pensant en allemand, von Horvath fut un pur produit de l'empire austro-hongrois. Après l'arrivée des nazis au pouvoir, son oeuvre est frappée d'interdiction totale dans les théâtres et les librairies. En 1936, commence une longue errance en Europe qui se termine en 1938 à Paris... Mais non, pas du tout de la manière que l'on pourrait s'imaginer. Le 1er juin 1938, en sortant du Théâtre Marigny où il venait d'assister à une projection de Blanche-Neige de Walt Disney, von Horvath meurt... écrasé par la branche d'un platane arrachée par une tempête. Je sais, c'est tragique, mais on s'est tapé un gros fou rire quand même.

En tout cas, cette biographie illustre parfaitement ce qu'est la pièce: une errance tragique dans une Europe qui ne ressemble plus à elle-même, une vraie tragi-comédie comme on n'en fait plus. Après la Révolution Française, le comte et la comtesse Almaviva fuient la France, et Figaro et Susanne les suivent dans l'exil. Mais les affaires vont de mal en pire, l'argent finit, et Figaro et Susanne quittent leurs maîtres pour s'installer dans une petite ville de province où ils rachètent un salon de coiffure. Mais on ne peut pas y être accepté quand on est "divorcé et étranger", et les héros repartent de nouveau - chacun de son côté cette fois-ci. Les chemins des quatre personnages (ainsi que des personnages que l'on connaît du Mariage de Figaro - Cherubin (devenu barman), Franchette, Antonio...) s'entrecroisent dans ce que l'on identifie comme l'Europe post-1ère Guerre mondiale. Von Horvath livre ici une réflexion sensible sur l'immigration, le sort de l'étranger ("l'immigré ne peut pas se sentir chez soi, car il avait une patrie et il l'a trahie!"), les rapports humains de plus en plus difficiles dans un monde où le passé n'a plus aucune prise sur l'avenir et dont les débris encombrent le présent.

J'ai beaucoup aimé la mise en scène de Jacques Lassalle: même si le dispositif tournant en rond et montrant tour à tour différents intérieurs a déjà utilisé maintes fois, ici il trouve toute sa place pour illustrer une histoire qui se poursuit dans plusieurs dimensions (géographiquement et chronologiquement parlant). Bien que la pièce peine un peu à démarrer, le deuxième acte est absolument génial, avec une génialissime scène à la ligue internationale d'aide aux immigrés, puis celle dans un bar (berlinois?), aux lumières sublimes. La musique qui accompagne la pièce nous aide à sauter le pas du 18e siècle au 20e dans un mélange de Mozart, de jazz et de la musique de variétés des années '30.

Figaro divorce est une pièce chorale où aucun interprète ne tire la couverture sur soi, on y ressent un bel esprit de troupe. Quelques seconds rôles méritent des compliments, notamment la Juriste de Loïc Corbery et Denis Podalydès en Pédrille.

La pièce sera donnée jusqu'au 19 juillet cette saison, et sera reprise à partir du 18 décembre la saison 2008/2009. Vraiment, n'hésitez pas à y aller, c'est une vraie honte pour le public parisien qu'un tel spectacle ne fasse pas salle pleine (c'est loin d'être vide, mais il reste quand même pas mal de places). Si vous y allez en semaine, vous avez toutes les chances de ne payer que cinq euros et une grande possibilité de pouvoir vous déplacer vers une meilleure place (les places à 5€ sont vendues une heure avant le spectacle et jusqu'au lever du rideau).

En pratique:
La Comédie Française
Salle Richelieu - place Colette 75001
Matinée (14h) et soirée (20h30)

Lire la suite...

dimanche 15 juin 2008

(Expos) Illuminations de Saul Steinberg à la Fondation Cartier-Bresson

Récemment, une amie m'a prise au dépourvu avec une question inattendue: "Quel est ton musée préféré à Paris?" Quelqu'un vous a déjà demandé quel était votre musée? Pas le musée que vous trouvez bien, ou qui fait des expos pas mal, ou qui est joli de l'extérieur... Mais "votre" musée, celui où vous vous sentez bien voire chez vous, celui où vous aimez aller même s'il n'y a rien de particulier à voir... J'avais avancé le Centre Pompidou, sans grande conviction, et puis j'ai arrêté d'y penser. Et voilà qu'hier, tout à coup, j'au eu la réponse à la question que je ne me posais pas: mon musée, c'est la Fondation Cartier-Bresson. Oui, on peut chipoter, c'est une galerie de photo... Mais si l'on parle de lieu, d'atmosphère, du choix des artistes, de l'accueil, du quartier - sans hésitations, c'est elle!

