vendredi 30 janvier 2009

(Photo) Les fifties à Leningrad: Jacques Dupâquier



Une boulangerie perspective Nevsky, Leningrad, 1956
© Jacques Dupâquier

Ayant mis de côté, pour l'instant du moins, mes projets d'un blog photo, je ne puis résister de vous montrer quelques photos du Fonds Jacques Dupâquier que  l'Iconothèque russe et soviétique du Cercec vient de mettre en ligne. 1107 photos réalisées en URSS en 1956, 1964 et 1975 à Moscou, Leningrad, en Ouzbékistan, dans le Caucase, en Sibérie...

Ce qui m'intéressait surtout, c'étaient les photos des gens (les quais de la Néva restent à peu près pareils, donc les photos des monuments avaient peu d'intérêt pour moi). Dans les années 1950, presque personne ne possédait d'appareil-photo couleurs - et les photos de Jacques Dupâquier sont un choc visuel tant je suis surprise de voir les gens habillés d'autres couleurs que le noir, le gris et le blanc... mais aussi de voir la pauvreté habituellement annoblie par le noir et blanc.
Le choc est si fort que l'on a presque l'impression de voir les gens pour de vrai (que mangent-ils? à quoi pensent-ils?), et - peut-être, qui sait? - apercevrai-je soudain ma mère parmi les enfants de cette classe de l'école maternelle...



Sur ce voyage de 1956, Jacques Dupâquier raconte, dans une interview que je vous conseille vivement de parcourir, l'air de liberté qu'il a senti - trois ans après la mort de Staline: "à cette époque-là, après le XXe Congrès, tout leur univers policier et mental s'était effondré. Ils ne savaient plus ce qui était permis et ce qui n'était pas permis(...).Le photographe a alors le droit d'aller où il veut, de parler aux gens - une liberté qu'il n'a plus ressentie lors de ses voyages successifs. "Cela semble incroyable quand on dit cela maintenant, 48 ans plus tard : les Russes avaient le sentiment que tout allait s'arranger ! Et moi, je vous dirai que je suis revenu avec le sentiment que l'Union soviétique allait s'en sortir. En 1964, j'avais déjà déchanté."

Les images qu'il a rapportées de ces voyages sont une vraie machine à remonter le temps. A consommer sans modération!

Quelques unes des photos qui m'ont touchée: un groupe de provinciaux sur la place Rouge, les petites filles sur le quai de la Moscova,  une vendeuse de glaces parc Gorky (surtout pour l'enfant qui tire sa mère hors du cadre de la photo, vers la gauche), la mode des sixties au Gum, les couleurs chaudes de Tashkent, les vacanciers de Sotchi...

Bon voyage!

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dimanche 25 janvier 2009

(Ciné) Les Noces Rebelles de Sam Mendes


 "Academy award nominee Kate Winslet... Academy Award nominee Leonardo DiCaprio..." Qui n'a pas vu la bande-annonce si prometteuse de Noces Rebelles (piètre traduction du titre original du film, Revolutionary road)? Ce film qui semble prolonger la thématique abordée par Sam Mendes dans American Beauty sur le terrain du couple, avait tout pour lui: une vraie histoire, un scénario bien écrit, un duo d'acteurs brillants et complexes... Mais, comme dans le couple de Frank et April, malgré ces apparences flatteuses, on s'aperçoit vite que quelque chose ne fonctionne pas. Mais commençons d'abord par ce qui fonctionne!

Amérique des années 1950. Un jeune couple se rencontre, se marie, se déchire, espère et se résigne. Loin des feux de la rampe auxquels rêve April, plus loin encore des rêves - si vagues - de Frank, les Wheelers déménagent dans une petite ville de banlieue aux pelouses parfaites, tombant sous le charme d'une petite maison juste à côté de la Revolutionary road. Juste à côté, mais pas sur la Revolutionary road - indice subtile ou coïncidence - mais l'on devine d'emblée le destin qui attend ces rebelles ratés.

