

Et vous, êtes-vous aussi entourés de laideurs immuables et de beautés éphémères?

En deux mots: "It's too much blood, and too much politics, and there is a lemon orchard growing between us". Une fable au bon goût de la limonade sur le droit de la terre en Israël, portée par deux actrices d'exception.
Décidément, depuis deux-trois ans, le cinéma israëlien est plus dynamique que jamais: après les excellents Les Méduses et The Bubble l'année dernière (les grands gagnants de mon palmarès ciné 2007), le Désengagement d'Amos Gitaï il y a quelques semaines, et enfin My Father, My Lord (que j'espère voir très bientôt). Cette fois-ci, Eran Riklis (le réalisateur de La Fiancée Syrienne) nous séduit avec une histoire touchante mais pas niaise sur la société israélienne.
L'histoire: En Cisjordanie, une veuve palestinienne au visage de madone essaye de sauver son verger soudainement devenu une menace pour son nouveau voisin, le ministre de la Défense.
Dis comme ça, le scénario a l'air manichéen; cependant aucune des deux parties n'est caricaturée (ni en bien, ni en mal), et cette structure narrative simplifiée sert de fondement à une fable épurée au rythme oriental. Le film penche davantage vers le portrait que vers le film politique (si on le compare aux films de Gitaï, par exemple): ici, l'histoire est un arrière-plan pour les relations humaines qui se nouent et évoluent devant nos yeux. La complicité entre Salma et Mira, la femme du ministre (Rona Lipaz-Michael, une actrice intéressante, parfaite inconnue de Google, Allociné et autres imdb.com), le sentiment naissant entre Salma et son avocat, les relations entre Mira et son mari, Salma et les amis de son mari défunt nous deviennent plus importants que les "trois pauvres citrons" autour desquels ils se battent.
Petit tour cet après-midi à la Fondation Dubuffet pour une visite de l'exposition consacrée aux voyages de Dubuffet en Algérie (entre 1947 et 1948, au tout début de son œuvre). Faisant partie d'un happy few (comment je me la pète!), j'ai eu droit à une visite guidée faite par Sophie Webel, la directrice de la fondation et commissaire de l'exposition, suivie d'un apéro-champagne dans cet endroit de rêve (la fondation se cache dans un superbe immeuble au fond d'un jardin que l'on ne soupçonnerait jamais venant de l'extérieur - à découvrir absolument).
Un mot sur la Fondation Dubuffet: il s'agit d'une des très rares fondations qui marchent bien en France. Elle bénéficie, grâce à ses diverses activités (expositions, réactualisaiton et édition du catalogue raisonnée, fabrication des sculptures d'après les maquettes de Dubuffet), de près de 700 000 euros budget annuel (avec tout juste 30 000 euros de subventions régionales). Chapeau! Les expositions sont donc assez bien faites (il y en a une à peu près tous les 18 mois), avec de nombreuses œuvres prêtées par des collectionneurs et des galeries en plus de la collection déjà impressionnante de la fondation elle-même (plus de 10% de l'œuvre de Dubuffet, cette dernière comptant près de 10000 pièces).
L'exposition actuelle est consacrée au seul grand voyage (si on ne compte pas le séjour new-yorkais de l'artiste) effectué par Dubuffet en quête d'inspiration... et de chaleur: ne trouvant plus de quoi se chauffer à Paris, en février 1947, Dubuffet et sa femme Lili décident de partir pour Alger. Mais à Alger, il fait froid aussi... il est donc décidé de partir plus au sud, dans le désert. S'en suivront deux autres voyages, de 6 mois et de 2 mois. Dubuffet le prend très au sérieux: avec Lili, il prend des cours d'arabe et ambitionne de pouvoir "peindre en arabe". Il ne parviendra pas à se fondre dans cette culture qui lui est étrangère, mais y trouvera son propre mode d'expression, et une énergie nouvelle (voyez un peu par quoi on peut remplacer le charbon! je m'en inspirerai quand il n'y aura plus de pétrole...)