L'exposition qui est à l'origine de cette grande révélation est celle consacrée à Saul Steinberg, l'illustre illustrateur, photographe, artiste, et grand ami de Cartier-Bresson. Intitulée "Illuminations", cette rétrospective voyage dans le monde depuis voilà deux ans; Paris est sa première escale européenne. Je ne connaissais pas Saul Steinberg, et j'ai découvert un artiste intéressant qui a construit autour de lui un monde particulier où toute chose, tout sentiment, toute différence peut transparaître à travers un seul coup de plume sur le papier. Le dessin "A view of the world from 9th avenue" (ci-dessus - cliquez sur la photo pour la voir en grand) est probablement l'un des plus connus et reproduits de Saul Steinberg qui a travaillé pendant de nombreuses années pour la revue The New Yorker. Mais mon préféré est probablement "Techniques at a party" (1953) où différentes techniques de dessin sont employées pour montrer les différences entre les gens dans un cocktail new-yorkais (à droite).

D'une apparence simple et sans prétention, ces dessins sont à chaque fois révélateurs d'un phénomène de société, d'un mode de pensée, d'un stéréotype. Et à chaque fois, il y a un certain laps de temps qui s'écoule entre le moment où l'on contemple le dessin pour lui-même et le moment où l'on comprend ce qui se trouve derrière: une histoire. Car, pour moi, Saul Steinberg est avant tout un écrivain de l'ombre: derrière chacune de ses œuvres se cache l'histoire d'une vie, d'un pays, d'une famille, d'un objet, d'une idée - et, en regardant le dessin, nous sommes capables, comme par miracle, de la reconstituer et de nous la raconter - comme quand nous lisons un livre en s'imaginant de quoi ont l'air les personnages et leurs maisons.

Parmi les histoires racontées par Steinberg, la sienne revient souvent: celle d'un juif roumain, fils de fabricant de boîtes d'emballages kitsch ornées de copies d'œuvres d'art, ayant étudié en Italie puis traversé le monde en 1941, fuyant le fascisme, de Saint-Domingue à New-York. On y retrouve alors, avec une constance obsessionnelle, des motifs de visas, de passeports, de diplômes, de faux tampons, mais aussi des collages (seul héritage de son père sera le goût pour ces images découpées et collées avec malice sur un dessin); des personnages d'enfance - comme les deux héros de l'Angélus de Millet, dont il reprend les silhouettes penchées en prière pour en faire un tampon qu'il apposera ensuite sur ses nouveaux souvenirs, des cartes postales avec des paysages d'Amérique. On y retrouve aussi des annuaires téléphoniques des endroits où il a vécu ou voyagé - Londres, Samarkand... Mais aussi des livres qu'il a lus (comme ce volume de Dostoïevsky en roumain), recréés en bois et soigneusement rangés dans un secrétaire fantôme. Un univers touchant et bavard, rempli de petits objets et de personnages que l'on ne se lasse pas d'observer.

Puis, on arrive au 3e étage, celui qui ne change jamais: face à une baie vitrée, trois fauteuils de Le Corbusier sont disposés autour d'une table basse avec des albums photos, la salle est inondée de lumière. Sur les murs, des photos de Cartier-Bresson, toujours les mêmes; son vieux Leica trône dans une vitrine. Je suis chez moi.


En pratique:

La Fondation Cartier-Bresson
2 impasse Lebouis
75014 Paris

Pour en savoir plus: le site de la Fondation Saul Steinberg. Un bel article dans le New York Times.