Basé sur un roman archi-connu aux Etats-Unis (mais que je n'ai malheureusement pas lu), Les Noces Rebelles est donc un film anti-suspense - du moins, pour le public américain: il ne s'y passe rien, et c'est tant mieux car on peut se concentrer sur Kate Winslet et Leonardo DiCaprio auxquels Sam Mendes prête une attention presque obsessionnelle. J'ai toujours aimé Winslet et DiCaprio (et dans ce "et", ne cherchez pas le duo de Titanic mais simplement deux acteurs exceptionnels). Winslet fait pour moi partie des actrices dont le visage est si expressif, si à fleur de peau que l'on peut l'observer sans se lasser même lorsqu'il reste impassible (je pense aussi à Julianne Moore, ou par exemple à Fanny Valette, ou encore à Isabelle Huppert). Quant à DiCaprio, j'ai toujours admiré son jeu de caméléon - jamais un rôle ne rappelle un précédent! Mais voilà que, pour un public qui n'a pas lu le roman de Yates, l'histoire compte tout autant que les "award-winning performances" des deux acteurs.

Je pourrais écrire une critique d'un mètre de long au sujet de ce film (après tout, il est toujours plus facile de critiquer que d'encenser), mais je me limiterai à trois reproches fondamentaux à Sam Mendes. Tout d'abord, la réalisation est si lisse et parfaite qu'elle serait parfaite pour l'un des épisodes de Desperate Housewives. Chaque plan est si beau qu'il semble être tiré d'un livre dont on décore habituellement les tables basses. Rien n'accroche le regard, et cette attention maniaque au détail me fait penser à un cliché dont la trop grande profondeur de champ rend chaque plan à merveille, mais où l'ensemble finit par irriter.

Deuzio, et c'est probablement un pendant de mon premier point, on ne ressent dans ce film aucune énergie, aucun sentiment de la part du réalisateur qui semble garder ses distances en plongeant dans un académisme ennuyeux. Mais, comme le formule si bien Frédéric Ferney, "est classique ce qui donne envie d'être imité et ne peut l'être". En voulant imiter les classiques, Sam Mendes s'oublie, s'efface et livre un film que l'on a l'impression d'avoir vu quarante fois. Et, dans ce genre-là, il  en a eu des meilleurs (je pense, par exemple, à The Hours ou, encore plus, à Scènes de la vie conjugale de Bergman) et des pires (Little Children avec exactement la même Kate Winslet en pleine banlieue, un gosse et une crise de nerfs sur les bras).

Enfin, troisième reproche - toujours sur la forme. Chaque plan-séquence, chaque scène et, au final, le film tout entier ont les points sur leurs "i". Très souvent, on arrive, dans une scène, à un point où l'on pressent, où l'on devine ce qui va se passer où ce que ressent le personnage. Sam Mendes s'empresse alors de mettre le point sur le "i", de verser la goutte de trop, et enfonce le tout. En sortant du film, on se dit: "si seulement il avait terminé son film par..." ou "tu sais, dans la scène du petit-déjeuner, superbement interprétée par Kate Winslet, on sent déjà l'ombre d'un malheur planer au-dessus des oeufs brouillés, alors pourquoi fallait-il la faire exploser en sanglots au-dessus de l'évier? Ca rend les choses tellement évidentes!"

C'est peut-être cela qui nuit le plus au film: le manque de respect pour le public, accusé presque de manquer sinon de culture cinématographique, du moins d'intuition.

Au final, un bon film que l'on apprécie surtout pour les acteurs - et surtout les rôles secondaires, tous exceptionnels, dont l'extraordinaire Michael Shannon nominé aux Oscars pour sa performance dans le rôle du mathématicien fou. Les scènes avec Shannon sont les rares moments où Les Noces Rebelles sort de l'ordinaire; elles me rappellent, avec une pointe de nostalgie, l'époque d'American Beauty que l'on ferait bien de revoir.

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vendredi 23 janvier 2009

(Théâtre) Les Vêpres de la Vierge par Oleg Kulik au Théâtre du Châtelet

Cette saison est placée, pour le Théâtre du Châtelet, sous le signe du contre-emploi. Après avoir invité Sting pour participer à un opéra (no comment), le Châtelet accueille Oleg Kulik, célèbre artiste russe connu pour ses performances à scandale (ce sont ses photos qui ont été confisquées par la police lors de la dernière FIAC), pour une mise en scène des Vêpres de la Vierge de Monteverdi. Quelques impressions de la répétition générale d'hier soir.