L'exposition relate ces trois voyages à travers des peintures (gouache, aquarelle), des dessins faits avec des crayons de couleur prêtés par l'instituteur du village, des croquis de voyage, et des lettres. J'avoue de suite que je ne suis pas une grande fan ni connaisseuse de Dubuffet, cependant ces œuvres précoces diffèrent beaucoup de la manière qui a fait connaître Dubuffet, tout en la laissant pressentir. Parmi les procédés qu'utilise l'artiste, un m'a vraiment marquée: celui de la "matière enlevée". Une feuille est peinte entièrement (généralement, il s'agit de l'aquarelle), après quoi la matière, la couleur sont enlevées, et c'est cette action qui fait apparaître le dessin, de manière à ce que chaque trait est en réalité non dessiné, mais révélé. Du point de vue conceptuel, c'est extraordinaire pour quelqu'un qui, justement, découvre un pays, une langue, un paysage, et pour qui ces divers éléments (les étendues de sable, le ciel haut, les chameaux, les touaregs, les scorpions, les palmeraies, les traces de pas) apparaissent peu à peu comme constitutifs de l'univers ambiant.
Plusieurs lettres envoyées par Dubuffet à ses amis sont également présentées. Dieu merci, Dubuffet tapait à la machine, on n'a donc aucun mal à déchiffrer ses phrases longues, nerveuses mais parfaitement maîtrisées et à la chute souvent savoureuse. Doté d'un sens de l'humour un peu neurasthénique (comme il le dit lui-même) mais percutant, Dubuffet décrit ses impressions, et les analyse de façon instantanée; l'effet produit est redoutable. "La galerie (...) marche bien. C'est un fait intéressant de signaler qu'une chose marche bien. A El Goléa c'était différent et on rencontrait très couramment des gens, peu ou sommairement habillés il est vrai, mais dont la mine donnait à penser que leurs affaires marchaient à leur satisfaction, à moins qu'ils aient placé leur satisfaction ailleurs que dans la bonne marche de leurs affaires, ou bien qu'ils aient décidé de passer outre aux questions de satisfaction." (13 mai 1948). Il parvient parfois à capter des détails qui définissent pour lui l'Algérie et, plus généralement, cet autre monde qu'un homme occidental appréhende difficilement. Cela m'arrive très rarement de lire les lettres qu'on trouve souvent dans des expositions, mais celles de Dubuffet valent presque ses peintures!
Faut-il voir cette exposition? Malgré mon ignorance presque totale, j'ai trouvé cette exposition extrêmement intéressante, tant pour les œuvres qu'elle fait découvrir que pour le personnage qu'elle révèle. Je ne la recommanderai pas à ceux qui ont tendance à dire "mon petit neveu dessine mieux" devant l'art brut - c'est probablement vrai dans la forme (bien que, comme beaucoup de peintres du XXe siècle, Dubuffet a fait des dessins tout à fait académiques dans sa jeunesse), mais il faut pouvoir passer outre pour apprécier le concept qui est derrière. Attention, l'exposition se termine le 30 avril, vous n'avez plus que lundi, mardi et mercredi pour venir la voir!
En pratique:
Fondation Dubuffet
137 rue de Sèvres, Paris 6°
Métro Duroc
Tél. 33 (0) 1 47 34 12 63
du lundi au vendredi de 14h à 18h.
Pas trop de nouvelles culturelles ni gastronomiques aujourd'hui, mais un petit gadget pour vous amuser (au bureau): le Traveler IQ! Je l'ai découvert il y a un bon bout de temps sur Facebook, c'était assez marrant de faire des batailles entre amis.
Le principe. On vous pose une question sur la situation géographique d'un endroit célèbre, d'une capitale ou d'une ville dans le monde. Où se trouve Naples? Le Machu Pichu? Le Pearl Harbor? Il s'agit de placer la fléchette sur la carte au plus près de l'endroit. N'ayez pas peur, ils sont plutôt gentils, quand vous êtes à 1192km d'un endroit, ils vous disent "Wow, that was pretty close!" ou "You almost nailed this one". Par contre, quand vous en êtes à 6000km, on vous lance un "This is Earth. You know that, right?" un brin moqueur. Je trouve ça génial, ça permet de se rendre enfin compte que le monde n'est pas petit, c'est juste l'Europe, et que, par conséquence, il ne suffit pas de savoir que les Philippines c'est "quelque part en Asie". Ca se peut, si on nous demandait de montrer sur la carte les endroits dont on nous parle dans le JT, on ferait 70% d'erreurs!