Lire la suite...

samedi 14 juin 2008

(A Paris) Des touristes russes ou un coup de fouet à l'économie française



J'explose littéralement de fierté nationale. On a encore gagné! Non, pas l'Euro 2008 (c'est toujours pas fini), pas l'Eurovision, pas la coupe UEFA... Mais on a gagné quelques places au classement des touristes qui dépensent le plus à Paris! Selon ce classement, établi par Global Refund, l'entreprise chargée de rembourser la TVA sur les achats de plus de 175 euros par jour et par magasin, les touristes russes se sont hissés à la deuxième place des dépenses avec un "panier moyen" (je rêve de voir un de ces touristes nouveaux-riches déambulant chez Louis Vuitton avec un panier en osier) de 1231€, juste derrière les touristes d'Arabie Saoudite (1500€). Vous remarquerez comment on retrouve la cartographie des puis de pétrole, c'est génial. Les Russes devancent donc Hong Kong, Taiwan, la Chine, les US, le Japon, le Brésil, la Corée et le Maroc. Je précise pour ceux qui n'auraient pas bien lu ce paragraphe, que ce montant n'inclut pas les dépenses d'hôtel, de nourriture, de transports, ainsi que les dépenses de moins de 175€ (donc, pas ceux qui achètent chez H&M).


Ce qui est intéressant, c'est de rapprocher ces chiffres qui font chaud au coeur avec ce que l'Office de Tourisme parisien appelle, de façon très sexy, "arrivées hôtelières étrangères" (en gros, le nombre de touristes dans les hôtels parisiens par pays). Parce que ce palmarès-là n'a mais rien à voir avec le précédent! On y trouve, dans l'ordre, le UK, les US, l'Italie, l'Espagne et le Japon, l'Allemagne, la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas et "Proche et Moyen Orient" (visiblement, lui aussi un pays pour l'Office du Tourisme). En activant un peu nos méninges, on comprend vite que des 10 pays aux touristes les plus enclins à jeter l'argent par les fenêtres seuls deux (les US et le Japon) figurent parmi les pays d'où provient la majorité des touristes! La conclusion limpidissime s'impose: les Russes sont non seulement riches, ils sont atrocement riches. En plus, il faut séparer le "panier moyen" en deux groupes - d'un côté, celui des touristes à l'ancienne, mus par le slogan "Voir Paris et mourir" (la vieille intelligentsia ainsi que les provinciaux qui font le voyage jusqu'à Paris en bus), et, de l'autre, le petit groupe de la jet-set russe très branchée ASmallWorld ("J'avais trop froid à Milan, je me suis acheté un vison").

Bref, tout ça pour vous dire que bientôt on va peut-être enfin arrêter de tomber sur des vendeuses japonaises chez Pierre Hermé & Co (oui, celles qui organisent une queue de 30 minutes pour acheter deux pauvres macarons) pour se retrouver... face à des vendeuses russes (les agences de rencontres franco-russes risquent de voir leur chiffre d'affaires chuter). Je ne suis pas sûre que l'on gagne au change, mais je trouve la tendance amusante à suivre. Au final, pour vous et moi, ce ne sera peut-être pas si grave. En revanche, pensez à ces pauvres russes qui ont leur HQ à Paris et leurs femmes qui apprennent le français: comme me disait l'une d'entre elles, "C'est horrible, je n'utilise jamais mon français, dans toutes les boutiques où je vais on me parle en russe, comment voulez-vous que je l'améliore!" Pauvre chou.

Lire la suite...

vendredi 13 juin 2008

(Livres) La Corde et la Pierre des frères Vaïner

Arkadi et Gueorgui Vaïner sont de frères écrivains qui, dans les années '70, fournissaient tout l'URSS en polars. Des polars bien honnêtes et bien ficelés, car l'un des deux fut écrivain, et l'autre fut juge d'instruction (et que leurs romans étaient bien évidemment relus par leurs collègues bien documentés). La Corde et la Pierre est un polar, lui aussi, mais un polar bien particulier.

