Leon Gimpel, les audaces d'un photographe au Musée d'Orsay | Une Russe à Paris
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jeudi 6 mars 2008

Leon Gimpel, les audaces d'un photographe au Musée d'Orsay

J'ai toujours aimé la photographie du XIXe - début du XXe siècle, les premiers daguerreotypes, les photos en sépia: toutes ces traces d'une vie disparue, ces visages fins et expressifs m'hypnotisent. Aussi me suis-je précipitée pour voir la nouvelle exposition au Musée d'Orsay consacrée au photographe Léon Gimpel (je ne connaissais pas du tout): "Les audaces d'un photographe". De quoi s'agit-il et pourquoi faudrait-il que vous vous y intéressiez?

Léon Gimpel est un pionnier oublié: contrairement à ses confrères Eugène Atget (expo à la bibliothèque Richelieu l'été dernier) ou Henri Lartigue (expo à la galerie Camera Obscura jusqu'au 22 mars), Gimpel est tombé dans les oubliettes. Et pourtant, il avait du génie. Technique, tout d'abord: des photographies sur des plaques en verre, les premiers autochromes (des photos en couleurs au début des années 1910, délicieuses!), les premiers reportages photo pour la presse. Artistique, surtout: des mises en scène étudiées (comme cette "Guerre des gosses" filmée pendant la Grande Guerre où les enfants "jouent" des scènes de guerre dans les ruines des immeubles parisiens), des prises de vue inventives (il est le premier photographe à embarquer sur un dirigeable pour immortaliser Paris vu du ciel), une précision rare et un intérêt presque sociologique pour l'actualité (regardez cette photo sur le "toboggan canadien"!)







Quatrième enfant d'une famille juive de Strasbourg, il déménage avec toute la famille à Paris après la perte de l'Alsace en 1870 et commence à faire de la photo à l'âge de 24 ans, avec un appareil Belek, puis avec un Spido Gaumont. En 1900, il devient photoreporter professionnel, envoie deux photos au journal "L'Illustration" - elles sont publiées quelques jours plus tard; s'en suivra une collaboration de plus de 30 ans (si seulement ça se passait aussi facilement aujourd'hui pour les journalistes!). Pour L'Illustration, Gimpel immortalise les progrès de l'aéronautique, les visites des dirigeants (e.g. celle de Nicolas II et de l'impératrice Alexandra), les premiers jours de la Grande Guerre, mais aussi les premiers néons de Paris (on notera en passant le style kitchissime des Galeries Lafayette de l'époque, mais aussi le raffinement et la beauté de l'éclairage de la Tour Eiffel en 1925, bien meilleur qu'aujourd'hui - avis à Bertrand Delanoë!!!), les parisiens, les fêtes (cortège de carême, fête de l'enseignement public et distribution de cartes postales gratuites...). Plus qu'un témoin de son temps, Léon Gimpel est un vrai artiste visionnaire.

Cette exposition, faite en collaboration avec la Société Française de Photographie, est plus que méritée. Parmi les 3800 clichés légués à la SFP par la femme du photographe, 180 sont exposés à l'aide d'un dispositif spécial (les plaques en verre sont très difficiles à protéger); 150 autres sont projetés en format numérique sur un des murs de l'exposition (à ne pas manquer). Profitez de votre visite pour aller voir l'exposition consacrée au designer Art Nouveau Alexandre Charpentier (critique de la femme russe ici).

A lire également: deux très bons articles ici et ici.

(1873-1948), les audaces d’un photographe
Musée d'Orsay
Jusqu'au 27 avril 2018