(Ciné) Un Conte de Noël d'Arnaud Desplechin | Une Russe à Paris
Une Russe à Paris

dimanche 25 mai 2008

(Ciné) Un Conte de Noël d'Arnaud Desplechin

Premier film "cannois" à sortir sur les écrans, Un Conte de Noël semble aller à contre-courant: une sortie juste avant les vacances d'été, alors que tous les films présentés à Cannes sortiront en automne, et en plus, un thème de Noël resservi en plein mois de mai, cela intrigue... Les critiques sont enthousiastes. Et nous?

Et bien nous, les spectateurs simples d'esprit, nous sommes - comment dit-on, déjà? - partagés. C'est ça, partagés. Tout à coup, nous nous sentons inférieurs aux messieurs les critiques qui n'y ont vu que du feu, dans ce Desplechin, alors que nous, pendant 2h30, on avait l'impression de passer à côté de quelque chose... De quoi, justement? Rassurez-vous, Un Conte de Noël est loin d'être un mauvais film. On ne pourrait même pas le qualifier de "chiant" (qualificatif dont on affuble pourtant 95% des films d'auteur). Et bien, qu'est-ce qui cloche alors? Non non, ne mettons pas la charrue avant les bœufs, et commençons par le début.

L'histoire. Un film choral (très en vogue ces derniers temps), une sorte de "Bûche" revue et corrigée, avec au moins cinq histoires qui s'entremêlent et s'entrechoquent un soir de Noël.Abel et Junon ont eu deux enfants, Joseph et Élisabeth. Le premier tombe malade et a besoin d'une greffe de moelle osseuse. Abel et Junon font un troisième enfant dans l'espoir qu'il soit compatible; manque de bol, avant qu'il ne soit né, ils savent qu'il ne l'est pas, Henri nait et vit avec ce sentiment d'inutilité, aux côtés d'une mère indifférente et d'une sœur haineuse. Trente ans plus tar, c'est Junon qui a besoin d'une greffe. A cette occasion, toute la famille se retrouve dans la maison familiale à Roubaix pour passer Noël ensemble, même Henri, pourtant banni par sa sœur depuis six ans.

Que vous dire? La réalisation est superbe, elle ne manque ni de punch ni de rythme; les acteurs sont parfaits, chacun étant crédible dans son rôle (Mathieu Amalric est génial, tout de même). Desplechin transmet une atmosphère de Noël, d'hiver, d'attente qui me fait penser à Casse-Noisette (je suis très vieux jeu, n'empêche que, si on réfléchit, l'histoire de la haine entre une sœur et un frère dont les parents ne veulent rien savoir, un soir de Noël, c'est tout à fait ça). La musique de Grégoire Hertzel est superbe (c'était d'ailleurs lui, le compositeur des Méduses, ce n'est pas étonnant que cela m'ait plu).

Alors quoi? Qu'est-ce qui manque? Eh bien... c'est juste tr-o-o-o-p long, c'est insoutenable au bout d'un moment. On rêve d'un producteur américain qui imposerait à Desplechin le final cut à 100 minutes, pas 150. Et sinon, si on accepte de rester là pendant 2h30 (ce qui m'est arrivé maintes fois au cinéma, sans le moindre ennui), "on demande des modifications"! Des histoires dont on ne comprend pas toujours les tenants et dont on ne comprendra pas la fin, une heure, ça va, deux heures, ça va, deux heures et demie, bonjour les dégâts! Je m'explique: si on ne comprend pas pourquoi une sœur hait tant son frère pendant toute sa vie, qu'on nous en parle pendant 2h30, et qu'à la fin on a l'impression qu'elle ne le déteste plus bien qu'on ne comprenne pas vraiment pourquoi. A moins qu'on n'ait pas bien compris et qu'elle le déteste toujours, auquel cas on n'a rien compris et surtout pas pourquoi en faire un film. Multipliez ce genre de pensées par le nombre d'histoires dans le film, et vous obtiendrez le même bourdonnement dans la tête que moi à la sortie du Conte de Noël.




Faut-il aller le voir? Je dirai plutôt oui. Alors, ce n'est clairement pas un film de vendredi soir, ne répétez pas mon erreur. N'essayez pas non plus un nouveau médicament antiallergique juste avant, ça ne finira pas bien. En revanche, je le sens bien un dimanche matin ou un samedi après-midi de pluie. Je vous le répète, j'ai trouvé que c'était un beau film magnifiquement interprété, il faut peut-être être plus en forme pour pouvoir le remplir de sens. Oh, Dieu, je n'ai pas été à la hauteur. Ou bien est-ce le cinéma français?

--