Tout d'abord, c'est un polar historique où l'on recherche les coupables d'un meurtre survenu trente ans auparavant (1938). Puis, le meurtre en lui-même: celui de Solomon Mikhoels, grand acteur et metteur en scène, fondateur du théâtre juif d'Etat et président du comité juif antifasciste - ce meurtre annonçait les grands procès antisémites de Staline. Question juive, donc. Un sujet épineux dans les années 1970 où fut écrit le roman. Mais surtout, La Corde et la Pierre est une dénonciation de la misère morale et matérielle de l'homme soviétique, de son existence petite et humiliée, des méthodes du parti et du KGB. Une vraie encyclopédie de la vie des années 1970, un roman noir - pas tant par les meurtres qui y sont décrits, mais par l'atmosphère qui y règne.

Ce qui me passionne surtout ici c'est cette petite "évasion littéraire" qu'on commise les frères Vaïner avec ce roman qui, écrit en 1975, ne fut publié qu'après la perestroïka. Comme "Vie et Destin" de Grossman, il a traversé les années de marasme socialiste sur des microfilms, et n'avait jamais été montré à personne. Ceci explique à la fois ses qualités et ses défauts: un vrai journal d'un écrivain désespéré dans la Moscou des années 1970, le roman transmet parfaitement l'ambiance de l'époque, restée complètement intacte grâce à cette conservation "façon Pompéï" (ou "façon Tchernobyl", si vous préférez - à l'époque, les gens avaient déserté la ville laissant leurs appartements, leurs vêtements, leurs pots et casseroles - ce qui fait que maintenant certains malins font du "tourisme" à Tchernobyl pour voir le quotidien soviétique conservé en l'état... mais je divague). Les défauts sont également dus à la façon dont le roman fut écrit - en secret, sans relecture. Il est parfois trop verbeux et se perd en vapeurs éthyliques et questionnements stériles trop répétitifs: il manque clairement un "final cut", ce qui fait qu'à un moment on commence à tourner en rond et à tourner les pages à une rapidité incroyable. Si je me souviens bien, l'investigation du meurtre en soi commence vers la 300e page.

Il n'empêche que l'histoire est intéressante, et puis ça permet aussi de découvrir un peu la personnalité de Solomon Mikhoels, malheureusement très peu connu en Europe! D'ailleurs, Bac Films a ressorti en DVD quelques films avec sa participation (dans la collection "Les chefs-d'oeuvre du cinéma russe"), ce sont des films des années 1920-1930 et je trouve ça génial!


Lire la suite...

mercredi 11 juin 2008

(Gourmandises) Un thé au Train Bleu: Art Nouveau et décadence

© Le Train Bleu


C'est un vrai moment de décadence parisienne qu'un thé au Train Bleu. Le Train Bleu est une des plus belles brasseries 1900 parisiennes (j'y ajouterais également le Bouillon Racine et la Fermette Marbeuf). Situé au premier étage de la Gare de Lyon (face aux trains en départ), Le Train Bleu était autrefois le Buffet de la gare de Lyon, inauguré le 7 avril 1901 par le Président de la République Emile Loubet (quand même!). Si vous vous souvenez, c'était l'époque de l'Exposition Universelle 1900 - une des plus connues et certainement la plus populaire - dont nous avons également hérité le Grand et le Petit Palais ainsi que le Pont Alexandre III, mais aussi la Gare d'Orsay et la première ligne du métro (la une). Le style Art Nouveau fait désormais partie de Paris...

En fait, je suis allée au Train Bleu pour un dîner, mais j'avoue que je trouve l'endroit bien trop cher pour ce qu'il offre! Dans le même esprit, je préfère mille fois le Bouillon Racine. N'hésitez pas à aller au Train Bleu pour manger de la viande (comme dans n'importe quelle brasserie, au fond), mais à part la viande la cuisine n'est pas très fine bien que plutôt honnête. Les prix tournent autour de 25-30€ le plat (et 115€ pour un turbot à deux!). Bien évidemment, à l'heure du thé c'est trop cher aussi (8,50€ un thé, 4,60€ un espresso, 13€ pour un dessert), mais la déco vaut le prix. Considérez ça comme le prix d'entrée dans un musée... ;-)

Et vous, avez-vous des adresses Art Nouveau à partager?