Amusez-vous bien, et dites-nous: Quel est votre meilleur score? Et le pire?
Pour ma part: le meilleur score, 5km (place San Marco à Venise, qui s'en serait douté!). Le pire? 4366km, Burkina Faso. La honte quoi. J'en suis restée au niveau 8 sur 12, avec un IQ de 100.
Ca jasait depuis un moment, et voilà, la nouvelle est tombée! Il y aura bien un restaurant gastronomique à l'Opéra Garnier. Le conseil d'administration de l'Opéra devrait ratifier d'ici peu le dossier présenté par Pierre-François et Jean-Philippe Blanc (Spicy, Findi), en association avec Addi Bakhtiar (un pro de l'événementiel : «Showcase» et «Black Calavados», à Paris). En cuisine, Nicolas Le Bec, un chef lyonnais (deux étoiles au Michelin, 18/20 Gault&Millau).
Pourquoi cet événement mérite notre attention? Eh bien, par le nombre de pros et de contres qu'il suscite dans le monde artistique. Certes, les précédents ne manquent pas: nous connaissons Les Ombres sur le toit du Musée du Quai Branly, le café Marly au Louvre, La Maison Blanche en haut du Théâtre des Champs-Elysées, Le Zimmer dans le bâtiment du Théâtre du Châtelet, pour n'en citer que quelques uns. Pourquoi alors la décision d'installer un restaurant gastronomique (les prix dans l'actuel restaurant lyonnais de Nicolas Le Bec atteignent 160€ par personne) suscite tant d'émois? Les cris ironiques des amateurs d'opéra ou de danse peu fortunés se font entendre de plus en plus: "Il faut arrêter de laisser entrer au Palais Garnier des quasi-prolétaires qui, sous prétexte qu'ils aiment la danse ou l'opéra (ou voudraient découvrir ces univers), s'imaginent qu'ils y sont à leur place. Libérons Garnier! Les riches d'abord! " Que se passe-t-il donc?
C'est que, Gérard Mortier, le directeur de l'Opéra de Paris, ne cesse de clamer son désir de "démocratiser" l'opéra (cela ne lui a pas empêché d'augmenter les prix des places de 20%, bien qu'il soit vrai qu'il a également introduit des places debout à 5€). La création du restaurant en juillet 2009 marquera la fin du mandat de Gérard Mortier et l'avènement d'un nouveau directeur, Nicolas Joël, metteur en scène épicurien aux productions luxueuses. L'histoire du restaurant est importante car, tout simplement, l'entracte fait aussi partie de l'expérience de la sortie à l'opéra: on va à l'opéra autant pour le spectacle que pour partager nos impressions pendant l'entracte. Justement, lorsque j'étais à New York en décembre dernier, je suis allée au Metropolitan Opera. L'entracte y dure 40 minutes, le temps que les riches les spectateurs puissent aller se sustenter au Grand Tier Restaurant de Metropolitan Opera (environ 100$ par personne). Les autres? Ils se promènent. Non non, pas parce qu'ils ont envie de se dégourdir les jambes, mais parce que, en dehors du restaurant, il n'y avait pas une seule chaise ni banquette où s'asseoir (pensez aux places debout, justement). On se sent vraiment bien accueilli :-(
Sans vouloir affirmer que ce sera le cas de l'Opéra Garnier, il est tout de même judicieux de souligner l'ambiance Metropolitan Opera et et celle du restaurant de l'Opéra de Munich avec la formule "un thé + un gâteau" à 5€. En tout cas, après avoir acheté des places à 40-50€ (car en-dessous on voit rarement bien, à moins de s'y prendre un an à l'avance), je ne serai pas prête de dépenser deux fois plus pour un dîner... Et vous?