L'idée de confier à Kulik la mise en scène d'une liturgie paraît suprenante. Mais il faut garder à l'esprit que, depuis quelque temps, Kulik s'est assagi, a voyagé en Inde, en Mongolie et au Tibet où il a visité des monastères et où lui est venue l'idée d'une liturgie populaire, à laquelle participent tous les membres de la communauté. C'est ainsi que la nouvelle production des Vêpres de la Vierge débute par une intervention du Kulik lui-même, invitant le public à participer à la première "liturgie spatiale". Quelques gloussements dans la salle... et on commence!

Mais la liturgie spatiale avait en fait commencé bien avant: dès l'entrée, une façade transformée, des feux de bois, des policiers en peau d'ours (sic), des ouvreuses aux habits cosmiques sonnant des clochettes... Les dernières rangées de chaque balcon sont rétroéclairées en rouge, quelques rayons de projecteurs sortent de l'obscurité les médaillons décorant les loges et, au milieu de la salle, un énorme écran transparent est suspendu au plafond. En soi, le théâtre est déjà une oeuvre d'art. Le ton est donné: de la soirée, on ne verra plus la musique que comme un accompagnement musical de la nouvelle oeuvre de Kulik.

L'artiste tente pourtant le contraire: mettre la musique au centre de la mise en scène. Les musiciens, déguisés en prêtres, se trouvent sur scène, face au public. Le chef d'orchestre Jean-Christohe Spinosi, est lui aussi face au public, tournant le dos à l'orchestre qui ne voit ses gestes que par le biais d'un miroir. Les chanteurs, disséminés dans la salle, pâtissent de cette spatialisation laborieuse mais pas toujours réussie, tout comme le chef d'orchestre, mal à l'aise sans un contact direct avec ses musiciens.




Les projections vidéo envahissent la salle,éblouissent au début (ah que c'est ingénieux!), ennuient ensuite, énervent plus tard. Sur scène, évoluent deux acrobates dont on peine à comprendre l'utilité et qui semblent peu grâcieux voire franchement amateurs. Des bruitages (la pluie, un bus qui s'arrêtent, les ronflements d'un spectateur...) parsèment la partition sans pour autant la gêner, dans la mesure où, de toute façon, on n'écoutait déjà plus la musique.

On en a plein les yeux, plein les oreilles, on en ressort avec un début de mal de tête et une brassée de questions. Une liturgie non rattachée à une religion en particulier, pourquoi pas. L'inclusion du public dans la liturgie, pas mal! Les projections? On n'en voit pas toujours le rapport avec la musique, idem pour la grande partie de ce qui se passe sur scène - mais qui n'aime pas se renverser sur un fauteuil en velours en écoutant de la jolie musique de fond avec de jolies lumières chassant l'une l'autre sur le plafond?

Au final, une oeuvre intéressante d'Oleg Kulik sur les motifs de Monteverdi...

En pratique:

Vespro della beata vergine, Claudio Monteverdi
Théâtre du Châtelet
du 24 janvier au 29 janvier 2009

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lundi 19 janvier 2009

(Resto) La Table Russe

Je suis de retour - toujours Russe, toujours à Paris - merci pour ceux qui m'ont écrit un petit mot, inquiets par mon absence! Je suis bien passée de 2008 en 2009 et, après trois semaines de vacances et deux semaines de travail fou, je suis bel et bien de retour pour ce premier billet de nouvelle année. Mais avant toute chose, je vous souhaite une excellente nouvelle année, pleine de bonnes trouvailles, de découvertes, de petits et grands plaisirs et de casse-têtes agréables à résoudre (si si, ça existe, par exemple, lorsque vous devez choisir entre deux offres d'emploi pareillement séduisantes).