En pratique:
Le Train Bleu
Gare de Lyon, niveau 1
Tel 01 44 75 76 76

Lire la suite...

lundi 9 juin 2008

(Ciné) Sex and the City, le film et la déception

Que dire? Comme 99% des filles, j'adore Sex and the City. La série, j'entends - regardée uniquement en anglais (quel snobisme inouï!) et savourée jusqu'à la dernière réplique... Sauf que voilà, j'ai vu le film... et je crois qu'il a réussi à prouver ce que je ne voulais pas admettre: les quatres filles vont vieillir, et viellir mal. Habillées en grandes marques, certes, mais bien seules au milieu de tout ce luxe botoxé où les sentiments paraissent faux et où le vrai amour se trouve dans un grand placard à chaussures sur la 5e avenue.

Il est dur de définir ce qu'on aimait tant chez SATC de son vivant... Il est nettement plus facile de dire ce qu'on n'aime pas dans le film! De façon globale, j'avais l'impression que les scénaristes ont subi une lobotomie, en perdant tout à coup tout leur humour au profit du mélodrame lacrimonieux et pathétique. Car le problème principal, c'est bien ça: "Why all the drama?" Le film reprend ce qu'il y avait de pire dans la sixième saison - larmes, grands déchirements et drames de toute sorte, sans une once d'ironie. Le tout pendant 2h30: le temps m'aurait paru long si je n'étais pas accompagnée d'une amie maîtrisant le grand art du sarcasme. Bien évidemment, je n'ai absolument rien contre les films sur l'amour, l'amitié et divers malheurs qui peuvent arriver à une jeune fille de 40-50 ans. Mais dans ce cas-là, j'attends quand même un minimum de profondeur, alors qu'ici, les caractères sont à peine développés, l'amitié ne se manifeste qu'en hurlements hystériques à la vue des copines, et sa profondeur se mesure parfaitement avec une facture d'un sac Louis Vuitton. Pour justifier devant le public les 87 changements de robe pour Carrie Bradshaw et les 183 produits cités (certains épisodes ont été filmés dans l'unique but de réunir Oscar de la Renta, Dior et Christian Lacroix dans la même phrase), il aurait fallu au moins l'amuser avec du bon vieux SATC pour lequel il est venu...

La bonne chose, c'est que le film est ce que les Américains appellent "closure": cette dernière rencontre que vous devez avoir après une rupture amoureuse, celle qui "clot" une relation et apporte le point final. Sex and the City, le film en fut un pour moi. It really is the end of an era.

Et vous, qu'en avez-vous pensé?



Illustration: David Hughes pour le New Yorker.

Lire la suite...

jeudi 5 juin 2008

(A Paris) Les joies du Power Breakfast


Aujourd'hui, je vous parle d'un nouveau concept élaboré par moi-même et implémenté par... moi-même et mon amie R. Il s'agit de (roulement de tambours) Power Breakfast!

L'idée est simplissime: au lieu de gober tristement vos müesli (yaourt/croissant surgelé picard/tout ce qu'on trouve dans le frigo, c'est-à-dire pas grand chose) seul(e) dans la cuisine et de commencer votre journée en
- pensant à la journée de travail qui vous attend
- en lisant un catalogue La Redoute ou le journal de la Mairie de Paris glissé sous votre porte
- en écoutant les nouvelles sur toutes les catastrophes qui ont pu survenir dans le monde pendant que vous dormiez
- en ratant son réveil (de toute façon, vous ne dormirez jamais assez, autant se réveiller à l'heure)

vous
1) trouvez un copain/une copine qui habite à côté de chez-vous/de votre bureau;
2) y trouvez un café/bar sympa (avec une terrasse de préférence);
3) mettez deux mois à convaincre votre copain/copine que si, prendre le petit-déj ensemble à 8h du matin, c'est trop de la balle;
4) sautez le pas (il faut le faire un jour de semaine, sinon ça marche pas!)

Résultat: c'est comme un apéro, mais le matin! Ca vous donne la pêche, vous avez l'impression d'avoir (déjà) passé une bonne journée avant d'arriver au bureau; en plus, vous buvez un vrai bon café, savourez jusqu'à la dernière miette un croissant bien croustillant (ou alors un pain aux raisins?), prenez un vrai jus d'orange frais (quand est-ce que vous avez pressé une orange pour la dernière fois, honnêtement?) et, accessoirement, "profitez de Paris". Ah, cette phrase qui tue, "profitez de Paris", c'est devenu une injonction du même ordre que "soyez vous-même" (ou le bonheur d'être soi). Mais, malgré les allures de couv' de "Psychologies", "profiter de Paris", quand on travaille dans un bureau fermé sans vue/vue sur le collègue de bureau/vue sur une mocheté pas possible, c'est tout de même génial...