Connaissez-vous John Neumeier? Ce chorégraphe américain à la tête du Ballet de Hambourg est un des mes chorégraphes préférés depuis quelques années - depuis que j'ai vu ses ballets Nijinsky et La Dame aux Camélias (bientôt à l'Opéra de Paris), de vrais élans de génie. Quand j'ai vu que le Théâtre du Châtelet accueillait, dans le cadre de son Festival de danse, La Mort à Venise(2003) de John Neumeier, je n'ai pas hésité une seconde.
Le style de Neumeier est généralement décrit comme "post-néo-classique" (Petipa = classique, Balanchine = néo-classique, Neumeier = post-néo-classique, i.e., pour résumer, des ballets "longs-métrages" à histoire, où les ballerines sont à pointes). De nos jours, il est le seul à chorégraphier encore de vrais ballets à scénario (comme la Belle au bois dormant d'antan): dans La Mort à Venise, un ballet de 2h30, il s'inspire davantage du film de Visconti que de la nouvelle de Thomas Mann proprement dite. Son style, toujours reconnaissable, est là: une écriture fine, aux entrelacements et aux portés inventifs et aériens, au mélange du symétrique et de l'asymétrique qui réconcilie les amateurs du classique et du moderne... Neumeier est aussi un chorégraphe musicien, tant ses mouvements s'inscrivent bien dans la musique qu'il choisit pour ses ballets: ses chorégraphies sur la musique polyphonique de Bach sont parmi les meilleures que je connaisse. Bach et Chopin, justement, accompagnaient cette Mort à Venise: Bach pré-enregistré, et Chopin joué sur scène par Elisabeth Cooper (très très mauvaise, on dirait qu'elle joue avec des gants de boxe, par moments c'était atroce). Je reste dubitative quant à l'accompagnement au piano dans le ballet, c'est rarement réussi!
Un petit extrait du ballet:
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Si je n'ai pas été totalement convaincue (ni séduite) par ce ballet, déjà âgé et parfois irritant par sa façon de traiter le thème de l'homosexualité, je reste quand même une fan de John Neumeier que je vous recommande vivement (courez voir sa Dame aux Camélias qui sera bientôt donnée à l'Opéra Garnier!)
Quant au festival d dance du Châtelet, il se termine dans une vingtaine de jours: vous avez encore le temps de découvrir deux compagnies de danse!
Puisque j'ai encore été trop crédule et que finalement, il va peut-être bien pleuvoir ce week-end, voici une
petite grande expo à voir en cas de pluie (et aussi si vous êtes seul le week-end, un petit bain de foule comme ça, c'est ce qu'il y a de mieux - l'expo est courue. Remarquez, il y a aussi la variante "galeries Lafayette le samedi après-midi" dans le même genre).
Justement, quelle est la différence entre les galeries Lafayette et l'expo Marie-Antoinette? (ça rime, vous avez remarqué? Je suis trop forte!). Et bien, l'expo Marie-Antoinette, c'est un peu comme si vous vous baladiez dans la liste de mariage de quelqu'un sur le site des galeries, sauf que ce quelqu'un est une reine et qu'elle habitait il y a plus de 200 ans. Et puis, comme ça vous plait (petit voyeur que vous êtes!), vous allez aussi checker son profile Facebook, histoire de mater ses photos portraits, ceux de son mari (Louis XVI), de ses gosses, des tantes de son mari, de sa moman (l'impératrice Marie-Thérèse), de la fête de son mariage... Et puis aussi regarder ses "statuts", du genre "et ben là on vient de me faire un nouveau portrait, mais il est pas bien, chuis trop moche, j'en commande un autre" ou encore "et ben là chuis en prison, mais je suis sure que tout ira bien", et aussi son "ILike" (les choses qu'elle aimait). Bon, je force un peu le trait, mais c'est tout à fait ça: les conservateurs Pierre Arizzoli-Clémentel (musée de Versailles) et Xavier Salmon (RMN) ont gratté partout pour retrouver toute trace que Marie-Antoinette ait pu laisser sur Terre, et nous ont ramené ce qu'ils ont trouvé. Résultats de leur recherche:
Plus de 300 oeuvres sont reparties en trois sections (la vie en Autriche, les années fastes de son règne et la chute), mises en scène par Robert Carsen. Le choix d'un metteur en scène d'opéra semble intéressant et justifié: la passion de Marie-Antoinette pour la musique et l'opéra en particulier, sa vie constamment mise en spectacle devant la cour de Versailles ainsi que les oeuvres et objets recueillis par les conservateurs nécessitaient en effet une démarche théâtrale plus que muséale. Cependant, je suis assez étonée par le fait que fût choisi, pour la mise en scène de l'exposition, Robert Carsen, connu davantage pour ses belles mises en espace presque minimalistes: son Les Capulets et les Montaigus à l'Opéra Bastille il y a quelques années, presqu'entièrement en gris/rouge - j'avais failli mourir d'ennui - ou, dans un autre registre, la sublime mise en scène (mais toujours très épurée) de Capriccio de Strauss à l'Opéra Garnier, encore repris cette saison. Mais le siècle de Marie-Antoinette est celui d'une profusion de décors, d'objets, de costumes, c'est celui de la fin de l'opéra baroque, tout en fioritures, et du passage vers le classicisme (mais passage à peine amorcé)! Pour ma part, j'aurais préféré, de loin, un Laurent Pelly ou, à la limite, pourquoi pas, une Coline Serreau...
Je dois cependant reconnaître que la mise en scène de l'exposition est probablement ce qu'il y a de plus réussi. Au-delà des œuvres souvent mineures (à part quelques portraits de Vigée le Brun), cette mise en espace dépasse le côté "collection de papillons" avec petits coffres, assiettes, chaises, secrétaires, boîtes laquées enfermés en vitrines, et nous projette dans un décor de théâtre agréable, certes, mais, à mon humble avis, assez différent de l'époque de Marie-Antoinette.
© Rmn / Cristiano Mangione
© photos Sergey Kozienko
Petite petite pensée du mardi soir, au détour d'un article aperçu dans le New York Times ("It's not you, it's your books!", et un autre dans le Libé ("Rupture littéraire") lui faisant écho. Qu'est-ce qu'une cause littéraire de rupture (literary deal breaker)?
"Lorsqu’elle/il vous a dit «Chéri(e), l’Alchimiste (Paulo Coelho) est un livre qui a changé ma vie», vous avez immédiatement compris que cette relation amoureuse ne pourrait pas aller tellement plus loin et que le moment était venu de se dire adieu."
D'après les commentaires des lecteurs du NYT, trois livres sont à l'Olympe des causes littéraires de rupture:
1) Da Vinci Code (Dan Brown)
2) L’Alchimiste (Paulo Coelho)
3) Les Cerfs-volants de Kaboul (Khaled Hosseini)
Certains diront que ce n'est pas bien d'être si catégorique dans ses jugements. Certes. Mais, comme disait un certain Stanford, "We all judge, it's our hobby. Some people do arts and crafts, we judge", et je m'y retrouve parfaitement (oui, je lis des articles vieux de trois semaines, et je regarde des séries vieilles de cinq ans!). A ce sujet, pas de liste de dealbreakers, mais quelques réflexions:
Tout d'abord, le dealbreaker (littéraire ou autre) est valable dans toute relation, et pas seulement dans des relations amoureuses... Combien de fois avez-vous été repoussé par la mention soudaine d'un auteur, d'un livre, d'un film - de la part d'un ami ou d'une simple connaissance?
Paulo Coelho est probablement le dealbreaker littéraire numéro 1 pour moi. Rien à faire, je trouve que cela fait "philosophie remâchée pour ceux qui n'ont pas les dents pour lire de vrais philosophes". C'est peut-être erroné, mais dans mon esprit c'est souvent connoté avec un manque d'éducation familiale, même si j'ai eu affaire à d'heureuses exceptions! Le numéro 2 serait Bernard Werber (littérature et cinéma confondus). Je sature également devant quelqu'un qui a lu plus de 2 romans d'Anne Gavalda et ne s'en est pas lassé. Dans un sens contraire, un "scelleur" de deal serait un livre ou un auteur confidentiel que j'adore (par exemple, Inversion de l'idiotie de David Foenkinos, ou une connaissance même superficielle de la poésie russe du XXe siècle). Non, ça n'arrive pas souvent.