Depuis quelque temps déjà, on me pose la question à laquelle j'étais obligée d'avoir la réponse: quels sont les bons restaurants russes à Paris? Cela vous paraîtra étrange, mais le seul restaurant où j'ai été à Paris, il y a déjà dix ans, c'est La Cantine Russe (le petit resto du Conservatoire Rachmaninov). Parce que, vu les prix et la qualité des restaurants russes, c'est en général moins cher d'aller en Russie et de dîner chez des amis. Et puis je me suis dit: "c'est tout de même étrange, je connais au moins une trentaine d'excellents restaurants parisiens de toutes obédiences, et je ne connais aucun restaurant russe!" Ce fut donc ma "résolution blog" 2009 que de découvrir ne serait-ce qu'un seul bon restaurant russe; et par bon j'entends "comme cela doit être: bon, simple, avec un accueil agréable et des prix raisonnables". Cela semblait être une mission impossible, mais voilà que je reviens d'un déjeuner fort sympathique à La Table Russe.

Alors, pour ceux qui ne suivent pas l'actualité des restaurants russes (grosso modo, nous tous): La Cantine Russe, dernier repaire des estomacs slaves aux portefeuilles fins, a changé de management il y a trois ans. Le comte Sheremetev qui gère le conservatoire Rachmaninov a cédé le bail à un couple sans vergogne qui a transformé l'endroit en un énième restaurant russe avec ambiance musicale, la salade russe à 30€ (non, mais j'exagère à peine), un accueil glacial et des portions minuscules. Ouvert depuis 1923, c'est toute une époque qui se termine... Un autre update: les restaurants La Datcha Lydie et Chez Dominique ont fermé! (je précise au cas où, sinon les gens vont s'étonner que je pointe mon nez en dehors du 15e).


Il y a trois ans, justement, a ouvert La Table Russe - un petit restaurant à l'angle de la rue de l'Ecole Polytechnique et de la rue de la Montagne Ste-Geneviève. Décor aux accords franco-russes (plateaux et samovars russes, mais banquette en cuir et ardoise à la française), La Table Russe est un endroit sans prétention, avec un menu en français et en russe (sans fautes d'orthographes, très agréable pour les puristes des deux langues) et des plats uniquement russes au menu. Les prix sont plus qu'acceptables et enfin en phase avec les ingrédients utilisés: les menus midis à 10, 12 (exemple: borsch + pelmenis + part de gâteau aux crêpes), 18 et 23 euros sont proposés les jours de semaine; à la carte, comptez entre 6 et 10€ pour l'entrée (hors poissons fumés, plus chers) et autour de 12-15€ pour le plat. J'insiste à ce point sur les prix uniquement parce que je sais combien ça coûte vraiment de fabriquer ces plats et que les restaurants qui chargent 15€ le borsch, c'est honteux.


En entrée, justement, le borsch est sans reproches, on sent bien les morceaux de betterave, le morceau de viande est tendre et la crème fraîche se dissout sans problèmes (signe qu'elle est russe, et non française). Le goût: comme chez moi maman. Que demander de plus? Une autre entrée, un trio de caviars - aubergine, courgettes et betterave - tout à fait convaincant, même si je soupçonne celui aux courgettes de venir d'une boîte - mais c'est justement comme ça que je l'aime; j'ai moins aimé celui de betteraves, on sent un peu trop le goût de vinaigre. En face de moi, R. savoure la salade au hareng (pommes de terre, oignons, petits pois et harengs) - bonne, paraît-il. Ensuite, viennent les plats (les deux inclus dans le menu à 12€) - les pelmenis sont... russes. Je sais, cela ne veut rien dire, mais c'est toute la différence avec les raviolis (non les pelmenis ce ne sont PAS des raviolis!) - la pâte est différente, et la viande aussi (c'est toujours un mélange de viandes qui est utilisé...) - peut-être la viande était à peine trop sèche. Les vareniki aux griottes, authentiques!
On n'a pas goûté aux desserts, pourtant inclus, tant les portions étaient suffisantes. La prochaine fois...

Un peu plus loin dans la même rue, une épicerie russe est gérée par la même propriétaire qui cuisine et sert dans la salle aussi (très sympa d'ailleurs - ce qui est super rare pour tous les endroits russes) - pas testé, mais si les produits sont les mêmes, a priori je leur ferais confiance.

En pratique:

La Table Russe
1 rue de l'Ecole Polytechnique
75005  Tel 01 53 10 82 41
Fermé le dimanche

PS je précise au cas où que je ne suis nullement rémunérée par La Table Russe :-)

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