Et le meilleur, le meilleur, c'est que vous n'avez même pas besoin de vous réveiller plus tôt! Si si, faites un essai. Quand vous avez un rendez-vous agréable le matin, et en plus, n'avez pas besoin de préparer et manger le petit-déjeuner à la maison (ce qui revient à ça: faire marcher la machine à café/théière/bouilloire/nespresso (*sigh* George Clooney mais pourquoi n'ai-je pas de Nespresso?)/zut j'ai plus de tasses propres j'en lave une ou j'utilise une sale?/est-ce que je range maintenant ou ce soir?/merde j'ai laissé tomber par terre le yaourt/versé le jus d'orange dans le thé (ça peut être long, un petit-déjeuner à la maison), et bien, vous êtes prêt(e) en 20 minutes. Non mais je vous jure.

Pour vous donner envie et des idées, je vous invite chaudement à consulter ces deux sites:

Simply Breakfast

Paris Breakfasts

A vous!

Lire la suite...

mercredi 4 juin 2008

(Expos) Image révélée / Daguerréotype français au Musée d'Orsay

Auguste Belloc Femme nue devant un miroir © Musée d'Orsay, dist. RMN / © Patrice Schmidt

Nouvelle exposition photo au Musée d'Orsay, qui, cette année, est devenu ma galerie photo préférée tellement leurs expos sont bien faites! Cette fois-ci, le Musée d'Orsay fait de deux pierres un coup avec deux expositions consacrées aux débuts de la photographie: Image révélée (premières photographies sur papier en Grande-Bretagne 1840-1860) et le Daguerréotype français (cette dernière est en fait un réaccrochage des meilleurs daguerréotypes des collections du Musée d'Orsay). Bien que le réaccrochage m'ait paru presque plus intéressant que l'exposition elle-même, les deux valent largement la visite!

Jean-Baptiste Sabatier-Blot
Fillette assise tenant un cerceau
© Musée d'Orsay, dist. RMN / © Patrice Schmidt
Le Daguerréotype français. Depuis son invention à la fin des années 1830, le daguerréotype a suivi le chemin que toute invention pourrait lui envier. D'abord jouet onéreux des aristocrates excentriques s'amusant à immortaliser leurs châteaux familiaux, le daguerréotype bénéficie très tôt d'une décision intelligente (pour une fois) du gouvernement: à l'instigation d'Arago, l'État français acquiert le nouveau procédé contre une pension annuelle à Daguerre et au fils de Nicéphore Niépce. L'invention tombe alors dans le domaine public et se démocratise: se faire un portrait devient désormais accessible à une grande majorité, les ateliers de photo se multiplient. Le daguerréotype est vite utilisé par les peintres, qui s'y appuient pour avoir des photos de modèles (objets, animaux) d'après lesquelles ils dessinent ensuite. Une section est consacrée aux portraits - on est ravi d'y découvrir un excellent portrait d'Alexandre Dumas-père, assis en tailleur, avec un gilet craquant sous la pression de la chair clairement bien entretenue, ou encore un très beau portrait d'Haussmann. C'est extraordinaire de découvrir une époque que l'on connaît davantage à travers des peintures et des romans... Tout à coup, on découvre des visages contemporains, presque familiers - et cette proximité créée par un art nouveau-né est saisissante, car c'est celle qui définit notre rapport au monde aujourd'hui. Comme j'ai déjà dit, l'exposition est un vrai travail de joaillier: grâce à un jeu astucieux de spots fixés au plafond, les photos sont parfaitement éclairées et, malgré leur petite taille, semblent "sortir" des murs avec une force rare - on a l'impression d'avoir été derrière l'épaule du photographe lorsque celui-ci a pris la photo.