Sinon, que ce soit dans la musique ou dans le cinéma je ne trouve pas vraiment de dealbreakers, mais plutôt des incompatibilités (je ramerai un peu pour trouver des sujets de conversation communs avec un amateur de rap ou de films d'action au scénario bidon, mais j'y arriverai sans doute). Et je n'en ai pas du tout en peinture, en photographie ou en danse, peut-être quelques uns en gastronomie (par exemple, un sachet de Lipton mis dans un mug avec de l'eau froide et passé 30 secondes au micro-ondes jusqu'à une température de 30°C, ça ne passe pas avec moi!). En fait, je critique, je critique, mais je suis vachement tolérante, quand même, faut le dire. Un poil mauvaise langue, ça oui, mais il faut me comprendre, je dois bien compenser mes efforts de tolérance par un petit plaisir de médisance...
Encore un acte tout à fait remarquable (je fais dans l'héroïsme cette semaine!): pour une fois, je suis allée voir un film à sa sortie! A la séance de 22h un mercredi soir, qui plus est. Quand j'ai vu combien de cinémas passaient le nouveau film d'Amos Gitaï, je me suis dit qu'il ne va pas rester longtemps sur les écrans. D'Amos Gitaï, je n'ai vu que Kedma, autant dire que j'en suis encore à la découverte de ce réalisateur israélien surtout (re)connu à l'étranger.
Ce qui m'a poussé à voir ce film. Le premier paragraphe de la critique de Télérama: "Il y a toujours eu dans le cinéma d'Amos Gitaï de purs moments de grâce : on se souvient de la première scène de Free Zone, littéralement centrée sur le visage bouleversant de Natalie Portman ; celle de Désengagement est de la même eau. (...) Ça pourrait être un cliché, mais c'est magnifique."
L'histoire: le film s'articule en deux parties séparées; la première se passe à Avignon, où Ana et Uli, une sœur et son frère adoptif, pleurent (mais non, que dis-je, célèbrent? vivent?) la mort de leur père, personnage énigmatique et presque détestable. La deuxième commence avec leur départ pour Israël: Uli rejoint l'armée pour l'évacuation des colons de la bande de Gaza, Ana va y retrouver sa fille qu'elle n'a jamais vue.
En fait, il y a trois parties. La première, c'est le prologue - cette fameuse première scène dont parle le critique de Télérama. Dans un train qui remonte de l'Italie vers la France, Uli rencontre une femme palestinienne, ils se parlent, et, devant un douanier méfiant, se demandent: "Qui sommes-nous"? avant d'échanger un baiser fougueux entre deux wagons... Un long plan-séquence (la signature d'Amos Gitaï), qui pourrait exister en tant que court-métrage séparé tant il est abouti, maîtrisé, émouvant.
La partie avignonnaise qui suit reste la moins réussie du film: entièrement portée par une Juliette Binoche excentrique mais attirante, elle semble être faite d'une autre pâte. On y trouve quelques bribes de scénario et quelques rôles secondaires intéressants (Jeanne Moreau, exceptionnelle), mais aussi des choix plus discutables, comme celui d'intégrer Barbara Hendricks, une (autrefois) grande chanteuse, dans l'histoire. Honnêtement, je me demande ce qu'elle apporte, et surtout je ne comprends pas: pourquoi elle? Pourquoi, de toutes les chanteuses d'opéra, Amos Gitaï l'a choisie, elle? Je ne trouve pas.
Après cette césure, le film reprend avec le départ d'Ana et de Uli en Israël: là, on est fasciné par Uli (Liron Levo, incroyablement beau et convaincant), et on y retrouve le souffle du début. Une scène à retenir, que j'ai trouvée très "construite" mais d'une beauté extrême, est celle où Juliette Binoche erre dans le port désert, son châle beige noué et dénoué par le vent joueur. L'effet produit par cette scène ressemble à celui d'un feu de bois: vous pourriez le regarder pendant une éternité sans vous en lasser, tellement c'est hypnotisant.