William Fox Talbot
The Haystack
© The RPS Collection at the National Media Museum, Bradford

L'image révélée. L'exposition pour laquelle le Musée d'Orsay avait décidé de ressortir ses meilleurs daguerrotypes, c'est celle-ci. Comme vous le savez peut-être, les années 1830-1860 ont connu de nombreuses inventions photographiques dans plusieurs pays, dont certaines ont traversé des frontières (comme le daguerréotype), tandis que d'autres sont restées cantonnées à une seule région. Tel fut le sort du calotype (du grec "belle image") de William Fox Talbot, qui fit l'erreur de déposer un brevet sur ce prodigieux procédé, protection qui limita la diffusion du calotype en dehors de la Grande Bretagne.

Les oeuvres présentées ne manquent pas d'intérêt pour autant car grâce à cet "isolement" involontaire elles exhalent un extrait pur, la quintessence de l'Angleterre de l'époque. Les paysages (les anglais sont fascinés par la nature, les vieux arbres, les ruines,
Roger Fenton
Dômes du Kremlin

© National Gallery of Art, Washington

les granges à foin et autres meules, les bateaux et les rochers austères) et les personnages romanesques sont enveloppés par une sorte de brume couleur sépia assez particulière, au grain fin et désuet qui nous transporte à l'époque de Charlotte et Emily Brontë. Il est vrai que, à la vue d'un dixième tronc d'arbre aux allures d'Hurlevent, on en a un peu marre. C'est là que commence la partie de l'exposition consacrée à une autre invention anglaise - Le Grand Tour (vous savez, ce grand voyage européen que les jeunes aristocrates effectuaient après avoir terminé leurs études et avant d'entamer une brillante carrière) et le voyage exotique en tout genre. Des dômes du Kremlin à ceux du Taj Mahal, le regard glisse avec un détachement étonnant, tant le calotype introduit de la distance là où le daguerréotype faisait irruption dans l'intimité et la proximité.

Pour terminer, un petit tour à l'expo Lovis Corinth (vraiment pas terrible à mon humble avis), et voilà, vous avez terminé votre saison 2007-2008 du Musée d'Orsay, rendez-vous l'année prochaine! Ne ratez pas les spectacles de la série Chat Noir à l'auditorium la semaine prochaine :-)
Enfin, une bonne nouvelle de la part du Musée d'Orsay: à partir de septembre, la carte MuséO (carte jeune) sera vendue aux moins de 30 ans! On est donc jeune plus longtemps (encore quatre ans, aaah) - profitez-en! Ca ne coûte que 18 euros (et 15€ si vous avez la carte fidélité de la Fnac).




En pratique
:
Image révélée/Daguerréotype français
Musée d'Orsay
Jusqu'au 7 septembre 2008

Lire la suite...

dimanche 1 juin 2008

(Expos) De l'art et du caviar!

Etrange coïncidence: en ce moment, à Moscou, se termine le Ve Salon International des Beaux Arts et, à Paris, commence bientôt le salon Art Shopping. Pourquoi étrange? Ces deux salons illustrent (de façon appuyée et, dirais-je, presque caricaturale) les deux tendances lourdes du marché de l'art et de l'économie européenne: la démocratisation du concept de "collectionneur d'art" en Europe de l'Ouest et la venue d'une nouvelle génération de russes fortunés assoiffés de "culture". Car, vous voyez, une fois que vous avez acheté un appartement à Moscou, un à Saint-Pétersbourg (pour les week-ends), une maison dans le sud de la France, et puis une en Italie (pour changer), il vient un moment où il faut bien que vous les décoriez.

Petit reportage du salon moscovite. Une fois par an, plus de 80 galeries et maisons d'enchères du monde entier viennent présenter des œuvres d'art et de joaillerie à des clients russes. Une sorte de "vente porte-à-porte" ou "livraison à domicile", si l'on veut - vous savez, quand, dans les provinces éloignées, le colporteur apportaient les dernières "façons de Paris" pour les robes des dames, au XIX siècle. La Russie est toujours aussi loin, et les "dames" sont toujours aussi avides de belles choses. Seulement, on a changé d'échelle. Cette fois-ci, le salon occupe les quatre étages de l'énorme salle d'exposition du Manège, avec un étage consacré à la joaillerie et les autres mêlant peinture, sculpture, meubles, bibelots et autres objets de décor. Promenons-nous dans les salles. Renoir, Picasso, Braque, Monet, l'Ecole de Paris, les peintres russes les plus connus - Somov, Repine...