Etrangement, c'est surtout la réalisation qui m'a marquée dans Désengagement, et non l'histoire, même si celle-ci ne manque pas d'intérêt et si l'évacuation de la bande de Gaza est racontée avec beaucoup de délicatesse et de justesse. Amos Gitaï a une façon de faire parler les visages qui m'émeut. Si Juliette Binoche reste un peu à part dans l'histoire, elle trouve pleinement sa place dans l'esthétique de Gitaï: on se demande si son visage a déjà été mieux mis en grâce au cinéma.
Faut-il voir ce film? Je dirais plutôt oui: déjà, parce que c'est à peu près le seul film indépendant recommandable à l'affiche, et surtout pour le plaisir de (re)découvrir un autre monde, et une façon différente de le voir.
Un dessinateur découvert chez Spoutnitsi au gré de mes lectures sur Internet: Andreï Gordeev (cf autoportrait à droite). J'ai trouvé ce calendrier(fait à la commande d'une compagnie de poids lourds) tout bonnement excellent: 12 planches bourrées de stéréotypes sur les conducteurs de nationalités différentes, ou comment les russes voient les français, les anglais, les américains, les allemands...
Mes deux préférés. La France, les manches en dentelle blanche, une rose à la main, un cupidon, des croissants, une Tour Eiffel en arrière-plan, le mime Marceau traversant la rue (Marcel Marceau est très populaire en Russie), des post-it avec des numéros de téléphone de jeunes filles collés un peu partout, un café au loin ("Emmanuelle", bien sûr)... Alors, vous vous reconnaissez? :-)
Bon, je sais que ce n'est pas sympa de vous parler d'une pièce alors qu'elle vient de se terminer. Je sais que ce n'est pas très "tendance" de ma part d'y aller le dernier jour (bien évidemment, Jacques ou la soumission/L'avenir est dans les œufs de Ionesco est restée à l'affiche du Théâtre Athénée pendant un bon mois). Mais que voulez-vous? Je ne suis pas tendance. Mea culpa. C'est aussi une grande chance, car cela me permet de ne pas voir un grand nombre de mauvaises pièces dans l'air du temps. Moi, j'attends tranquillement que quelqu'un que je respecte m'en dise du bien: là, un post de Pierre Assouline m'a convaincu de prendre des places. Et si je vous en parle, ce n'est pas pour vous rendre jaloux, mais pour vous parler d'un metteur en scène que j'aime de plus en plus: il s'agit de Laurent Pelly. La mise en scène qu'il a signée pour le Théâtre Athénée est un chef-d'œuvre d'imagination, tant dans les décors que dans la direction des acteurs. Laurent Pelly a un sens de l'humour "caméléon": il a un style très reconnaissable, certes, mais un humour et un imaginaire qu'il adapte à chaque auteur, à chaque spectacle. Ici, on n'aurait pas pu trouver une mise en scène reflétant mieux l'esprit d'Ionesco.
Laurent Pelly, récemment nommé à la tête du Théâtre national de Toulouse (en co-direction avec Agathe Mélinand), est bien connu dans le monde théâtral et encore plus dans le monde de l'opéra. Je l'ai découvert il y a quelques années, avec le magnifique spectacle de Platée de Lully à l'Opéra Garnier (vous pouvez voir quelques vidéos ici), à l'époque je n'avais jamais vu une mise en scène aussi inventive, aussi drôle, aussi belle, et aussi peu ennuyeuse! Plus tard, j'ai également vu L'Elixir d'Amour (à l'Opéra Bastille), très réussi lui aussi.
Samedi soir, au Théâtre Athénée, j'ai mis tout ça ensemble et je me suis dit: "Mais en fait, j'adore Laurent Pelly!" Grande découverte et un super critère pour mes prochaines sorties.
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Publié par Une Russe à Paris à 18:45 0 commentaires
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© photos Kirill Gueorguiev - Aircolor