Les prix rappellent rappellent la vieille blague des années 90: un monsieur regarde le prix dans un magasin et se renseigne auprès de la vendeuse :"Est-ce le prix ou le numéro d'inventaire?" De nombreuses œuvres dépassent les 10 000 000 d'euros. Mais certaines sont tout à fait abordables, comme ce petit paysage de Somov, à 600 000€. "On le prend?" dit le mari à sa femme. "Bof... Tu ne veux quand même pas le mettre dans l'appartement?!" "Alors pour la datcha?" "C'est pas un peu cher, 600 000, pour la datcha?" "Ou alors on le met à la villa de Sardaigne..."
"Et ce Renoir? Combien vaut-il? 1 million 5? Dollars? Ah, vous êtes passés en euros. Ben vous faites bien, vous faites bien. Ceci dit, il n'est pas terrible, ce Renoir" (un assistant en costume trotte derrière ce businessman esthète en notant soigneusement ses propos). "Pourriez-vous me montrer ce bracelet? Oui, celui en diamants. Est-ce que ma carte de fidélité marche chez vous?" - s'inquiète une femme ni jeune ni belle, ressemblant à n'importe quelle vendeuse dans un magasin alimentaire. Il n'est que 16h - l'heure des pauvres. Car, après 18h, place aux gros clients! - pour un accueil VIP. On n'oserait imaginer quels deals se signent à ce moment-là.

Au même moment, à Paris, Londres et d'autres capitales européennes, les organisateurs font des efforts pour rapprocher l'art des clients potentiels. Comme le fameux Art Shopping qui ouvrira ses portes le 6 juin prochain: les prix y vont de 500€ à 5000€ et sont clairement indiqués sur chaque œuvre pour que les visiteurs ne soient pas gênés de le demander aux exposants. Quelle délicatesse. Et quelle bonne idée, car je vous avoue que cette raison a plus d'une fois détourné mon chemin d'une œuvre aperçue dans la vitrine d'une galerie.

Le plus drôle, c'est que le salon de Moscou bénéficie du soutien du programme "Culture morale et spirituelle" destinée aux enfants et aux adolescents, programme élaboré par (et là je cite, car cela ne s'invente pas) "un groupe de travail, avec la bénédiction du Saint Patriarche de Moscou et de toute la Russie Alexy II et conformément à la décision du Premier Festival de la culture spirituelle du 26 janvier 2005, ainsi qu'aux recommandations et aux décisions du Conseil de coordination entre le Ministère de l'Education de Russie et le Patriarcat de l'Eglise Orthodoxe Russe (2003)". Que les enfants en profitent! Elevons leur spiritualité! Le style de la citation n'est pas sans rappeler celui des "règlements" du PC de l'URSS il y a encore 20 ans... Que notre spiritualité a dû baisser depuis, avilie par les biens de consommation occidentaux!

Alors, un pas en avant, deux pas en arrière - mais quelle danse bizarre mènent l'art et l'économie en Europe, sous la baguette de la spiritualité? Un pas en avant pour la spiritualité en Russie, un pas en arrière pour la France avec ce consumérisme ne visant qu'à refourguer le plus d'œuvres possible aux citoyens appauvris par la "valeur travail" qui ne compte plus... Oops... Et si c'était l'inverse? Un saut en arrière pour la Russie, adoptant à grands pas la mentalité rentière à grands renforts d'appels à la spiritualité et l'union de l'Etat et de l'Eglise, et un petit pas en avant pour nous, qui pourrons enfin oser demander: "Ce petit Bouanani, vous pouvez le livrer dans le 91?"

PS: l'œuvre qui illustre ce post est le "Icône-Caviar" de Kosolapov, artiste célèbre appartenant au courant Sots Art. Elle n'était pas à vendre au Salon des Beaux Arts. Un manque d'autodérision?

Lire la suite...